L'Autre
«Il n'est rien de pire qu'un homme qui agit en sachant qu'il fait du mal. »
Cet homme n’est pas réellement entré dans nos vies, il y est revenu, s’infiltrant avec une discrétion troublante. Nous le connaissions déjà : un ancien voisin, une silhouette du passé que nous avions presque effacée, sans jamais éprouver le moindre manque.
Je me souviens avec précision du jour où nos regards se sont à nouveau croisés. Pour nous, il n’était rien de plus qu’un souvenir fade, teinté d’un malaise diffus.
Installés en terrasse, à deux pas de notre nouvelle maison, Matthieu et moi profitions d’un moment de répit. Nous essayions de recréer ces instants à nous, de retisser des liens mis à mal ces derniers temps. L’air printanier et les premiers rayons d’avril semblaient nous encourager dans cette quête fragile.
Pas un mot n’était nécessaire, nous étions simplement là, bien, ensemble. Mon regard errait sur la place qui s’étendait devant nous, effleurant distraitement les silhouettes qui passaient, sans vraiment les voir. Un homme assis à la table voisine attira soudain mon attention.
Il était habillé de manière impeccable, avec un costume qui, de source sûre, avait coûté une petite fortune, des chaussures vernis qui brillaient au soleil, et des chaussettes Lacoste soigneusement repliées. Chaque détail était soigneusement calculé. Il parlait haut et fort, cherchait à attirer l'attention de tous.
- Oh, mes anciens voisins préférés !
Nous n'avions aucune envie de le voir ou de lui parler, mais il ne nous laissa pas le choix.
- Comment vont mes anciens voisins préférés !
Et continua sans nous laisser l’occasion de répondre :
- Écoutez, moi, je ne vais pas vous mentir, tout va bien, les affaires roulent !
Il aborda ce sujet sans préambule, s'autoproclama expert en finances. Nous l'écoutions par politesse. Son sourire exhibait une confiance excessive. Il venait de briser notre douce bulle d’intimité.
Il continuait à déblatérer ses histoires, toujours centrées sur lui-même : ses réussites, ses fraudes, ses voyages, ses conquêtes, etc... Il n’a oublié aucun détail à son tableau idyllique.
Le croiser à nouveau ne nous réjouissait pas, et très vite, le malaise s’est installé. Il s’est mis à parler de notre vie privée avec une assurance troublante. Il connaissait le prix exact de la vente de notre ancienne maison, celui de la nouvelle, avant et après négociation. Puis, sans gêne, il a évoqué notre jardin, détaillant ce qu’il avait observé grâce à son drone. Nous avons feint l’indifférence, mais l’intrusion était flagrante, presque obscène. Pourquoi s’était-il donné tant de mal pour collecter ces informations ? Une étrange sensation m’envahit : j’étais exposée, mise à nu.
Un jour de printemps, Baptiste, un ami que nous avions en commun, nous avaient invités à une soirée chez lui.
J’y suis allée pour lui faire plaisir, mais l’idée que l’Autre puisse être présent ne m’enthousiasmait absolument pas. Matthieu était resté à la maison, il travaillait tôt le lendemain et gardait Paul et Alice.
Cette soirée, qui devait être un instant de légèreté, de discussions anodines et de rires, prendrait une tout autre tournure si l’Autre se joignait à nous. Arrivée en avance, j’espérais profiter d’un moment calme pour échanger avec Baptiste.
La douceur de la nuit enveloppait le jardin, où les premiers invités, pour la plupart de simples connaissances, se montraient enjoués. Peu à peu, d’autres les rejoignaient, et l’atmosphère gagnait en chaleur et en intensité. Les conversations s’entremêlaient, les éclats de rire ponctuaient la soirée naissante, dessinant les prémices d’un moment agréable et vivant.
Les gens étaient souriants, et Baptiste rayonnait, heureux d’avoir rassemblé ses amis.
- Franchement, Tino, tu nous fais un cours sur l’art d’arriver toujours les mains vides ? lança Baptiste avec un sourire moqueur.
- Mais enfin, je vous apporte ma présence, c’est déjà un cadeau inestimable ! répliqua Tino, faussement vexé.
Quelques rires fusèrent, et je ne pus m’empêcher d’ajouter :
- Ah oui, c’est vrai ! Et en plus, il nous fait l’honneur de sa mauvaise foi légendaire.
- Exactement ! confirma Tino en levant son verre. À moi, et à ma modestie sans égal !
Les blagues fusaient, les conversations se croisaient dans un joyeux brouhaha. Pourtant, au fil des heures, malgré l’ambiance chaleureuse, la fraîcheur de la nuit finit par nous gagner.
- Bon, je ne sais pas vous, mais je tiens à mes orteils, lança Sabrina, la femme de Tino, qui frissonnait.
Nous avons donc quitté le jardin pour nous réfugier dans le salon, où la chaleur douce et les canapés confortables rendaient l’instant encore plus plaisant. Je savourais cette simplicité.
L’Autre est venu.
Dès son arrivée, il a pris le contrôle de la pièce, se lançant dans une tirade interminable sur ses investissements, ses crypto-monnaies, ses voyages d'affaires et comment il « écrasait » quiconque l’empêchait de toujours gagner plus.
Les rires des autres résonnaient autour de lui, mais pour moi, ils n’étaient que des échos vides, dénués de chaleur.
— Tu sais, je pourrais te donner quelques conseils pour investir, mais ça demanderait un peu de temps et tu n’as pas le niveau d’expertise nécessaire, lança-t-il en se moquant ouvertement de Tino.
Ce dernier n’eut même pas le temps de répondre, sa conversation avec un couple ayant été brutalement interrompue par l’irruption de l’Autre. Les deux invités échangèrent un regard, visiblement déconcertés par son arrogance.
Sa prétention était telle qu’elle devenait insupportable. Ce type était tout simplement puant. Tout ce qu’il disait, même sous couvert d’humour, n’était en réalité qu’un dénigrement, une manière de réaffirmer sa supériorité.
Puis il s’approcha doucement de moi. Son regard s’accrocha au mien, un sourire moqueur déjà prêt à attaquer.
- Alors, toujours coincée dans ton boulot de merde ? lança-t-il d’un ton faussement compatissant.
- T’inquiète pas, au moins, je fais quelque chose d’utile, répondis-je du tac au tac, tentant de masquer mon agacement.
Il éclata d’un rire suffisant.
- Utile ? Oh, mais c’est mignon, ça ! Non, sérieusement, trouve un vrai job, un truc où tu pourrais évoluer… enfin, si tu en es capable.
Sous le masque de l’humour, il enchaînait les remarques sur mon niveau d’étude, mon salaire dérisoire, ma prétendue absence d’ambition. À chaque réplique que je tentais, il en rajoutait une couche, s’assurant qu’il gardait le contrôle, qu’il me dominait dans tous les domaines.
Je ne laissais rien paraître. Je ripostais avec sarcasme, me raccrochant à l’illusion d’une joute verbale équilibrée. Mais en réalité, chaque mot me frappait de plein fouet, me détruisant de l'intérieur. Il touchait là où ça faisait vraiment mal.
Lors de cette soirée, il me révéla qu’il était en contact avec Matthieu, qu’ils discutaient « affaires ». Cette information me glaça sur place. J’eus du mal à y croire. Comment cet homme pouvait-il être en lien avec mon mari ? Un voile de doute s’abattait sur moi, mes pensées s’emballant, cherchant désespérément à comprendre. J’étais désarçonnée. Non, il ne pouvait que mentir, il n’y avait aucune autre explication.
Pourquoi Matthieu m’aurait-il caché cela ? Nous avions pour habitude de tout partager. Ce n’était pas crédible.
Et puis, comme pour enfoncer le clou, il ajouta : « On s’est vus hier d’ailleurs… Il ne t’a rien dit ? ».
À cet instant, un tourbillon de pensées s’empara de mon esprit, comme des feuilles prises dans un vent glacé. Mon cœur se serra. Un pressentiment naquit en moi, lourd et nauséabond, comme l’odeur de moisissure dans une vieille pièce abandonnée. Il ne mentait pas.
