Chapitre 2 (1) - Je me doutais que c'était toi
Jeudi 14 Juillet 1988. 00h30. Café Le Petit Marcel.
Les dernières traces effacées sur le comptoir, Lucas, éreinté, enleva lentement son tablier. Le jeta dans une panière à l’entrée de l’arrière-cuisine. S’essuya le front, en nage. Pas la moindre brise pour adoucir la pièce surchauffée que les ventilateurs n’avaient pas réussi à rafraîchir de la soirée. Il vérifia qu’il n'avait rien oublié. Tout était en ordre lui confirma Marie, qui comme lui avait l’habitude d’inspecter le moindre recoin de leur café avant de partir. Ils aimaient que le Petit Marcel soit propre, le sol lessivé, prêt à accueillir les clients du lendemain. Ne pas oublier de venir un peu plus tôt pour aérer, sinon ils cuiraient joyeusement. Avec un sourire non dissimulé, elle lui fit un clin d'œil avant de se sauver par la porte d’entrée. Lucas était content que son associée se soit trouvée enfin un petit ami avec qui passer du temps. Elle le méritait. Patrice était un homme doux et affectueux, exactement ce qu'il lui fallait. Le dicton disait vrai. : l’amour donne des ailes. Enfin pour les autres. Il soupira de lassitude en fermant à clef la porte de l’entrée principale. Il finit par sortir par celle qui donnait à l’arrière de l’établissement. Elle grinçait péniblement. Penser à m’occuper de lui mettre un petit coup d’huile demain matin, nota-t-il dans sa tête bien trop encombrée. La main sur la poignée, il resta un moment immobile avant de la fermer à clé elle aussi.
Ce soir, il n’était pas certain d’avoir la force. La force de ne pas trembler. La force de se retenir encore une fois. Pourquoi était-ce tombé sur lui ? Une autre force, celle du désir, elle, n’était pas prête de faiblir. Alors, elle le poussa à gravir des escaliers, situés juste à gauche, marche après marche. Ses jambes fébriles le portaient. Arrivé sur un minuscule palier où était déposé un cendrier de terre cuite, prêt à déborder, il frappa brièvement à la porte entrouverte. Combien de fois avait-il donné ces trois petits coups, tels un mot de passe avant d’entrer dans ce lieu où il se sentait si bien. Tristan lui apparut, pieds nus, habillé d’un simple short kaki délavé, torse nu, une serviette de plage à la main.
— Ah ! je me doutais que c’était toi, vas-y entre.
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