Chapitre 17 : oui, chef !

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Dimanche 17 juillet 1988. Soirée. Appartement de Paul.

— Promis maman…Mais oui, ne vous inquiétez plus, toi et papa. Je l’ai à l'œil. Elle est devant moi. Elle a honte, tu peux me croire, dit Paul, énervé par la conversation téléphonique.

Ariane lui faisait de grandes grimaces, en étouffant un fou-rire.

— Oui, je crois qu’elle a compris que vous vous inquiétez…Mais non, elle veut pas vous parler…Bon écoute, je vais pas la forcer. Elle veut pas, elle veut pas. Qu’est-ce-que vous voulez que je vous dise !

Hors de question articula-t-elle tout bas.

— Ne me crie pas dans les oreilles maman ! Mais oui, je sais, tu me l’as déjà dit. Mais tu la connais…Ah non, tu vas pas recommencer, maman ! La proposition de papa…oui, voilà. Tu as qu’à me le passer….Oui, je prends soin d’elle…allez, je t’embrasse…

Paul mit la main sur le combiné du téléphone en chuchotant :

— Tu vas me le payer Ariane, je peux te le garantir !

Ariane se jeta dans les bras de Tom, comme pour se protéger. Ce qui les fit rire tous les deux.

— Barrez-vous tous les deux, je ne veux plus vous voir, continua de chuchoter Paul, exaspéré par leur connivence.

— Allo papa ? Oui…oui…Comme je disais à maman…oui…ok. Compte sur moi. Oui, j’irai à la gare dès demain prendre des billets. Je vous rappelle. Et dis à maman de se calmer…Oui, c’était super cette semaine de vacances, je vous raconterai ça plus tard, ok ? …Moi aussi je t’embrasse.

Il raccrocha, excédé.

— Alors, ils ont dit quoi ? s’empressa de demander Ariane.

— Privée de sortie de toutes les vacances.

— Les cons. Sans blague, c’est vrai ?

— Oh, écoute, j’en sais rien. Tu verras bien quand je te renverrai par le train à la maison. Ils ont surtout eu très peur comme tu peux l'imaginer. Enfin non, je suis bête, t'as pas pensé à ça, égoïste comme t'es !

— Oh c'est facile de dire ça quand on sait pas. Tu sais pas comment c'est de vivre avec eux, depuis que t'es parti.

Paul ne releva pas, réalisant qu'il l'avait sûrement blessée plus qu'il ne l'aurait voulu.

— C’est si grave que ça ? Pourquoi tu ne m’en as pas parlé plus tôt ?

— Ça serait trop long à t’expliquer.

— Faudra bien que nous en parlions. Mais pour ce soir, je te fiche la paix. En attendant, heureusement qu’ils se sont aperçu de ta disparition seulement hier soir, quand les parents de ta copine Claire leur a téléphoné pour savoir à quelle heure elle pouvait venir chercher leur propre fille à la maison !

Ariane ne put s’empêcher de sourire.

— Vous aviez bien combiné votre plan toutes les deux. Crois-moi que ta copine a dû se faire bien engueuler. Surtout quand ses parents ont compris qu’elle avait passé trois jours chez son petit copain, seul pour le week-end, au lieu de les passer avec toi.

— Surtout qu’il est majeur !

— Oui bah justement. Enfin, chacun ses problèmes. Et franchement, j’avais pas trop prévu d’en avoir un dans mon appart ce soir, moi, madame la fugueuse. C’est que nous nous levons tôt demain matin avec Tom, figure-toi.

— Ah oui ?

— Ouais, à 5h pour aller faire le ménage à l'hôpital, dit Tom.

Ariane ne dit rien, plutôt impressionnée.

— Paul, pitié, je veux rester avec toi encore quelques jours. S’il te plaît, dis oui, dis oui, dis oui, dis oui !

— Arrête !

Ariane lui fit ses yeux de biche.

— Bon ok, tu as gagné. J'ai aucun mérite à accepter, c’est l’idée de papa en réalité. Il m’a dit que ça serait l’occasion de passer du temps tous les deux, céda Paul.