Il jubilait de saisir que je n’en savais rien. Il poussa le vice jusqu’à lui envoyer un message devant moi et reçu rapidement une réponse. Je ne pouvais qu’admettre la véracité de ces propos.
Pourquoi Matthieu ne m’avait rien dit ? Qu’est-ce qui les liait ? Partageaient-ils des projets que j’ignorais ? Je me sentais soudainement exclue d’une relation qui unissait mon mari à cet homme qu’il détestait. Une barrière invisible s’était dressée entre mon mari et moi. La peur et la suspicion se mêlaient en moi, m’étouffant à chaque pensée nouvelle.
Cet homme, se transformait en un symbole de danger imminent. Il incarnait une menace silencieuse avec ses histoires d’arnaques et de richesse et sa manière de rabaisser les autres. Que cherchait-il avec Matthieu ?
Il refusa de m’en dire plus. C’était entre eux.
Cet écran de silence sonna comme un signal d’alarme dans mon esprit. Je savais que quelque chose ne tournait pas rond, que cette complicité naissante entre Matthieu et cet homme ne présageait rien de bon. Je me sentais trahie par Matthieu. Je sentais que cet intrus, cet ennemi de l’ombre, s’était déjà glissé dans notre vie sans que je ne m’en sois aperçue.
Mon ignorance semblait le satisfaire pleinement.
Pour ajouter à la confusion, il envoya devant moi des dizaines d’autres messages. Ce n’était pas le genre de Matthieu de textoter sans fin, surtout à cette heure tardive, alors qu’il devait se lever tôt. L’Autre, lui, s’extasiait à chaque nouveau message et, avec un sourire en coin, me glissa :
« Je ne lui donne pas trois jours… »
Je ne savais pas ce qu’il voulait dire, mais ce jeu était clairement malsain. Il fallait que je prévienne Matthieu.
Les questionnements se bousculaient dans ma tête, telles des vagues déferlantes : Matthieu avait-il réellement rencontré cet homme ? Était-il conscient de l'impact de cette nouvelle alliance? S’agissait-il d’un signe de complicité naissante, d’une amitié en gestation, ou bien d’une trahison en devenir ? Chaque réponse que je cherchais m’échappait. L’angoisse m’envahissait
Il fallait que je découvre la vérité. Et rapidement.
Le lendemain, ma décision était irrévocable : il me fallait lever le voile sur cette affaire. La nuit précédente avait été un tourment incessant, et je savais que tant que je n’aurais pas saisi l’ensemble de la situation, avancer serait impossible.
-Oui, admit-il, d’une voix hésitante. J'ai effectivement été en contact avec lui. C’était pour aider Baptiste. Il m’a confié un lourd problème, seul l’Autre est au courant.
À cet instant, une partie de moi espérait naïvement qu'il allait ajouter que ce n'était rien, qu’avec lui il avait trouvé une solution pour venir en aide à Baptiste. Mais il continua :
- Mais il s’est enflammé. Il a commencé à me parler de plans pour gagner de l'argent, d'idées pour monter une affaire.
Le mot « affaire » résonna en moi avec violence. L’image de cet homme, se pavanant et vantant ses projets lucratifs, s’imposa à mon esprit. La méfiance prit le dessus.
Matthieu poursuivit :
- Il m'a même envoyé plein de documents pour réaliser ces plans. Il se moque complétement des soucis de Baptiste, je n’aurais pas dû le contacter.
Ses paroles m’éclairaient, mais s’ajoutaient à mon malaise. Cet homme ne se contentait pas d’être une simple connaissance ; il s'immisçait dans la vie de Matthieu, l’inondait de messages, l'attirait dans son univers de projets douteux.
La tension me nouait le ventre, une sensation désagréable, comme des fils invisibles qui se resserraient autour de moi, me comprimant de plus en plus. Je voulais que Matthieu comprenne à quel point cette situation me perturbait. Comment pouvait-il rester aussi insensible à ce qui se tramait autour de lui ?
« Ça te pèse, non ? » lui demandai-je, cherchant à comprendre où se trouvait sa limite. Je me souvenais du fameux « je ne lui donne pas trois jours » mais je n’en parlais pas par peur de l’énerver.
Il hocha la tête, son expression traduisant une lassitude évidente.
- Oui, il me bombarde de messages, ça devient lourd.
Sa réponse ne fit qu’amplifier mes inquiétudes. Ce « vautour » était devenu un parasite insidieux. Il s'accrochait à Matthieu, cherchant à l’entraîner dans ses projets fumeux.
Dès le lendemain, devant l’école de nos enfants à l’heure de la sortie, il se tenait encore là. Son smartphone à la main, il parlait « affaires », toujours trop fort. Tout en lui respirait l’arrogance. Après avoir raccroché, il se dirigea rapidement vers nous, malgré notre tentative de l’ignorer.
- Mes anciens voisins préférés, sous savez, mon collègue vient de me dire que le secret de la réussite, c’est de toujours se démarquer. Quel rigolo ! Il a cru pouvoir me donner des conseils, à moi ?, disait-il, un sourire confiant aux lèvres.
Il continua :
- Je n’ai pas besoin de ce genre de conseils pour réussir ! Ce n’est pas bien compliqué, il suffit d’être intelligent et d’avoir de la chance. Mais la chance, on peut la créer, non ? Heureusement que vous avez un pote sympa pour vous filer de bons tuyaux. Hein, Matthieu ? J’attends toujours tes réponses…
L’arrivée d’Alice et Paul nous sauva in extremis.
Ce matin-là, je suis seule dans ce petit café tranquille. L’endroit est paisible, presque désert, avec quelques clients éparpillés çà et là, absorbés dans leurs pensées ou plongés dans leurs journaux. Il y a quelque chose de réconfortant dans cette solitude, un charme simple, presque intemporel. Je me sens à l’aise, ma tasse de café bien chaude entre les mains, savourant ce moment de répit, loin des tracas du quotidien. Je m’accorde cette parenthèse, un instant de paix, un répit face au tumulte du monde extérieur.
C'est alors qu'il entre. Je ne l’ai pas vu arriver, mais dès qu’il passe la porte, l’atmosphère change. Il est impossible de ne pas le remarquer. Il est grand, sûr de lui, avec cette démarche presque théâtrale. Il s’installe dans cet espace comme s’il en était le maître. Son regard balaie la salle avec une rapidité calculée, avant qu’il ne se dirige droit vers moi, comme si tout avait été planifié.
- Alors, comment va mon ancienne voisine préférée ?
Il prend place sans même attendre que je lui propose. Je le fixe, un peu surprise, mais je n’ai aucune intention de me laisser déstabiliser. Ce n’est pas la première fois qu’il surgit sans prévenir. Un sourire poli se dessine sur mes lèvres, bien que je n’aie aucune envie de discuter.
Il se lance alors dans une tirade sur ses dernières acquisitions, ses voyages d’affaires, et la « prochaine grande opportunité » qu’il cherche à saisir. Ses paroles s’enchaînent sans effort, comme si ses succès étaient évidents pour tout le monde. Il enchaîne sur l’immobilier et la crypto, sûr d’avoir trouvé la clé du succès
- Tu sais, tout ça, c’est une question de mentalité. Il faut savoir repérer les bonnes opportunités, investir dans ce qui va rapporter. Les gens comme moi ont cette capacité.
Il me lance un regard perçant, comme s’il attendait que je lui adresse une approbation silencieuse.
Il poursuit, inlassable, sans jamais vraiment m’inclure dans la conversation. Il me donne l’impression de m’expliquer les bases d’un univers que, selon lui, je ne pourrais jamais comprendre.
- Tu vois, ceux qui réussissent, ils ne se posent pas de questions. Ils foncent. C’est comme ça qu’on fait de l’argent, dit-il, un sourire narquois aux lèvres. Faut juste savoir où regarder.
Il marque une pause, comme s’il s’attendait à ce que je lui demande des conseils ou, mieux encore, que je sois impressionnée. Je reste silencieuse, mais à l’intérieur, je me sens de plus en plus mal à l’aise. Son ton est supérieur, condescendant, et il sous-entend que, de toute évidence, les gens comme lui ont compris quelque chose que moi je ne peux même pas percevoir.
- Tout ça, c’est simple. Mais bon, encore faut-il avoir un peu de jugeote, ce n’est pas donné à tout le monde. Il suffit d’être intelligent.
