17 juin 1771

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Je ne peux me détacher de cette choquante image. Hier soir, sous les gémissements incessants d’Elisabeth, j’ai écrit. Furieusement. Je n’ai pas encore brisé ma plume mais ma colère ne tardera pas à le faire. Sous la lueur de la bougie, j’ai écrit une dizaine de pages :

La garce aimait plaire. C’était une jeune fille libre, libertine, ouverte et qui choisissait ses proies. Elle était riche, influençable, aimante, égocentrique. Quand elle voulait quelque chose, elle l’avait, elle couchait, elle embrassait, elle minaudait. Lassée par de faux amours, la créature plongea dans les bras d’un domestique. N’importe lequel. Il serait heureux. Cela faisait plusieurs jours qu’il la regardait avec insistance. Il était jeune. Il se ferait un plaisir de prendre soin d’elle.

Encore choqué, je ne pense qu’à une chose : Natacha de Lèverie. Elle seule est capable de me soulager du poids si lourd que je porte depuis hier. J’abandonne, je ne peux écrire. A quoi cela peut servir, le calme ne m’envahit plus. J’envoie un mot à mon amie pour lui indiquer une invitation à déjeuner.

Je m’habille et ne croise pas Elisabeth. Le majordome indique qu’elle est partie en ville acheter de quoi se parer pour une soirée mondaine avec ses amies. Je n’ai plus qu’à me plier à ses désirs.

Midi. J’arrive devant un restaurent sympathique et huppé. En toilette violette, Natacha vient à ma rencontre. Nous échangeons quelques politesses puis je l’invite à s’installer dehors. Le restaurent possède une ambiance bourgeoise, chic et confortable. Les jardins sont parsemés de tables rondes, les serveurs circulent entre les petites haies qui séparent les clients. Natacha s’enthousiasme des lieux, me félicite pour mes bons goûts.

« Ce que j’aime chez les hommes comme vous, c’est la simplicité. C’est chic, mais ça me va. Canever regorge d’endroits si charmants que même la plus simple des femmes est séduite. »

Nous déjeunons sous un beau soleil, si chaud que nous demandons une ombrelle pour nous abriter des violents rayons. Natacha n’a pas de mal à raconter son existence. Elle a 22 ans, elle a un visage poupin, naïf. Mais ce petit bout de femme est sûre d’elle et semble tout connaître de la vie. Son mari a une cinquantaine d’années, incapable de lui faire des enfants. Elle s’offusque de la décision de ses parents de l’avoir fait s’accoupler avec un vieil aigri. Apparemment, il est riche, immensément riche mais tout l’argent part dans le jeu. Il ne vit que pour ça.

Le vieil homme laisse tout à sa femme : Natacha prend en main les finances, les dépenses ainsi que les besoins du couple. C’est elle qui porte « la culotte » et fier de constater qu’elle ne se laisse pas marcher sur les pieds, je décèle en elle un certain épuisement.

Nous continuons de parler pendant une petite promenade. Le parc a été aménagé pour que les clients, rassasiés, visitent les lieux et par paresse, puissent se reposer sous l’ombre apaisante des arbres. Natacha de Lèverie continue à parler de sa vie. Je lui pose des questions sur Mona de Convilia :

« Cette femme vous intrigue-t-elle ? Demande-t-elle avec un sourire au coin. Lorsque je l’ai rencontré, j’ai été impressionnée par sa jeunesse ainsi que par sa culture. Mais nous ne pouvons comparer nos deux cultures, elle vient de ce continent que l’on appelle « Orient » ».

« Personne ne sait donc qui elle est, vous allez très proche d’elle. »

« Oh, elle n’est ici que depuis une semaine, ne vous méprenez point de trop. Mona aime raconter ce qu’elle veut mais ce n’est pas une menteuse, non, jamais. Elle a une belle vie aux côtés d’un homme qu’elle considère comme un bon ami. Ils se prétendent mari et femme, c’est une bien jolie plaisanterie. »

« Une femme seule de nos jours, n’est-ce pas étrange ? dis-je. »

Nous nous arrêtons, Natacha éclate de rire.

« Les manœuvres sont diverses de nos jours pour faire croire que nous sommes accompagnées ! »

Nous nous séparons en début d’après-midi, charmés par ce déjeuner en tête-à-tête. Je ne la raccompagne pas afin de ne pas gâcher la joie qui m’envahit.

Le soir, je dîne seul. Elisabeth apparaît en tenue de ville très provoquante. Petite fourrure, robe décolletée, collants, elle ne manquera pas d’attirer les hommes dans ses filets.

« Ne dis rien, Siffle-t-elle. Je me pare comme je le veux et tu n’as rien à me dire. »

Dans un bruit de froufrous, elle s’éloigne rapidement.

Je me couche seul, je n’ai pas peur.

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