Le 25 janvier 2022 16h44 dans la voiture de Mike.

Putain ! C’est la première fois de toute ma vie que je vis un truc comme ça ! C’était incroyable du début à la fin : son chi-machin-truc, Céline m’en avait parlé mais le voir à l’œuvre, c’est encore autre chose. Et puis… elle… et moi… sur la plage. La plus belle période de ma putain d’existence de prof de sport à la con. Quel idiot j’ai été d’accepter qu’on se sépare… en même temps ce n’est pas comme si elle m’avait laissé le choix, et ça m’a toujours été impossible de lui refuser quoi que se soit. D’ailleurs, me voilà à cause d’elle à devoir cohabiter avec trois sorciers des temps modernes, tous plus PD les uns que les autres ! Pourtant, je n’ai jamais lu une seule histoire où un magicien se servait de sa baguette magique pour autre chose que jeter des sorts !

Je ne peux m'empècher de sourire en jettant un coup d’œil à Tom qui est assis sur le siège passager. Il faut dire qu'il a l'air vraiment ridicule. Lorsque nous sommes revenus des cascades les deux autres zigotos avaient disparu, sans doute déjà en route pour rejoindre l'appartement de Céline. Il ne restait donc plus que ma voiture pour les y rejoindre, Tom étant venu en taxi. Mais hors de question de monter dans ma petite "titine", mouillés comme des barbets. Pour ma part, j'ai toujours une tenue de rechange, au cas où. Par contre pour Tom, il ne restait que deux ou trois trucs que je devais rendre à une copine, le pauvre... Il a bien essayé de discuter, mais la petite jupe et le petit top "Fuck Me I'm A Slutty Whore", tous les deux rose bonbon, lui allaient tellement bien... et puis c'était ça ou à poil ! Bon, moi à sa place je serais resté à poil, mais il faut dire qu'on n'a pas le même corps !

Je crois quand-même qu'il est contrarié par la situation, car Il n’a pas parlé depuis que nous sommes montés dans ma voiture. Ses yeux ne sont pas vraiment fermés, mais ils ne semblent pas non plus regarder quoi que ce soit.

— Euh ! ça va Tom ?

Il ne répond pas. Je répète la même phrase un peu plus fort et cette fois il tourne la tête vers moi.

— Oui, très bien. J’ai rechargé mon énergie et je suis prêt pour la suite. Et toi ?

— Si on excepte le fait que je me fais un souci monstre pour Céline, tout est OK.

— Au fait, Mike je voulais à nouveau te remercier pour tout à l’heure… Et puis m’excuser aussi, il est possible que… peut-être que je t’ai jugé un peu trop rapidement… et pas en bien.

— Y’a pas de mal, il n’est pas impossible que j’aie fait la même chose. Et puis, j’ai l’habitude. Les gens ne voient que mes muscles et lorsqu’en plus j’annonce que je suis prof de sport… La seule qui, dès le premier regard…

J’ai du mal à terminer ma phrase, les images de notre première rencontre envahissent mon esprit. C’était la première fois que j’allais prendre l’avion. Mes premières vraies vacances payées avec mon propre salaire. J’avais économisé pendant cinq ans et je comptais bien profiter un maximum de mon tour du monde. Cinq billets d’avion, cinq continents et deux mois de voyage. Je venais d’arriver à l’aéroport d’Orly et comme j’avais prévu très large, il me restait une heure de temps à tuer avant l’embarquement. J’en avait profité pour aller prendre un café au Starbucks Coffee, et c’est au moment de repartir que la rencontre avait eu lieu. Quel choc ! D’abord au sens propre, lorsque je me suis levé de ma chaise comme un gros balourd, envoyant valdinguer Céline deux mètres plus loin, et puis au figuré, lorsque je me suis précipité vers elle pour l’aider à se relever, et qu’elle m’a regardé droit dans les yeux, un grand sourire sur les lèvres. Moi qui m’attendais à me faire insulter…

— Ne vous excusez surtout pas, ça doit sans doute être de ma faute, j’étais encore une fois plongée dans mes pensées. Et puis, si ça s’est produit c’est que nous étions sans doute amenés à nous rencontrer.

