7. Alexis

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_ Regarde, regarde, c’est mes bonbons préférés ! Je pensais que ça existait plus. Constance, ça, tu peux pas me le refuser.

_ Alex, je t’ai jamais vu mangé ces trucs là, arrête d’essayer de nous faire acheter n’importe quoi. Ca te fera du bien, de la nourriture saine, pour une fois. Et puis t’as fais ton stock de gras, non ?

Elle désigne les paquet de chips dans le panier alors que je prends un air faussement outré face à ses accusations. Je me retourne vers Clem et Roxane, espérant trouver un peu de soutien :

_ Vous vous souvenez pas ? On en mangeait tout le temps !

Ils me regardent sans me répondre, et je sais que la partie est perdue :

_ Bon, OK, c’était peut-être pas exactement eux, mais pour les boissons, tout à l’heure je disais la vérité.

_ Tais-toi ! lancent-ils d’une même voix.

_ Ca va, ça va.

Je lève les mains en signe d’abandon alors que Constance, à mon grand malheur, se dirige vers les fruits et légumes. Nous avons chacun eu un peu d’argent par nos parents pour ces vacances, mais nous essayons d’en dépenser le moins possible dans la bouffe. Enfin, ils essaient.

Je me rapproche de Roxane et l’attire contre moi, dans un geste que je tente décontracté et anodin :

_ Moi, les pizzas, ça m’allait.

_ Toi, tu ne prends jamais un gramme, me répond elle.

Nous continuons nos achats sans que personne ne cède à mes caprices et je repense à la soirée de la veille. Nous avons lu quelques pages de plus du carnet de Sam, mais nous n’avons pas appris grand-chose de nouveau. Malgré tout, ses mots ont ravivé des souvenirs qui ont renforcé nos liens, et les avoirs si proches de moi me fait du bien.

Aujourd’hui, on a décidé de sortir un peu de notre caverne, de profiter de la plage publique et du soleil en s’achetant des glaces, comme avant. J’ai peu à peu l’impression de redevenir moi-même, celui que j’étais avant tout ça, joyeux et confiant.

Après être sortis du supermarché et avoir rangé nos courses dans le coffre, nous nous baladons un peu dans la ville, avant d’atterrir sur la plage, emmenant livres, serviettes et lunettes de soleil avec nous.

_ T’as pris la crème solaire, Alex ? me demande Constance avec un sourire.

_ Oui, ça va, j’ai retenu la leçon, dis-je en me remémorant l’énorme coup de soleil sur mon dos, il y a deux ans.

Nous nous installons tous les quatre sur le sable et regardons les gens autour de nous.

_ A votre avis, cette femme, là, elle fait quoi dans la vie ? demande Rox.

C’était notre jeu préféré, aux Cinq : dès qu’on allait au-delà de la ville, on montait les scénarios de la vie des passants qu’on croisait.

_ Elle a un chignon bas : elle est avocate. C’est la première fois qu’elle prend des vacances depuis un long moment, dis-je, sûr de moi.

_ T’as toujours été nul, à ce jeu. Elle est bien trop jeune pour être avocate, répond Constance en levant les yeux au ciel.

Je lui tire la langue et elle me jette une poignée de sable que j’évite de justesse. Clem, redressé sur ses coudes, observe la femme et finit par trancher :

_ Non, c’est évident qu’elle est agent secret. Elle est musclée, son sac est fermé pour qu’elle puisse partir à tout moment…

_ N’importe quoi, l’interrompt Roxane. Elle n’est pas du tout décoiffée ! Aucun agent secret n’a de chignon bas.

_ Qu’est-ce que t’en sais ? Y a Vesper Lynd, dans Casino Royale. Et puis c’est pas la question : le chignon, ça lui permet d’être plus… Aérodynamique.

_ Aérodynamique ? Se moque Constance, hilare.

_ Oui, exactement. Et là, elle est en mission.

_ Evidemment, qui est-ce qu’elle recherche ?

_ Un baron de la drogue. Meurtrier. Très dangereux, répond Clem avec un air très sérieux.

_ C’est ça, rit Constance.

Soudain, une balle de volley nous atterrit dessus, envoyant du sable partout autour de nous. Clem regarde gravement l’objet et secoue la tête :

_ Vous avez gagné, les gars, l’agent secret nous a entendus. Cette balle est une bombe.

Il est à fond dans son histoire, et Constance lui jette la balle pour le faire taire, alors qu’un garçon d’environ notre âge, vêtu d’un maillot de bain bleu, s’approche de nous.

_ C’est à moi, désolé !

_ C’est pas grave, je réponds. On peut se joindre à vous ou vous êtes au complet ?

Roxane me donne un coup de coude, que j’évite en prenant sa main dans la mienne, et son regard me hurle "ça va pas la tête ?". Je hausse les épaules en lui souriant et le nouvel arrivant me répond :

_ Non, venez ! On pourra jouer en équipe, ça sera mieux.

Nous nous levons et le suivons un peu plus loin, où une fille l’attend, les mains sur les hanches. Ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau, et à eux deux, ils forment le cliché parfait des gens qu’on s’imagine vivre ici : bronzés, les cheveux d’un blond/châtain, l’air décontracté et parfaitement joyeux. Nous nous présentons à eux et ils nous apprennent –sans étonnement – qu’ils sont frère et sœur, Gabin et Jo’.

Nous commençons assez vite la partie, apprenant rapidement qu’en plus d’être beaux et gentils, ils sont très forts au volley. Nous discutons des vacances, eux nous informent qu’ils vivent ici, nous parlons des cours et racontons des anecdotes, en même temps qu’ils nous mettent une raclée sur le terrain.

Après plus d’une heure, alors que le soir commence à tomber, nous nous arrêtons, épuisés, et nous asseyons avec eux. Je me sens parfaitement à l’aise, et le reste des Cinq semble l’être aussi, ce qui me réjouit. Jo’, juste en face de moi, prend une gorgée d’eau dans une boteille posée sur le sable avant de demander :

_ Vous vous connaissez depuis longtemps ?

_ On s’est rencontrés les uns après les autres, de la maternelle au collège.

Je note mentalement que, sans Sam ici, notre rencontre se mesure plutôt entre la primaire et le collège, mais je me tais, conscient qu’évoquer Sam maintenant n’est pas une bonne idée.

_ C’est cool, dis Jo’.

Elle nous regarde avec un sourire éclatant, et je sens Roxane se rapprocher de moi, jusqu’à venir caler son dos contre mon torse. Sa peau tiède m’indique que ce n’est pas à cause de la température : elle est jalouse. Je réprime un sourire, et Clément m’adresse un clin d’œil complice, ne manquant rien de ce petit changement. Le groupe a tellement changé, mais à part Sam, je ne regrette rien. Je me sens tellement plus naturel, tellement plus à l’aise depuis ces derniers jours que je me dis que ça n’aurait pas pu se passer autrement.

Je me rends compte que, même si nous avons beaucoup souffert, le fait de nous réparer ensemble nous rend plus fort. Le chemin est encore long et il y aura sûrement bien d’autres obstacles, mais on les surmontera ensemble. Pour la première fois depuis la mort de mon meilleur ami, alors que j’écoute la voix de Clem, les rires de Constance, et que je sens le corps chaud de Roxane contre mon torse, je me dis qu’il n’y a que de ça, dont j’ai besoin pour aller mieux.

Et de rien d’autre.

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