Elle lui sauta au cou maladroitement, si bien qu’ils basculèrent à la renverse sur le lit.

— Mais arrête idiote, t’es lourde en plus !

— Tu m’avais promis de m’inviter chez toi, crétin de frère. Alors me voilà ! dit-elle en lui ébouriffant les cheveux.

— Mais elle est folle, arrête, tu m’fais mal, sale punaise.

— Oh ça va, si on ne peut même plus rigoler, dit Ariane, en remettant son bandana dans ses cheveux, toute décoiffée, elle aussi.

— Tu remarqueras qu'avec ce coup de téléphone, je viens de te sauver les fesses, mademoiselle. Papa et maman vont passer enfin une bonne nuit, enfin j’espère. Alors à partir de ce soir, et jusqu’à mercredi où tu prendras le train, je veux que tu m'obéisses au doigt et à l'œil !

— Oui, chef, dit-elle en faisant un salut militaire.

— Et te fous pas de ma gueule !

— Je ne me permettrais pas chef ! ajouta-t-elle, en regardant Tom qui éclata de rire.

— Oh non Tom, ne t’y mets pas toi aussi !

— Certainement pas, chef ! répondit-il à son tour.

— Allez rompez vous deux, disparaissez de ma vue, sinon, je vais vraiment m’énerver. Et vous n’avez pas envie que ça arrive, croyez-moi ! finit-il par dire, vaincu, mais le sourire aux lèvres.

— J’ai une question chef ? dit Ariane, qui n’en avait pas fini.

— Quoi encore ? soupira Paul, excédé.

— Tom, c’est ton amoureux ?

Paul se figea, préférant regarder le sol. Il se rendit compte qu’il rougissait.

— Oui soldat Rivière, mais ce ne sont pas vos oignons !

— Han, c’est vrai, j’en étais sûr !!! cria Ariane, ravie.

Hébété, Paul regardait Tom, ravi lui aussi de la situation.

— J’ai comme l’impression que vous avez plein de choses à vous dire, les frangins ! Je vais m’éclipser pour la soirée, je crois.

— Oh non Tom, reste, s’il te plait, la pria Ariane, plus sérieusement cette fois-ci.

— Si tu insistes, avec plaisir.

— Mais ça veut dire que vous allez dormir tous les deux dans le lit ? Et moi je dors où ?

— Sur le palier, si ça continue.

— Finalement, je vais peut-être demander à Lucas si je peux revenir chez lui pour une autre nuit, dit-elle, attendant leur réaction.

Paul et Tom se firent signe et attrapèrent Ariane par surprise, par les pieds et par les mains, avant de l'envoyer valser sur le lit. Elle eut à peine le temps de comprendre ce qui lui arrivait qu’ils la menacèrent de la chatouiller si elle osait dire quoique ce soit d’autre qui contrariait son frère. Elle promit qu'à partir de maintenant, elle serait une fille sage, qui ne leur poserait plus aucun problème.

Tous les trois décidèrent alors qu'il était temps de dîner. Paul sortit une casserole qu'il remplit d'eau et y ajouta une poignée de sel. Tom attrapa dans un placard un paquet de spaghetti pendant qu'Ariane cherchait où les assiettes étaient rangées, pour mettre le couvert. La soirée qui suivit prit des couleurs particulières. Il y eut des fous rires bien sûr, des confidences inattendues aussi, sans oublier une complicité retrouvée entre Ariane et son frère, qu'elle découvrait sous un autre jour. De son côté, Paul répondit sans rougir aux questions de cette jeune fille qui continuait de grandir plus vite qu'il ne l'avait imaginé. Tom profita de la soirée à les regarder l'un et l'autre savourer leurs retrouvailles, avec un plaisir immense et beaucoup d'envie, lui qui était fils unique. Après avoir servi le café, Paul revint s’asseoir près de lui. Il lui prit la main qu’il serra très fort. Tom comprit alors que sa relation avec son ami prenait un chemin des plus prometteurs.

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