Il se penche légèrement vers moi, son regard perçant planté dans le mien.
- Tu vois, ce n’est pas tout le monde qui peut faire ce que je fais. Dans ma grande bonté, je vais faire de vous des gens comme moi. Mais faudrait que ton mec me réponde !
Je le fixe en silence, mon cœur s’accélère. Il pense m’écraser sous son assurance.
Il poursuit, toujours plus assuré, détaillant ses réussites : investissements fructueux, influence grandissante, projets en expansion. Il se présente en modèle à suivre, persuadé de sa supériorité
Je reste silencieuse, mon sourire plus proche de la résignation que de l’adhésion. Il semble vouloir me convaincre que sa manière de penser est la seule valide, qu’il détient la vérité absolue, comme s’il avait percé tous les secrets de la réussite. Je le laisse parler, mon esprit s’échappant lentement vers des pensées plus sereines, me demandant à quel moment il comprendra que je n’ai ni le temps, ni l’envie de participer à ce jeu.
Je sais qu’au fond il est très énervé que Matthieu ne fonce pas et le laisse sans réponse. Il pense que je vais être subjuguée par son talent et convaincre mon mari de faire « affaire » avec lui.
Plus il parle, plus il m’exaspère. Une mouche agaçante qui refuse de s’éloigner. Je n’ai aucune envie de l'écouter plus longtemps. Ma patience atteint ses limites. Je souris à peine, plus par politesse que par réel intérêt. Mais il continue, persuadé qu’il me captive avec ses histoires de réussites et d’argent facile. Il attend une réaction de ma part, un signe d’admiration, mais rien ne vient. Je suis lasse, épuisée par cet étalage de fierté et de vanité.
- Je dois partir, dis-je enfin, me levant brusquement. Je n’attends même pas sa réponse et attrape mon sac avec empressement.
Je vois un éclat dans ses yeux, une lueur d’incompréhension ou de déception, mais je m’en moque. Ses propos suffisent à me pousser à partir. Je me détourne rapidement, presque soulagée de quitter cette conversation qui ne m’a apporté rien d’autre que de la fatigue. Je traverse la porte du café sans me retourner. Derrière moi, le bruit sec de sa tasse sur la table résonne comme un point final.
Tout ce malaise qui me rongeait devait sortir. Je ne pouvais plus le porter seule. Ce poids m'écrasait, il fallait que je parle.
Ce soir-là, j’ai voulu en parler à Matthieu, tâchant de garder mon calme, de ne pas exploser. J’avais besoin de lui, de son soutien.
- Je ne t’ai rien dit jusqu’ici, pour ne pas te mettre en colère… mais je ne peux plus garder ça pour moi. Chez Baptiste, l’autre soir, il ne s’est pas contenté de se la jouer, de me montrer qu’il communique avec toi et qu’il t’avait vu… Il n’a cessé de me rabaisser, c’était insupportable. Et ce matin, au café, il a recommencé.
Ma voix était serrée par l’émotion.
- Il passe son temps à m’insulter sous couvert d’humour. C’est à peine déguisé, il veut m’humilier.
La tension monta. Matthieu s’affaissa sur le canapé, fixant le plafond, exaspéré.
- Il commence sérieusement à me gonfler. Je vais craquer. Il m'inonde de messages, jour et nuit, avec ses plans foireux. Je ne lui ai rien demandé, et maintenant il me harcèle.
Son irritation était palpable. Cela ne me calmait pas. J'avais besoin qu'il comprenne à quel point cet homme me déstabilisait, mais je craignais sa réaction.
- Il n’arrête pas de se vanter, de rabaisser tout le monde, et surtout, il me cible systématiquement. Il me fait passer pour une idiote, et ça empire à chaque fois qu'on le voit.
Le visage fermé, les poings serrés, Matthieu bouillonnait.
- Ce type n’a aucune limite. Je l’ignore, mais il revient toujours avec son attitude de faux-cul. J’en peux plus non plus. Mais là, ce qu’il te fait, ça me rend fou. Je ne peux plus tolérer ça.
Son agacement faisait écho au mien. Mais je savais qu’il pouvait réagir de façon trop violente. Cet homme était dangereux.
- J’ai essayé de le gérer. Mais il ne lâche pas. Il s'accroche, il s'infiltre. Je vais l’exclure de nos vies.
Cette réponse me déstabilisa. Lui aussi voyait à quel point cet homme était nuisible, mais je craignais qu’il perde son calme. Il était à bout. Sa réaction pourrait être trop brutale.
Nous avions laissé cet intrus, ce parasite, envahir nos vies, s'imposer par son arrogance et ses manipulations.
- Ce mec est un fléau, murmurai-je.
Matthieu hocha la tête.
- Il faut qu’on fasse quelque chose, et vite. Parce que là, ça ne peut plus durer. Il a franchi une limite en s’attaquant à ma femme.
Son soutien me réchauffait, mais sa colère m'effrayait.
Sans un mot, Matthieu attrapa son téléphone. Ses doigts frappaient l’écran, colère et détermination mêlées. Je le regardais écrire, le visage crispé, les jambes tremblantes. Un défi.
Le message s’afficha avant qu’il ne l’envoie. Je jetai un œil par-dessus son épaule :
« Salut. On va être clairs, ça s’arrête là. Je ne veux plus de tes messages, ni de tes plans bidons. Et surtout, je ne tolère pas que tu manques de respect à ma femme. Elle l’a mal vécu, et moi aussi. À partir de maintenant, on coupe les ponts. Ne m’écris plus. »
D’un geste sec, il appuya sur « envoyer ».
Le silence tomba. Matthieu posa son téléphone sur la table, inspira profondément, comme pour expulser le poids de cette confrontation. Soulagé. Moi, non.
Je le regardai, reconnaissante.
- Merci, murmurai-je.
Mais l’inquiétude persistait. Cet homme ne supporterait pas cet affront. Il ne s’arrêterait pas là.
À peine le téléphone posé, il vibra à nouveau. Matthieu lut le message. Son visage se ferma. Le silence devint suffocant.
Je paniquai.
- Qu’est-ce qu’il se passe ? Dis-moi !
Il me tourna l’écran.
« T’en as pour des milliers d’euros de carding là, mec. J’ai pris des risques pour toi, et j’ai des preuves. C’est dans ton téléphone, et tu as ouvert les fichiers. Alors maintenant, tu vas me payer, fils de pute. Rien à foutre de ta pauvre meuf, si elle ne comprend pas l’humour, c’est qu’elle est encore plus conne que je le pensais. »
J’étais pétrifiée. Mon cœur explosait.
C’était pire que ce que j’avais imaginé. Plus qu’un nuisible, c’était une menace directe.
- Matthieu… Il… il est sérieux, là ?
Il passa une main nerveuse dans ses cheveux, son visage un mélange d’inquiétude et de colère.
- Qu’est-ce que c’est que cette merde ? ! s’écria-t-il. Du carding ? Il parle de fraudes bancaires… C’est quoi le délire ?
L’angoisse me broya. Cet homme avait tendu un piège. Matthieu, sans le savoir, l’avait déclenché.
- Tu as ouvert ces fichiers ?
Matthieu hocha lentement la tête, l’air perdu.
- Oui, j’en ai ouvert un, mais sans regarder vraiment. Je pensais que c’était juste des documents sur ses soi-disant plans d’investissement.
- Mais il parle de trucs illégaux. Je ne veux pas être mêlé à ça.
Le sol se dérobait sous mes pieds.
- Et maintenant quoi ? Il attend de l’argent ?
- C’est ce qu’il dit, répondit Matthieu, le regard sombre. Mais je ne lui donnerai rien.
Silence.
Les enjeux avaient changé. Ce n’était plus juste un parasite à ignorer. C’était un prédateur.
Il nous tenait à la gorge.
Une phrase me revint en mémoire, et l’édifice soigneusement construit par l’Autre Machiavel s’érigea dans mon esprit.
« Je ne lui donne pas trois jours. »
Pourquoi n’y avais-je pas pensé plus tôt ? Tout était prémédité.
Ce fut le début d'une avalanche infernale.
