Chapitre 4 - L'hiver
L’hiver était venu et avec lui ses nuits interminables et ses froides journées au soleil blafard. Mon état avait empiré, je n’étais plus que l’ombre de celle que j’avais été, un pâle reflet sans brillant. Mon fiancé n’avait plus donné de nouvelles depuis plusieurs jours. J’avais bien tenté de garder le contact par SMS mais il n’avait pour moi que des réponses évasives et inexpressives. J’avais longtemps pleuré sur mon lit d’enfance, pleurant autant sur ma jeunesse perdue que sur mes erreurs. J’avais tant de regrets, il y avait tellement de choses que j’aurais dû faire ou au contraire que j’aurais dû éviter.
***
Un soir, alors que le voile de la nuit tombait, je fus pris d’une soudaine pulsion de rage. Une folle envie de révolte m’envahit. J’ouvris violemment la fenêtre de ma chambre, la fraîcheur mordante de la nuit s’engouffra dans ma chambre emmenant avec elle un silence étouffé. Malgré le froid je sortis par la fenêtre de ma chambre. Je courai jusqu'aux tristes frondaisons dénudées du bois tout proche. Mes pieds nus foulèrent bientôt le sol moelleux des sous-bois, je sentai alors l'odeur de l'humus, des rayons de lune percèrent l'obscurité de la canopée. Éperdue, je courais sans but, mes larmes coulaient, éclairées par la lumière de la lune étincelante dans la nuit comme autant d'étoiles. Je trébuchai en débouchant dans une clairière, je mettai mes bras en avant et je ressentis une vive douleur lorsque mes avants bras s'enfoncèrent dans des ronces couvrant le sol.
Je me relevai péniblement, des gouttes de sang perlant à la surface de mes poignets et mes yeux emplis de larmes de douleur. Je sortis des ronces en m'avançant dans cette clairière baignée de la blanche lumière de la lune. Je découvris au milieu de cette clairière circulaire une vieille épave, c'était une sorte de grande remorque, sans doute un ancien mobile-home, je m'avançai avec un étrange sentiment. Arrivée au pied de ce vestige du passé, je faisai le tour de l'engin abandonné pour découvrir une porte. J'entrai dans un puits de noirceur et fis quelques pas hésitants, dans cette obscurité une lueur m’apparut. Un ver luisant, une luciole, un feu-follet ou toute autre créature de la sorte voletait devant moi. Lorsque je m’avançais vers elle, la petite bête s'éloignait d'autant, je faisais un pas et elle s'éloignait à nouveau, je suivais cette petite lumière durant quelques minutes.
Puis cette chose lumineuse s’arrêta à portée de main, je tendis les bras, j’écartai les mains pour l'attraper. Mais alors que mes mains tendues de part et d'autres se rapprochèrent pour l'enfermer dans ma poigne, la lueur de l'insecte augmenta rapidement. La lumière produite fut telle que je pouvais parfaitement voir les lieux. J'étais dans une pièce de miroirs circulaires, une multitudes de reflets s'y réfléchissaient, c'était moi ! Une jeune adolescente perdue, au regard triste et tourmenté. Des cheveux teints en violet, un piercing à la narine, des boucles-d'oreilles noires et des vêtements élimés. Je fus prise de vertiges et je m'effondrai.
***
Une main se posa sur mon épaule, ma jeune amie à la beauté exotique me secouait légèrement pour me réveiller.
« Tu vas bien ? Tu t'es effondrée lorsque tu cherchais un moyen de sortir de cette pièce. »
Je regardai autour de moi, la pièce circulaire, les miroirs et une porte-miroir entre ouverte devant moi. Nous étions dans cette attraction délabrée, le labyrinthe de miroirs. Alors que je reprenais mes esprits les bribes d'un étrange rêve se dissipaient en moi. Je tournai les yeux vers mon amie et je lui souris.
« Ça va bien, merci. »
Au printemps de la vie
les yeux en tout ravis
le cœur comblé d'envies
et durant quelques temps
dans l'oubli des tourments.
L'été éblouissant
la fleur s’épanouit
et la beauté naquit
un visage ravissant
et un corps séduisant
l'automne de la vie
l'esprit indécis
les cheveux grisonnants
visage vieillissant
ainsi passe le temps
Dans l'hiver effrayant
beauté évanouie
souvenirs imprécis
ainsi passe le temps
et arrive le néant
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