Le tout, dit en rigolant. Je me rappelle quand-même avoir pensé : qu’est-ce qu’elle me raconte ? Elle est perchée la nana. Et tout de suite après : perchée peut-être, mais qu’est-ce qu’elle est belle !

Après quelques secondes, mon cerveau qui ne devait plus être irrigué à cause de ce putain de cœur qui ne semblait plus savoir où il en était, s’est enfin remis en marche. J’ai tendu la main à Céline pour l’aider à se relever et ça a été le troisième choc. Personne ne m’avait jamais dit qu’on pouvait tomber amoureux en quelques secondes. Un regard, une voix et la douceur inégalable d’une main.

— Je suis vraiment déso…

—Je vous ai dit, pas d’excuses ! Payez-moi plutôt un café, je crois que l’intégralité du mien se trouve sur ma jupe.

Nous avons discuté pendant quelques minutes. Je ne me rappelle absolument pas de quoi nous avons parlé, ma tête fonctionnait à cent à l’heure imaginant cent cinquante scénarios pour essayer de prolonger ce moment. Je n’ai pas osé lui dire que j’annulais mon voyage pour rester avec elle, j’avais trop peur qu’elle me prenne pour un fou. Je me suis donc retrouvé une heure plus tard, assis dans mon avion en partance pour Mexico. Nous avions quand-même échangé nos numéros et Céline avait conclu notre discussion en me promettant que nous allions bientôt nous revoir. Deux jours plus tard, je prenais un avion pour rentrer à Paris. Je l’appelais de Benito-Juárez juste avant de décoller, sans jamais réussir à la joindre. Il m’a fallu attendre une semaine pour qu’elle me rappelle enfin. Elle était à New-York pour différentes conférences et avait eu des problèmes avec son téléphone. Deux jours plus tard, j’atterrissais à JFK…

— Mike ! Miiiiiiiiiike !

Tom me hurle dans les oreilles.

— Accélère ! je crois qu’on nous suit.

Je jette un coup d’œil dans mon rétroviseur, et j’aperçois immédiatement une énorme voiture noire, trois véhicules derrière nous. J’enfonce mon pied sur l’accélérateur, manquant de rentrer dans la voiture qui vient de s’arrêter juste devant nous. Je réussis au dernier moment à l’éviter, grille le feu et dans un crissement de pneu je m’engage sur la voie de droite. Un regard sur le côté me permet d’apercevoir le véhicule, sans doute un 4X4, qui semble être bloqué par le trafic. Je continue d’accélérer, ma petite citadine décolle sur le premier dos d’âne. Je lève le pied avant que l’on ne finisse dans le décor.

— Putain, ne ralentis pas ! Ils sont à nouveau derrière nous !

Tom a raison, je les aperçois, deux ou trois cents mètres derrière. Plus de doute possible, ils nous poursuivent. Il faut absolument que je fasse quelque chose, sur cette grande avenue ils nous auront vite rattrapés.

— Tom, tu vois l’entrée du métro au prochain croisement.

J’enchaine sans attendre sa réponse :

— Et bien, tient toi près à sauter de la voiture !

J’enfonce l’accélérateur pour essayer désespérément de maintenir nos ennemis à distance. Pus que deux cents mètres… cent… Je ralentis légèrement, braque le volant en appuyant de toute mes forces sur la pédale de frein. Dans un vacarme assourdissant et après avoir hésité à se renverser, la voiture s’arrête enfin.

— Suis-moi et cours le plus vite que tu peux !

Je m’engage dans les escaliers qui descendent vers la station, lorsque j’entends des freins qui hurlent. Merde, ils sont déjà là. Je vérifie que Tom me suit et je saute les cinq dernières marches. Nous sommes en bas et quelques secondes plus tard nous nous retrouvons devant les portiques d’entrée. J’ouvre facilement la porte métallique en écartant les deux battants, faisant pour la première fois usage de mes capacités devant Tom. Nous arrivons ensuite rapidement sur le quai. Les portes du wagon commencent déjà à se refermer. Nous sautons dans la rame, à bout de souffle.

J’ai juste le temps d’apercevoir deux mastodontes en costume, avant que nous nous enfoncions dans le noir rassurant du tunnel.