En quelques heures à peine, des dizaines de messages déferlèrent sur le téléphone de Matthieu, chacun plus glaçant que le précédent. Les vibrations incessantes s’accumulaient, martelant nos nerfs, rendant chaque seconde plus oppressante. Chaque notification me faisait sursauter, comme une cloche lugubre annonçant notre descente aux enfers. Nous étions pris dans la spirale de sa rage.
D'abord, des menaces directes. Des insultes cinglantes. Des humiliations sournoises.
Puis, le ton changea. Cet homme, qui n’était d’abord qu’un perturbateur méprisant, laissa tomber le masque. Ce n’était plus seulement une question d’argent. C’était une question de contrôle. Il voulait nous écraser, nous broyer sous son emprise.
Un message : « J'espère que t'es prêt à payer, sinon ça va vraiment mal tourner pour toi. »
Un autre, plus glaçant encore : « Je te jure, mec, si tu fais pas ce que je dis, je vais venir chez toi. Je vais te faire vivre un enfer. C’est pas des paroles en l'air, sale PD. Je vais vous détruire. »
Et puis, l’escalade. Des photos d’armes.
Un revolver posé sur une table.
Un pistolet, tenu dans une main.
Accompagnés de mots glacials, de promesses de violence.
« Tu veux voir ça de plus près ? »
Et puis, le pire.
Le message qui nous plongea dans une terreur absolue :
« Je vais te réveiller avec ça sur la tempe. Je vais te saigner comme un porc. »
Je me souviens du moment exact où Matthieu lut ces mots.
Le téléphone tremblait dans sa main. Non, ce n’était pas l’appareil. C’était lui. Ses doigts crispés luttaient pour tenir l’écran. Il ne parlait plus. Son visage s’était vidé de son sang, figé dans une expression indéchiffrable. Peur ou colère ? Je ne savais plus.
Et les messages continuaient.
Chaque vibration, une décharge de terreur. Chaque alerte, une nouvelle attaque. Il n’y avait plus de répit. Cet homme, que nous avions tenté d’écarter, avait pris le contrôle. Il nous traquait, il jouissait de notre peur, et il n’avait pas l’intention d’arrêter.
Je voulais rester calme. Mais comment ? Comment protéger ma famille quand une ombre, quelque part, nous promettait la mort ?
Alors Matthieu, pris d’un élan de rage et de détermination, attrapa son téléphone. Son pouce vola sur l’écran, un geste brusque, définitif.
Bloqué.
Le déluge s’arrêta net.
Un silence brutal s’abattit sur la pièce.
Mais ce n’était pas un silence apaisant. C’était une accalmie trompeuse. Lourd. Électrique. Chargé d’une menace invisible.
- C’est fait, murmura Matthieu.
Ses yeux restaient fixés sur l’écran noir, comme s’il espérait que ce simple acte suffirait à éteindre cette folie.
Certes, il avait stoppé ce déluge de paroles venimeuses, mais c’était évident : ce n'était pas fini. Je savais par avance ce qui allait s’ensuivre.
Je le savais. Je le sentais dans mes entrailles, comme une morsure glacée qui persistait, refusant de disparaître. Bien que cet homme fût désormais bloqué sur le téléphone de Matthieu, il ne disparaîtra pas aussi facilement de nos vies. Ses mots résonnaient encore dans ma tête, comme un écho obsédant, et je ne pouvais m'empêcher de me demander quel danger planait désormais sur nous. Que ferait-il maintenant ? Allait-il oser ? Était-il prêt à franchir la ligne ?
- Tu penses qu’il va se contenter de ça ? demandai-je, ma voix trahissant mon inquiétude.
Matthieu secoua la tête, l’air grave.
- Je ne sais pas. Mais ce type n’est pas comme les autres. Si je l’ai bloqué, ça risque de le rendre encore plus furieux.
L’incertitude me dévorait, lentement, méthodiquement. Je craignais ce qu’il pourrait faire. Il ne disparaîtra pas simplement parce que nous avions décidé de couper les ponts. Au contraire, ce pourrait être le début d’une traque, d’une obsession – quelque chose de bien plus sinistre, de bien plus dangereux.
Pourtant, nous ne pouvions pas rester là, paralysés.
- Nous devons nous protéger , dis-je, même si, au fond, je n'avais aucune idée de comment nous y prendre.
Matthieu acquiesça, mais son regard se perdait déjà dans les perspectives terrifiantes de ce qui allait suivre. Nous avions mis tant de temps à bâtir une vie équilibrée. Il voulait tout balayer. Sans raison.
Je savais que ce calme apparent n'était qu'une illusion, une tranquillité précaire. Nous devions nous préparer à ce qui pourrait arriver, aussi incertain et menaçant que cela fût.
Je savais ce qu’il allait faire. J’en étais certaine, profondément, viscéralement. Cette intuition me rongeait. La seule question que je me posais : quand va-t-il le faire ?
L'angoisse, sourde et implacable, grandissait en moi, telle une ombre rampante prête à m'engloutir. Cet homme, cet intrus dans notre vie, allait maintenant s’attaquer à moi.
Il n’aura fallu que quelques heures.
Mon téléphone vibra, et je n’avais même pas besoin de regarder pour savoir d’où cela venait. Ses messages étaient comme des coups de couteau, glacés et acerbes, pleins d’insultes et, encore une fois, de son arrogance démesurée. Il se plaisait à me rappeler, avec une insolence palpable, à quel point il était tout-puissant, et nous, des riens, des insignifiants, des merdes.
« Vous allez payer. »
« Sinon vous êtes morts. »
Ces mots frappèrent mon esprit comme un coup de tonnerre, résonnant avec une menace si vive qu’elle m’enserrait la gorge. Chaque syllabe était un rappel brutal de sa détermination, une promesse de souffrance. L’image qu’il projetait à travers ses messages était celle d’un homme qui n’hésiterait devant rien pour obtenir ce qu’il voulait.
Je pouvais presque ressentir la chaleur de sa rage à travers l’écran, une hystérie qui m’envahissait. Chaque mot était une flèche, visant mes angoisses, une douleur lancinante répercutée en écho. J’étais face à une intimidation d’une intensité inouïe, un dégoût mêlé de crainte qui m’envahissait. J’étais face à une intimidation inouïe, un mélange de dégoût et de crainte qui m’envahissait. Je savais que je devais agir, contrer cette folie, le calmer avant que tout cela n’explose. Ses insultes n’étaient pas de simples paroles : elles étaient une attaque frontale, un assaut de mépris, une tentative délibérée de briser notre résistance, de nous anéantir. La pensée de ce qu’il pourrait faire, de ce qu’il pourrait devenir, me tordait les entrailles.
Malgré la colère bouillonnant en moi, j'avais pris la décision de calmer le jeu. Je savais que Matthieu m'en voudrait de ne rien dire, de me laisser insulter, de ne rien faire « en apparence », qu'il pourrait penser que je prenais la défense de l'Autre. Je ne pouvais pas laisser mes émotions prendre le dessus. Il fallait établir un apaisement, parce que je savais que ce fou ne nous lâcherait pas et que chaque propos injurieux décuplerait sa furie.
La panique était un luxe. Un luxe que je ne pouvais pas me permettre. Je devais garder mon calme, manipuler ce manipulateur avec la plus grande prudence. Il fallait désamorcer la situation, l’empêcher de nous engloutir dans sa toile.
« Tu ne sais pas à qui tu as affaire ! »
Avec son arrogance habituelle, comme s’il était le maître absolu du jeu. Je refusais de lui laisser ce pouvoir, même si chaque mot me donnait l’impression de perdre du terrain. Je ne pouvais pas lui permettre de détruire ce qu’il restait de notre vie, de réduire en cendres ce que nous avions mis tant d’efforts à bâtir. Je devais répondre, mais avec prudence, chaque mot soigneusement pesé, chaque phrase conçue pour désarmer sa colère sans y céder. Parce que je savais que cet homme ne se contenterait pas d’une victoire verbale. Il cherchait à anéantir, à briser cette fragile paix que nous avions encore.
J’étais en alerte, prête à réagir à la moindre escalade. Je devais affronter ce monstre à travers l’écran, je le ferais avec toutes les armes à ma disposition. J’avais déjà passé des heures à échanger avec lui. Chaque mot, chaque réponse était une bataille psychologique dans cette guerre invisible.
