Chapitre 22 : Errances (Attrape rêve)

5 minutes de lecture

Le soleil chauffe délicatement mes joues. Heureusement pour moi, j’ai toujours le bandeau sur les yeux pour les protéger. Une bouffée d'air pur vient tapisser mes narines, douce sensation dont j'ai été privée depuis quelques jours. Le gazouillis des oiseaux m’apaise, une tendre mélodie qui égaye mon cœur. Pourquoi m'accorde-t-il un tel privilège ? Où sont passés mes deux gardes du corps ? Eux qui ne me lâchent pas depuis qu'ils ont mis leurs sales pattes sur mon corps ? Je n'en reviens pas, mes pieds et mes mains sont libres, je ne sens plus les chaînes qui ont meurtri mes chevilles et mes poignets dans ma geôle.

En passant mes doigts sur ma cuisse, je sens une cicatrice. On m'a volé un peu de peau. Je ne me souviens de rien. J'ai un haut-le-coeur que je tente de réfréner. Comment et quand ont-ils réalisé ce prélèvement ? Aucun doute, il voulait mon empreinte digitale. Je devrais les remercier de m'avoir laissé la main entière. Un frisson me parcourt. À quoi est-ce qu'elle va bien pouvoir leur servir ? Sans doute pour le laboratoire. Si j'ai raison, Sergio est tout autant en danger que mes quatre fantastiques.

Je me sens à nouveau nauséeuse, ils m'ont droguée, une fois de plus. Je suis à peu près sûre que je n'ai rien dit pendant que j'étais sous leur emprise. Maître Ly m'a appris à m'extraire des effets des produits opiacés quels qu'ils soient. Sa rencontre a été une expérience insensée. Je m'en souviendrai toujours. Il a su m'ouvrir les yeux sur les capacités que j'avais enfouies au plus profond de mon être. Il m'a permis d'ouvrir mon âme sur la mission que je me dois d'accomplir. J'espère que Mike aura pu emmener Tom le retrouver, il le faut. Un sourire s'esquisse sur mes lèvres en songeant à Mike découvrant le lieu et ses occupants. Je l'imagine faisant son grand macho. Le connaissant, il n'aura pas pu tenir sa langue.

Je voudrais enlever le bandeau qui serre ma tête. J'hésite à regarder ce qui m'entoure. Pouvant enfin bouger mes membres, je pourrais fuir tout simplement. Une agréable sensation remonte le long de mes jambes, je viens juste de m'apercevoir qu'elles barbotent dans l'eau ou tout au moins dans un liquide frais. Comment est-ce possible ? Je bouge mes orteils, l'un après l'autre cherchant à leur redonner un peu de consistance. À nouveau, je panique, je passe mes mains sur mon corps et découvre avec stupeur que je ne suis vêtue que de simples sous-vêtements. J'ai une culotte qui n'est pas celle que je portais au pied de mon saule. Sur ma poitrine une brassière de dentelles. Tout un tas d'idées plus folles les unes que les autres traversent mon esprit.

Je dois en avoir le cœur net. Je saisis le tissu qui est posé sur mes paupières, mes battements de cœur se font de plus en plus rapides. Je tremble et ne gère plus rien. Pourtant je dois savoir si l'odeur qui remonte à présent dans mon nez n'est pas celle qui m'effraie. Si Alexis était à mes côtés, il m'enverrait des images que je laisserais s'immiscer dans mon inconscient. Il les utilise pour me rassurer lorsque des cauchemars m'envahissent et que je me réveille dans ses bras. Il a trouvé ce subterfuge pour m'offrir une oasis dans laquelle je peux me ressourcer.

Je ne sais pas pourquoi je ne sens plus rien ? Mes membres se tétanisent, ma gorge s'assèche, ma salive se tarit. Mes lèvres me brûlent. Je n'arrive pas à défaire le nœud du bandeau, tous mes mouvements se font au ralenti et sont terriblement douloureux. Je manque d'air, j'étouffe. Le soleil qui me baignait quelques minutes auparavant s'est éclipsé laissant place à un froid mordant. Je suis glacée et sans vêtement, la température de mon cœur est en chute libre. Je voudrais crier pour me réveiller, me dire que ce n'est qu'un cauchemar. Ouvrir mes yeux et les plonger dans ceux de Jérémie. Quand mon regard se remplit de larmes, il effleure mon camé du bout des doigts. Ce geste anodin devient un trésor qu'il m'offre. Il construit des histoires avec les images qu'il perçoit de mon enfance. Il me permet de garder le lien avec mon père.

Tout devient sombre, mais est-ce qu'il faisait vraiment jour ? Suis-je revenue dans ma cellule ? En suis-je sortie tout simplement ? Un dernier souvenir me revient en mémoire, celui d'un ordre froid, de ceux qui ne prêtent pas à discussion : emmenez-la ? Mais si c'est le cas où m'ont-ils laissée ? Un sentiment de solitude, d'abandon m'envahit. Je me bats contre un monstre qui essaye de me détruire de l'intérieur. Il me grille les neurones. Je n'en peux plus. Je suis éreintée, plus que l'ombre de moi-même. Mais ne s’est-elle pas elle-même évaporée, elle qui me relie encore au monde des vivants ? Une lueur, d'où vient-elle ? Au loin, une silhouette qui me sourit et me tend la main. J'avance, attirée par cet être de lumière. Est-ce la fin de l'histoire, de mon histoire ? Si je franchis la porte qui s'ouvre, reviendrais-je un jour ? Les douleurs s'apaisent, je ne sens plus mon corps, encore un pas et je pourrais me blottir dans les bras de papa.

J'entends une voix dans mon dos qui m'appelle, elle insiste, et se fait plus forte. Je me retourne pour essayer de voir d'où elle vient. Elle est accompagnée du son mélodieux de la cloche zen Daitoku-ji qui m'est si familier. Je cherche désespérément Tom du regard, il est forcément tout près. Je sens sa présence m'envelopper. C'est alors qu'une main me saisit et me tire vers elle. J'essaie de m'extraire de cette poigne qui me fait mal. La douleur, à nouveau, me transperce de part en part. Je suis un yoyo qu'on se dispute. J'erre entre deux mondes et ne sait comment m'en extraire. L'horrible sensation de ne plus être qu'à un soufflede puiser dans mes dernières forces. Je voudrais juste un instant savoir où je suis et quelle est la route à suivre.

Je me noie, où est Mike ? Mon maître-nageur me sauverait de cette chute infernale. Le poids qui est sur mes épaules m'enfonce peu à peu dans les profondeurs du néant. Je cherche désespérément ses bras dans lesquels je me pourrais blottir. Nous ne sommes plus amants, je lui ai rendu sa liberté mais il restera celui qui a fait vibrer mon cœur. Notre histoire est finie. À cette heure, il reste avec mes trois autres fantastiques mon seul espoir de survie.

Je me réveille en sursaut, avalant l'air qui s'engouffre dans mes poumons. Je me cogne la tête. Le bandeau a disparu. Je suis emmaillotée dans un linceul. J'entends les bruits du moteur d'un bateau. Je réalise tout à coup que ma cabine n'est rien d'autre qu'un cercueil. Je ne peux m'empêcher de sourire : je suis encore en vie. Mes pensées s'envolent inexorablement vers mes cascades.

Annotations

Vous aimez lire Fantafive ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0