Dis-moi que ça ira

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Version non corrigée. Je l'ai écrite d'une traite et je compte la laisser ainsi, car les sentiments bruts ne se corrigent pas. J'espère que vous apprécierez ce bout de mon existence.

***

Assise sur le bout de mon canapé, je lorgnai prudemment mon invitée :

C’était une sorte de grande créature humanoïde dotée de trois têtes bien distinctes, comme une sorte de Cerbère, avec un côté bien moins infernal. Le plus effarant dans l’histoire, c’était la ressemblance à s’y méprendre de ses visages avec le mien.

La première était une fillette châtain avec des dents du bonheur.

La seconde, une jeune femme qui aurait pu être ma jumelle : les cheveux étaient devenus bouclés et roux, sûrement sous une teinture. Les dents s’étaient par contre redressées.

La dernière gardait son sourire loin d’atteindre la perfection, mais suffisamment chaleureux pour attendrir autrui. Ses cheveux grisonnants avaient malgré tout gardé du ressort.

Au fond de moi, je savais ce qu’était cette entité, alors, sans réfléchir une seule seconde de plus, je me lançai :

— Est-ce que je vais enfin m’aimer ?

La petite fille meurtrie répondit :

— Pour sûr. Tu trouveras les bonnes personnes, et elles te trouveront également. Tu ne seras jamais seule, jamais délaissée, jamais abandonnée. Parce que tu es quelqu’un d’aimé, alors il n’y a aucun doute que tu t’aimeras à ton tour.

Sa réponse me fit l’effet d’une douce étreinte dans laquelle on avait envie de se laisser aller.

— Est-ce que... hésitai-je. Tu vas emporter les gens que j’aime ?

La jeune femme, perdue et rongée par un terrible sentiment d’injustice, m’offrit un regard compatissant.

— En l’espace de 3 ans, j’emporterai trois de tes amis. Lionel s’éteindra dans un lit d’hôpital, après avoir fait ses adieux à toi et à ta mère, qu’il aimait tant. Dave prendra ma main, prêt à avancer dans ses projets avec sa femme... mais il partira tragiquement, laissant un vide profond dans leur grande maison. Malheureusement, contrairement à ce que dit le proverbe, je ne guérirai pas les blessures de sa femme, qui se laissera sombrer dans la solitude. Quant à Éric, il se sera battu longtemps... mais il savait qu’il était juste question de moi avant que sa fin approche.

Des larmes silencieuses s’échappèrent du coin de mes yeux. Ma gorge se noua douloureusement. Le visage de chacun des amis de ma famille se grava dans ma mémoire, même si je savais que ne les oublierais jamais.

— Tu penses que ça ira mieux pour ma mère ? dis-je d’une petite voix.

— Ta mère a toujours été un roc et tant qu’elle vous aura dans sa vie, ton frère et toi, elle ne laissera rien ni personne lui pourrir l’existence, affirma la jeune femme. Ce n’est certainement pas moi qui arriverai à lui infliger la moindre égratignure. Elle se promenera à mes côtés pendant encore de longues années, sans craindre la fin inéluctable qui vous attend, vous autres, humains. Son corps changera, sa santé variera... mais elle restera la femme que tu as toujours admirée et chéri. Elle se débarrassera avec succès de tous ceux qui lui ont fait du mal et elle gardera ses vrais amis auprès d’elle, ainsi que le reste de votre famille.

— J’ai peur, sanglotai-je. De toutes les personnes sur Terre, elle est celle que j’ai le plus peur de perdre. Je veux que tu ne sois pas trop dure avec elle, je veux que le reste de sa promenade sur Terre soit le plus serein possible. Tu peux faire ça pour moi ?

La vieille dame hocha la tête.

— Je te promets d’essayer.

— J’ai une autre question, balbutiai-je en essuyant partiellement mes larmes.

Elle m’écouta attentivement, sa tête la plus âgée était penchée.

— Qu'adviendra-t-il de mon père ? Le rendras-tu plus sage ?

Elle sembla réfléchir profondément.

— Non.

Silence.

— Comment ça, non...?

— Je ne fais pas de miracles, déclara-t-elle en haussant les épaules. Je pense qu'au lieu de l'assagir, je ne fais que le rendre plus impétueux et manipulateur. Il est bouffé par mon influence et par le poids de mon existence dans sa vie, à un point qu'il ne cesse de ressasser l'époque où il n'était que ce petit garçon en son for intérieur. Il me voit passer sous ses yeux, il voit les conséquences que ça à sur toi et ton frère... et la relation que vous entretenez avec lui... mais rien n'y fait. Ton père n'est pas une cause perdue. Il a juste besoin de retrouver son chemin, mais je ne peux pas faire le travail à sa place.

— Comment faire ? Il a passé sa vie à tirer les gens vers le bas, soufflai-je, les yeux gonflés.

La vieille dame posa sa main sur mon épaule alors que la petite fille et la jeune femme étaient elles aussi happées par son discours.

— Ce n'est malheureusement pas moi qui vais pouvoir le tirer vers le haut, et toi non plus, m'assura-t-elle. On ne peut pas changer les gens, tout comme on ne peut pas sauver quelqu'un qui ne tient pas à être sauvé. C'est une leçon compliquée à apprendre, mais j'aurai l'occasion de te tester à maintes reprises là-dessus.

Je regardai mes genoux, recroquevillée sur moi-même.

—Est-ce que j'aimerais toujours chanter ?

— Tu chanteras toute ta vie ! s'enthousiasma la petite fille. Tu chanteras ta joie, ta peur, ton amour, tes faiblesses, ton idéal. Tu chanteras pour moi,mais tu chanteras aussi pour les autres, pour purger tes passions et guérir les autres. Tu chanteras tes injustices, pour un monde meilleur. Tu chanteras sous la douche, dans la cuisine. Tu chanteras qu'il vente ou qu'il bruine !

Je soupirai, apaisée par sa voix fluette.

— Si je comprends bien, je n'ai aucune raison d'avoir peur ?

— Tu auras peur, répondirent-elles en même temps. L'harmonie de leur voix sonna comme une douce mélodie à mes oreilles. Mais ça passera. Ça ira toujours mieux. Je ne suis pas une panacée, mais je peux au moins essayer de te faciliter la tâche. Je peux essayer de réussir avec toi tout ce que j'ai échoué avec autrui.

Je souris. Elle devait dire ça à tout le monde.

— J'ai une dernière question, avouai-je. Est-ce que tu vas me faire regretter ? Regretter les choses que je n'ai pas faites, que j'aurais pu faire... Les choses que j'ai mal faites, les choses pour lesquelles je ne me suis pas assez battue ?

Leurs trois rires retentirent dans la pièce avec un écho presque digne d'un conte de fées. Leurs voix s'élevèrent une toute dernière fois à l'unisson.

— Il faut que tu saches une chose Maelys : même moi, je n'ai pas le Temps de regretter quoi que ce soit.

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