Mon silence face à sa demande de paiement le rendait fou. Chaque minute sans réponse semblait le rapprocher un peu plus du gouffre, de la folie. Son discours devenait plus cru, plus menaçant.
« Tu sais, avec mon réseau sur le darknet et mon intelligence, je vais vous hacker. Vous allez tout perdre, pauvres connards. »
Sa menace résonna dans mon esprit comme un écho sinistre, un souffle glacé d’imminente destruction. Je pouvais presque voir son sourire suffisant derrière l’écran, son regard froid de prédateur convaincu de son emprise sur nous.
Puis il lança sa machine de guerre. Un déluge de messages, truffés de menaces et de détails techniques. Il voulait que nous comprenions : ce n'était pas un caprice.
« Je vais accéder à tous vos comptes, à vos informations privées, et pourquoi pas vous faire chanter si je trouve quelque chose de compromettant. »
L’idée qu’il puisse avoir accès à notre vie, la transformer en un déballage impitoyable, me terrifiait. Cela allait bien au-delà du chantage financier ; il visait notre sécurité, notre intimité. L’angoisse s’insinuait en moi, un poids insoutenable comprimant ma poitrine.
L'angoisse se mêlait à la colère. Comment cet individu, cet intrus, pouvait-il oser mettre en péril notre existence de cette façon ? J'avais juré de garder mon calme, mais la tempête qui faisait rage en moi était de plus en plus difficile à contenir. Je savais que je devais agir, mais comment réagir face à un homme prêt à tout, qui se croyait au-dessus des lois, et du bon sens ?
Sa condescendance et ses menaces planaient désormais au-dessus de nous comme une épée de Damoclès. La question qui me hantait sans relâche était : comment contrer un ennemi qui évolue dans l’ombre ?
Je taisais ces insultes à Matthieu, sachant qu’il exploserait de rage. Je gardais pour moi ce déluge d’infamies, de cruautés, je me laissais inonder de son flot destructeur. J’étais seule face à l’Autre.
Quelques jours plus tard, alors que la tension régnait toujours dans notre maison, une découverte macabre nous glaça le sang. En sortant pour emmener Alice et Paul à l’école, nous avons trouvé des mouchoirs ensanglantés soigneusement placés devant notre porte. Mon cœur s’emballa, une peur viscérale m’étreignant. À côté de ces preuves troublantes, il y avait un morceau de papier sur lequel était inscrit un numéro de téléphone.
Quelques textos soigneusement rédigés suffirent à me faire comprendre : ce numéro était celui de sa propre mère. Un frisson me parcourut, et je compris immédiatement que cette manœuvre visait à nous terroriser, à semer un chaos encore plus grand. Tout cela était absurde. Comme lui.
Cet acte défiait toute logique. Pourquoi prendre le risque d’utiliser un numéro aussi personnel pour un message aussi dérangeant ? Était-ce un avertissement ? Un jeu cruel pour nous entraîner dans sa spirale de folie ? Tout en moi se révoltait : il osait toucher à notre tranquillité, à notre sécurité, à la chair de ma chair.
Les mouchoirs ensanglantés, vestiges d’une violence que je n’osais imaginer, symbolisaient notre plongée dans un abîme d’irrationalité et de danger. J’avais l’impression d’être plongée dans un mauvais film d’horreur, où le rationnel n’existait plus. Ce n’était pas qu’une menace. C’était la preuve que la situation avait dépassé mes pires craintes. Il était passé à l’action.
Je savais que je devais prendre cet acte très au sérieux, que je ne pouvais pas laisser cette folie continuer à infiltrer notre vie. Il fallait que je réfléchisse à un plan, un moyen de nous protéger, de mettre un terme à ses agissements avant qu'il ne dégénère davantage.
Mais une question me hantait : jusqu’où irait-il pour assouvir sa rage et son besoin de contrôle ?
Et moi ? Jusqu’où étais-je prête à aller ?
Ses dernières intimidations résonnaient encore dans mon esprit, comme une mélodie lugubre dont je ne pouvais me défaire. Une alarme sourde, viscérale, me hurlait que ces mots n’étaient pas de simples menaces en l’air. Non, cet homme ne bluffait pas. Il était un prédateur, et nous étions ses proies.
Je pouvais presque sentir son regard perçant, traquant la faille, prêt à frapper là où ça ferait le plus mal. Chaque phrase qu’il avait écrite était une promesse de destruction. Et je savais, au plus profond de moi, qu’il avait les moyens de la tenir. Ses mots ne disparaissaient pas une fois lus. Ils s’accrochaient à moi, pesants, étouffants, m’emprisonnant sous leur poids.
Tiraillée entre l’inquiétude et la détermination, je savais que nous étions dans sa ligne de mire. Il ne s’arrêterait pas tant qu’il n’aurait pas obtenu ce qu’il voulait. Chaque détail comptait. Je ne pouvais pas me permettre de minimiser la menace qu’il représentait.
Cet homme, avec son esprit tordu et son comportement imprévisible, avait franchi des limites qu’aucun être humain ne devrait jamais franchir. Notre avenir dépendait de ma capacité à anticiper ses prochaines attaques, à ne pas le laisser nous engloutir. Et à calmer Matthieu, dont la rage explosait face à cette impuissance insupportable.
Il était temps d’agir. De prendre des décisions difficiles. Cet intrus n’allait pas disparaître comme par magie.
Mais je n’ai rien fait.
J’étais là, figée, prise dans la tempête des événements qui allaient s’enchaîner. L’angoisse m’étouffait, me paralysait.
Après l'incident des mouchoirs ensanglantés, Matthieu décida d’examiner notre réseau Internet.
En fouillant dans les paramètres de connexion, il découvrit rapidement qu’un appareil inconnu s’était connecté. Son visage se ferma, ses traits se durcirent à mesure qu’il parcourait les données affichées. Une tension sourde s’installait.
- Je crois qu’il nous a piratés, lâcha-t-il d’un ton grave, son regard fixé sur l’écran comme s’il pouvait y trouver une explication.
Un frisson me parcourut. Il était passé à l’acte.
Je voulais croire à un malentendu, une coïncidence, mais Matthieu, lui, n’en doutait plus. Il connaissait cet homme mieux que moi, il savait de quoi il était capable. Sa mâchoire se contracta sous l’effet de la rage.
Cet ennemi insidieux s’était-il réellement infiltré dans notre vie ? Était-il là, caché quelque part, observant chacun de nos faits et gestes ?
L’angoisse monta en moi, s’insinua sous ma peau. Je voulais agir, reprendre le contrôle. Mais la tempête grondait. Et j’étais prise au cœur de son œil, incapable d’agir.
Matthieu me révéla le résultat de ses recherches, et il ne me restait plus d'autre option que de le croire.
Notre réseau avait été craqué, et quelqu’un avait eu accès à nos appareils, collectant toutes les adresses IP et MAC de chacun d’eux. L’horreur de la situation me frappa de plein fouet. Quelles allaient être les conséquences de cette violation de notre intimité ?
La première idée qui me traversa l’esprit fut celle de la vulnérabilité. Tout ce qui se trouvait sur nos appareils était désormais exposé : informations personnelles, professionnelles, conversations privées, photos de toute notre vie, de nos enfants... Je frémis à l’idée qu’on pouvait peut-être nous voir, nous entendre, ou utiliser nos données contre nous. On pouvait maintenant nous espionner et manipuler notre vie.
Matthieu, les yeux rivés sur l’écran, avait une expression d’effroi. Chaque minute qui passait nous rendait plus vulnérables.
- C’est lui ? Que va-t-il faire maintenant ? demandai-je, la voix tremblante.
- Je ne sais pas… mais je suis sûr que c’est lui, et il est évident qu’il ne s’arrêtera pas là.
Je pouvais voir la tension dans son corps, comme un ressort prêt à se briser.
- Il va se venger, tenter de détruire notre réputation, nous humilier…
Les pensées tourbillonnaient dans ma tête. Quelles conséquences cette intrusion aurait-elle sur notre quotidien ? Et si cet homme décidait de partager nos informations personnelles avec des tiers ? Les ramifications étaient infinies et terrifiantes. Nous n’étions plus en sécurité chez nous. C’était insupportable.
Une rage sourde monta en moi. Comment avait-il pu en arriver là ? Qu'est-ce qui le poussait à détruire des vies juste pour assouvir son propre plaisir malsain ?
- Il faut que nous changions tous nos mots de passe, que nous renforcions la sécurité du réseau, lança Matthieu, cherchant désespérément une lueur d’espoir dans cette obscurité.
Mais je voyais bien qu’il était tout aussi préoccupé que moi par ce que nous venions de découvrir.
Nous étions engagés dans une lutte que nous n’avions jamais choisie. Ce fléau, cet intrus dans notre existence, nous avait forcés à entrer en guerre pour protéger notre sécurité, notre paix d’esprit. Nous battre pour notre famille.
TROP TARD.
Le mal était fait. Et bien plus encore. Cet homme, avec son réseau tentaculaire, avait plusieurs coups d'avance sur nous. Nous n’étions plus que des marionnettes entre ses mains.
Le cauchemar était total.
Pendant des jours, des alertes affluaient de toutes parts. Nos appareils étaient submergés par des connexions suspectes venues des quatre coins du monde. Des modifications de mots de passe avaient été opérées par des inconnus, mettant à nu notre vie numérique.
Puis, les logiciels espions ont commencé à se multiplier. Nos adresses email, personnelles comme professionnelles, avaient été compromises. Pire encore : des copies de nos mails étaient détournées vers des boîtes externes. Ils lisaient tout.
Ils savaient tout.
Nos ordinateurs s’allumaient seuls. Des documents s'ouvraient sans que personne ne les touche. Nos RIB, cartes d’identité, attestations de sécurité sociale, avis d’imposition… Tout était entre leurs mains.
Un kit parfait pour une usurpation d’identité. Une destruction minutieuse, implacable.
Notre existence, autrefois paisible, était devenue un champ de bataille numérique. Nuits blanches, journées passées à colmater les brèches… Mais chaque effort semblait vain. Les menaces se multipliaient, comme une hydre dont chaque tête coupée en faisait renaître deux autres.
Nous avons tout essayé. Investi des sommes folles dans la cybersécurité. Rien n’y faisait.
Le pire ?
L’impact sur nos enfants.
Même les comptes Roblox d’Alice et Paul avaient été piratés. Un détail insignifiant, en apparence. Mais une preuve supplémentaire de sa cruauté.
Cet homme n’avait aucune limite.
Il s’attaquait à notre famille, à l’innocence de nos enfants.
Le moment où nous avons découvert que nos téléphones avaient été compromis fut un coup fatal.
Chaque conversation, chaque message échangé avec nos amis, notre famille, nos collègues, était désormais entre ses mains.
Je n’arrêtais pas de me poser la même question : Que savait-il ? Que comptait-il faire avec ces informations ?
L’incertitude était insoutenable.
Nous vivions dans un film d’horreur, avec une menace omniprésente, mais invisible.
L'angoisse et la fatigue s'accumulaient. Nous étions pris dans un tourbillon de stress, notre quotidien transformé en une suite infernale de mesures de sécurité :
Mots de passe à changer.
Boîtes mail à recréer.
Vérifications incessantes.
Surveillance constante.
Nous étions des marionnettes.
Et il tirait les ficelles.
Alerte.
Message.
Intrusion.
Piratage.
La réalité nous frappait de plein fouet, implacable.
Cet homme était l’ennemi invisible, le prédateur qui nous traquait sans relâche. Il tenait nos vies entre ses doigts, nous réduisant à l’impuissance. Nous devions reprendre le contrôle, trouver un moyen de mettre fin à ce cauchemar, mais tout nous échappait.
Piégés.
Chaque jour alourdissait un peu plus notre fardeau.
Les nuits étaient blanches, rythmées par le cliquetis des claviers, les bips incessants des alertes, les battements de notre cœur affolé. Notre maison était devenue une prison, chaque pièce résonnant de notre paranoïa croissante.
Le moindre bruit nous faisait sursauter.
Chaque photo prise dans la journée était scrutée.
Nous cherchions sa silhouette, son véhicule, partout.
Les murs se refermaient sur nous.
L’air lui-même semblait chargé d’un danger invisible.
Je sentais l’étau de la peur se resserrer, chaque battement de mon cœur me hurlant que cet homme nous traquait toujours.
Je ne savais plus à qui faire confiance.
Pas même à la technologie.
Nous nous battions sans relâche. Matthieu et moi passions des heures à tout sécuriser :
Authentifications à deux facteurs.
Antivirus.
Pare-feux.
VPN
Mais chaque petite victoire était aussitôt écrasée par une nouvelle menace.
Les alertes de sécurité se multipliaient.
« Nouvelle tentative de connexion suspecte. »
« Tentative de connexion depuis un autre pays. »
Encore et encore.
- Regarde ça, soufflait Matthieu, les sourcils froncés, le regard rivé à l’écran.
- Il est encore là. Une autre tentative.
Ses yeux, d’habitude pleins de chaleur, n’étaient plus que fatigue et inquiétude.
J’aimais cet homme. Je le connaissais par cœur.
Je voyais bien qu’il s’effondrait sous la pression.
Ses épaules, qui avaient toujours porté le poids de notre famille avec force, se courbaient désormais sous ce fardeau invisible.
Et nos enfants…
Alice et Paul, innocents, inconscients du danger, continuaient de jouer, rire, se chamailler.
Ils ne voyaient pas le monstre caché dans l’ombre.
J’étais déchirée entre le besoin de les protéger et l’impossibilité de maintenir une normalité factice.
« Tout va bien. »
Ce mensonge devenait notre mantra.
Mais derrière ces mots, il n’y avait que du vide, des tensions, et une peur oppressante.
Nos amis, nos collègues, notre famille… Tous, bien intentionnés, mais incapables de comprendre l’ampleur du cauchemar que nous vivions.
Les sourires n’étaient plus que des masques, des tentatives désespérées pour cacher la tempête qui nous ravageait.
Nous étions désormais en guerre, et le champ de bataille n’était plus seulement numérique : il s’était infiltré dans nos esprits. Le stress laissait des traces visibles. J’avais perdu le goût, celui de la nourriture, mais surtout celui de vivre. Je ne prenais plus soin de moi, je ne faisais plus de sport. Mes rares heures de sommeil, arrachées aux somnifères, étaient hantées par des cauchemars où il apparaissait, souriant, se repaissant de notre souffrance.
Matthieu, lui, s’isolait, absorbé par une quête désespérée de solutions. Ce combat était devenu une obsession. Il maigrissait à vue d’œil, son visage se creusait, sa barbe blanchissait. Son syndrome des jambes sans repos trahissait son épuisement nerveux. Les murs que nous tentions d’ériger pour protéger notre famille se fissuraient déjà, prêts à s’effondrer.
Chaque jour était une course contre la montre. Chaque tentative de sécurisation était balayée par une nouvelle attaque. La peur s’insinuait dans notre quotidien, lente et implacable. Les nuits étaient devenues un champ de bataille mental. Le sommeil nous fuyait. À peine les paupières closes, l’angoisse reprenait le dessus.
Il fallait faire comme si tout allait bien. Jouer la comédie. Répéter encore et encore : "Tout va bien." Mais derrière ces mots se cachait un gouffre. Nos amis, nos collègues, notre famille, malgré leur bienveillance, ne pouvaient comprendre l’ampleur de notre détresse. Sourires forcés, banalités échangées… tout n’était plus que façade.
Parler ? À qui ? Qui pourrait imaginer un tel enfer ? Qui voudrait y croire ? Et s’il l’apprenait, s’il comprenait que nous cherchions de l’aide… quelles en seraient les conséquences ? Il avait déjà réussi à nous isoler, à semer la méfiance et la peur.
Les nuits devenaient insupportables. Sous les couvertures, la peur rampait comme un poison. Chaque bruit nous faisait sursauter. Chaque alerte sur nos téléphones nous arrachait à un semblant de repos. L’angoisse d’être épiés, manipulés, traqués, ne nous quittait plus.
Pourtant, une idée me hantait : il y aurait un signe. Quelque chose me dirait quand agir. Une intuition, une faille, une opportunité. Je la guettais. Chaque jour, je scrutais les ombres de notre maison, cherchant cet instant décisif où tout basculerait.
L’attente était un supplice, mais je m’y accrochais. Parce que si je la laissais disparaître, si j’abandonnais l’idée d’une issue… alors il aurait gagné.
Puis vint un bruit étrange, récurrent, chaque fois que nous sortions dans le jardin. Au début, nous pensions à un insecte, au vent jouant dans les feuilles. Mais, jour après jour, ce son s’imposait à nous, comme un murmure insistant, glissant dans nos pensées. Une présence invisible. Une ombre qui rôdait.
Alors nous avons commencé à observer, à scruter les alentours avec méfiance. Et c’est là que nous avons compris.
Un drone survolait notre maison.
Il capturait chaque instant de notre vie, un œil mécanique braqué sur notre intimité. Chaque tentative pour le repérer se soldait par une disparition furtive, comme un prédateur en chasse. Il attendait, tapi quelque part, avant de revenir.
Nous étions traqués.
Chaque sortie devenait une épreuve, chaque geste un poids supplémentaire dans cette spirale d’angoisse. Ce n’était plus seulement notre espace numérique qui était envahi, c’était notre réalité physique.
C’était lui. Encore lui.
Notre vie privée s’effritait un peu plus sous ce regard invisible, et avec elle, la sensation de sécurité.
Je ressentais cette perte de contrôle comme une chaîne m’enserrant. L’air semblait plus lourd, le ciel plus oppressant.
Et pourtant, au milieu de cette impuissance, une pensée s’accrochait en moi.
J’attendais le moment où quelque chose, enfin, viendrait briser ce cycle infernal.
Matthieu avait commencé à ressentir une étrange impression de surveillance chaque fois qu'il prenait le volant.
- J'ai l'impression que quelqu'un me suit, répétait-il, ses yeux scrutant chaque véhicule qui le doublait ou restait trop près.
Au début, j’avais pris ses inquiétudes à la légère. Je pensais qu’il succombait à la paranoïa, que le stress déformait sa perception de la réalité. J’essayais de le rassurer, de lui dire que ce n’était qu’une illusion.
Mais jour après jour, il revenait sur ce sentiment, et dans sa voix, l’inquiétude grandissait.
- J’ai l’impression qu’ils connaissent mes trajets , soufflait-il, le regard hanté.
Peu à peu, je ne pouvais plus ignorer les signes. Sa nervosité, ses silences tendus, sa main crispée sur le volant dès qu’une voiture restait trop longtemps derrière lui. Il n’était pas fou. Il avait raison.
La vérité s’imposa brutalement : nous étions traqués.
Des traceurs dans nos voitures. Une surveillance constante. Un piège qui se refermait.
Chaque trajet devenait une épreuve, chaque sortie une menace. À la maison, je ne pouvais m’empêcher de guetter par la fenêtre, cherchant un drone en vol stationnaire, une silhouette tapie dans l’ombre, une voiture suspecte garée un peu trop longtemps.
Nous n’étions plus en sécurité nulle part.
Cet homme avait pris le contrôle de nos vies, réduisant chaque instant à une torture psychologique.
Nous étions dos au mur, piégés par sa violence invisible. Et personne – ni nos amis, ni notre famille, ni même la loi – ne semblait en mesure d’arrêter ce fléau qui avançait, implacable.
Quant à la justice, elle nous apparaissait inopérante.
La loi, engluée dans ses procédures, ses délais interminables, ses exigences de preuves, semblait incapable de faire face à un homme aussi insaisissable. Harcèlement virtuel, intimidations à distance… Des dossiers complexes, souvent laissés en suspens, faute de preuves jugées « suffisantes ».
Nous imaginions les dépôts de plainte, les heures d’attente, les explications sans fin. Des preuves balayées d’un revers de main. Des convocations stériles. Et pendant ce temps, lui poursuivrait son œuvre destructrice, impuni.
Nous n’avions ni mois ni années à perdre. Et lui le savait.
Sa folie n’avait pas de limites. Sa ruse non plus.
Et surtout, nous étions piégés. Matthieu avait ouvert les dossiers qu’il avait reçus. Et dans cette simple action, l’Autre avait fabriqué sa « preuve ». Une fausse accusation de carding, que la justice, froide et mécanique, risquait de prendre au sérieux.
C’était sa spécialité. Manipuler. Détourner. Accuser avant d’être accusé.
Il avait déjà eu affaire aux tribunaux, il connaissait leurs failles et savait en jouer. Étrangement protégé, toujours bien renseigné, il évoluait dans un monde où nous n’étions que des novices, impuissants. Chaque fois que nous pensions avancer, il avait déjà un coup d’avance.
Et il n’était même pas question de le raisonner.
Il n’y avait rien à négocier. Rien à apaiser. Cet homme avait dépassé depuis longtemps les frontières de l’humanité.
Ses mots n’étaient que poison. Sa voix, un concentré de rage froide.
Parler, ce serait nourrir son mépris.
Quant à Matthieu, sa colère grondait trop fort. Une confrontation tournerait au désastre.
Et c’était sûrement ce qu’il attendait.
Face à ce mur d'impasses, une idée a finalement émergé dans mon esprit. Fragile au départ, elle devenait de plus en plus évidente à mesure que je la réfléchissais : contacter sa famille. Qui d'autre que ses parents pourrait saisir l'urgence et la gravité de la situation ? Ils devraient être sensibles à notre détresse et pourraient peut-être influencer ce fils devenu tyran. Le plan se précisait. Tout semblait soudain clair. Nous rassemblerions les preuves de ses actes et écririons à sa famille, espérant qu'en découvrant la vérité sur sa folie, ils prendraient conscience de l'ampleur de ses actions.
Nous nous sommes donc attelés à cette tâche gigantesque. Toute la nuit, nous avons fouillé, trié les preuves, monté un dossier implacable. La fatigue nous rongeait, mais l'urgence de la situation nous maintenait éveillés, vigilants, concentrés. Chaque détail était crucial. Cette lettre adressée à ses parents devenait notre ultime solution, le seul moyen de retrouver notre sérénité, notre vie.
J'avais décidé d'écrire sans détour, avec une voix claire, ferme, dénuée de toute supplication. Pas de plaintes, juste des mots aussi tranchants que notre détermination. Il fallait qu'ils comprennent que la situation était intenable et que leur fils n'avait aucun droit de s'attaquer ainsi à notre famille. En guise de preuve, j'avais joint les innombrables captures d'écran de ses menaces et insultes. Une démonstration implacable de tout ce qu'il avait mis en place pour nous détruire, un rappel de chaque acte, chaque mot, chaque attaque, chaque insulte.
Tard dans la nuit, après des heures de rédaction et de relecture, nous avons déposé cette lettre dans leur boîte aux lettres. En la refermant, le cœur battant, nous nous sommes échangé un regard silencieux, partagés entre peur et espoir.
D'abord, il y avait cette peur d'attiser une rage que l'Autre ne saurait plus contenir. Allions-nous provoquer une réaction encore plus violente ? Comment ses parents allaient-ils réagir ? Prendraient-ils conscience de l'ampleur de la situation ou choisiraient-ils de la taire ?
En même temps, une lueur d'espoir murmurait que cette prise de conscience suffirait peut-être à désamorcer sa fureur, à rompre son emprise sur nous. Un fragile soulagement s'installait, une sensation de reprendre enfin un semblant de contrôle après des mois d'impuissance. Même sans savoir comment cela se terminerait, ce geste nous offrait une brèche, un espoir. Peut-être venions-nous d'ouvrir une faille dans ce mur d'intimidation.
Lucie Lhoste Le 13/07/23
Monsieur et Madame,
Je me permets de vous contacter par écrit pour ne pas vous faire perdre votre temps en échanges inutiles, temps que je trouve d'autant plus précieux depuis que votre fils me fait perdre le mien et celui de mon mari. J’ai essayé dans un premier temps de sous-entendre le problème par SMS, lorsque votre numéro de téléphone a été trouvé devant notre porte. Vous l’avez très bien compris, sinon vous ne vous seriez pas empressés de me demander d'effacer votre contact. Malheureusement, l'attitude répréhensible de votre fils reste la même
Je pense que vous n'êtes pas sans savoir qu'il nous menace, nous harcèle et « hacke » (ou plutôt sa communauté...) tous les jours notre réseau. Il a voulu nous piéger, nous manipuler, nous escroquer et nous sommes restés sans agir pour ne pas envenimer la situation, car contrairement à lui, notre quotidien n'est pas synonyme de conflits.
Il a envoyé à mon mari des documents illégaux et nous demande maintenant de le payer, à hauteur de 8000 € me semble-t-il. Mon conjoint ne lui ayant absolument rien demandé, son arnaque ne marche pas et nous ne débourserons pas 1€ pour lui. Ces menaces ne nous atteignent pas, nous n’avons aucune peur malgré ses nombreuses tentatives, mais notre patience à des limites.
Nous sommes en vacances avec nos enfants, nous désirons nous reposer et profiter d'eux et ses machinations commencent à peser sur notre famille. Il est impensable que je le laisse perturber la vie de mes enfants. Je comprends que vous fassiez tout ce que vous pouvez pour lui, avec les moyens qui sont les vôtres, vous comprendrez donc aisément que je ferai de même pour les miens.
Votre fils est maintenant allé trop loin, vous n'êtes pas coupables mais vous êtes responsable. C'est pourquoi, je sollicite votre bon sens pour le raisonner et assurer notre tranquillité.
Vous imaginez bien que lorsqu'il a emménagé en 2015 dans notre village, sa réputation l'a précédée, accentuant notre vigilance de parents protecteurs. Lorsque les gendarmes sont venus sonner à notre porte à 23h30, la veille de la première rentrée de notre fille, en se trompant d’adresse, nous avons commencé à prendre nos précautions, en silence.
Ses différents « amis » qui ont sonné chez nous très régulièrement, ont aussi dérangé notre quiétude : nous n’avons rien fait, rien dit.
Lorsqu'il a voulu se battre avec mon mari qui lui demandait de rouler moins vite dans le lotissement (pour se rendre chez vous de plus, à moins de 100m) pour protéger notre famille ainsi que nos voisins : nous n'avons encore rien fait, rien dit.
Maintenant que nous avons déménagé et qu'il a commencé son stratagème, la donne a changé. Nous ajoutons de (trop) nombreuses preuves solides.
Voici donc le bilan actuel de ses malversations (pour ne citer que ce qui nous concerne…) :
Des menaces, des insultes, des calomnies, des plans fallacieux : comme par exemples : celui de venir tuer mon mari pendant la nuit (nous avons évidemment la photo de son pistolet SIG Sauer P226 AL SO DAO 9mm, qu'il nous a envoyé), le fait qu'il allait brûler nos voitures, payer des personnes sur le Darknet pour divulguer de fausses informations, vider nos comptes bancaires etc…
Je n'ai à nouveau rien dit lorsqu'il m'a insulté de « pute », lorsqu'il a traité mon mari de « cocu », de « petite pute », de « mytho gauchiste », etc..., pour ne pas accorder de crédit à ses insultes.
Nous avons des captures d’écran prouvant nos propos.
De nombreux vocaux violents, menaçants, insultants, diffamants, expliquant qu'il allait ruiner notre vie en nous piratant, chaque jour, en nous traquant, et c'est ce qu'il fait, lui ou ceux qu'il a payés...
Toutes nos boîtes mails (personnelles et professionnelles), tous nos réseaux sociaux, toutes nos applications (là encore personnelles et professionnelles) ont été piratés. Des données importantes ont été perdues et nous avons passé de nombreuses heures à régler les conséquences de ses fraudes. Puisque la seule chose qui compte à ses yeux est l'argent, tout ce temps perdu équivaut à une somme très importante.
Des déchets (mouchoirs ensanglantée avec le numéro de téléphone portable de madame) laissés devant notre maison, et trouvés pas nos enfants.
Sa voiture, immatriculée ..-..-.. qui rode tous les jours autour de chez nous et se stationne en sens inverse dans notre rue.
Les nombreuses connections à notre réseau à des endroits différents (dont les adresses ont été identifiées ainsi que les personnes complices de ses attaques)
Le passage fréquent de son drone au-dessus de notre domicile ajoute à la liste de nouvelles infractions : violation du droit à l'image, violation de la propriété privée et violation de l'interdiction de faire voler un drone la nuit.
Comme je vous l’expliquais plus haut, notre patience a des limites et il les a atteintes. Il enfreint la loi en toute impunité et nous en subissons les séquelles.
Vous avez sans doute toujours réussi à le protéger au maximum, comme n'importe quel parent le ferait et je suis vraiment admirative devant votre combat et votre persévérance… Je n’ose imaginer les moments difficiles que vous avez dû surmonter et que vous subissez encore. Dans le cas présent, vous ne pourrez probablement pas le couvrir si nous agissons. Je me permets de laisser cette trace écrite car contrairement à lui, nous n'avons rien à nous reprocher, nous ne sommes que des « petits fonctionnaires de merde » (d'après ses propos), mais nos casiers sont vierges.
Nous n'avons plus de temps à perdre avec ses délires, c'est pourquoi je vous demanderai d'agir avant que ce soit nous qui agissions. Ses actions sur notre réseau, ses menaces, ses insultes, ses harcèlements, ses calomnies, doivent cesser dès aujourd’hui.
Si notre réseau est encore touché, si de nouvelles menaces sont proférées, s'il continue à roder autour de chez nous, nous serons dans l’obligation de faire le nécessaire.
Je vous envoie quelques preuves de ce que j’avance, sachez qu’il ne s'agit que d’une infime partie de celles en ma possession. Je terminerai ce courrier en citant votre fils : comme il s'est permis de conseiller à mon mari de « tenir sa femme », je vous demanderai de bien vouloir en faire de même et de « tenir votre fils »...
Vous avez mes coordonnées, je reste ouverte à toute discussion qui pourrait arranger la situation de tous.
Cordialement.
Lucie LHOSTE
[photos des preuves]
Je ne savais plus quoi penser.
Cette lettre pouvait être notre salut… ou le détonateur de sa rage.
De retour après l’avoir déposée, une fierté fugace m’avait traversée. Mais elle s’était aussitôt noyée dans l’angoisse, une étreinte glaciale m’empêchant de respirer librement.
Quelque chose allait se passer.
L’attente me dévorait, distordait le temps. Chaque seconde alourdissait le poids de l’inquiétude qui m’écrasait. Assise dans ce silence pesant, je ne parvenais plus à penser clairement. Que se passerait-il maintenant ?
Étions-nous prêts à affronter ce qui allait suivre ?
Ses parents savaient-ils ce qu’il nous faisait ? Ouvriraient-ils enfin les yeux ou minimiseraient-ils tout, préférant le confort du déni ? Et s’ils lui révélaient tout ?
La colère le submergerait-elle, l’aveuglant au point de le faire exploser ?
S’il se sentait acculé, que ferait-il ? Jusqu’où irait-il pour nous faire payer notre audace ?
L’idée d’une nouvelle vague de violence m’assaillait. Un frisson glissa le long de ma colonne vertébrale.
Et si ce n’était pas suffisant ?
Si leurs paroles ne calmaient pas sa rage mais l’attisaient davantage ? Pouvait-il frapper plus fort encore, écraser ce qui nous restait d’espoir ?
Nos sacrifices me revenaient en mémoire. Chaque larme, chaque nuit blanche, chaque instant de détresse pure. Comment avions-nous pu en arriver là ?
Et si, au lieu de nous sauver, nous précipitions notre chute ?
Avions-nous joué notre dernier coup, sans même voir qu’il nous avait déjà piégés ?
La nuit enveloppait la maison.
J’inspirai profondément, cherchant un répit dans l’obscurité, une bulle de calme au milieu du tumulte. Mais chaque pensée me ramenait à la même certitude : l’incertitude.
Nous avions agi ensemble.
Et cette union serait notre force.
Je n’avais plus de place pour les doutes. Il fallait que je sois prête. À affronter. À encaisser.
Le silence régnait, dense, presque palpable.
Bénédiction ou malédiction ?
Le calme avant la tempête.
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