Chapitre 38 : Une nuit au château 1/2 (Tom Ripley)

7 minutes de lecture

28 janvier 2022, 19h30 - Hôtel de Stuttgart.

La chaleur du torse de Mike contre ma joue ne m’encourage pas à me décoller de lui. Je sens que son corps bouge, il doit être réveillé. Dommage, je serais bien resté encore un peu contre lui. Je reste les yeux fermés, feignant de dormir. Cette fois-ci, il remue en déplaçant ma tête que je laisse glisser sur le lit. Le matelas rebondit mollement, signe qu’il vient de se lever.

— Tom, il est bientôt 19h30. Il faut qu’on y aille, le taxi sera en bas dans cinq minutes, me dit-il d’une voix douce.

J’ouvre les yeux et m’étire tranquillement. Il me regarde, tout en se chaussant.

— Ils nous ont même laissé une paire toute neuve et cirée. Allez, on se bouge, feignant !

*

28 janvier 2022, 20h - Château du Duc et de la Duchesse

Notre taxi s'arrête devant une magnifique grille en fer forgée ouverte, qui donne sur une grande allée bordée d'arbres. Le château que nous apercevons tout au bout est grandiose.

— On s'en tient à ce qu'on a dit, Mike, pas d'improvisation ! On se contente de discuter pour essayer de savoir à qui on à faire et pour avoir des infos sur Céline. Et surtout, on ne sépare pas.

Finies les frayeurs et autres cascades en tout genre, il s’agit ce soir d’ouvrir seulement nos yeux et nos oreilles.

— Pas de soucis, de toute façon, tu serais perdu sans moi !

Le majordome qui nous accueille semble tout droit sorti du film Barry Lyndon. Il a l’air vraiment ridicule avec sa perruque et son visage poudré.

— Veuillez me suivre, Messieurs, le Duc et son épouse se trouvent dans la salle blanche, nous dit-il dans un français approximatif.

À peine sommes nous conduit dans un imposant salon, qu’un couple d’une quarantaine d’années se dirige droit vers nous. La femme me sourit langoureusement. Elle est habillée d’une longue robe de soie rouge qui met sa silhouette et sa poitrine généreuse en valeur. Ses longs cheveux blonds sont ramassés dans un chignon étudié du plus bel effet, ne manquant pas de mettre en avant les traits fins de son visage maquillé. Son mari se présente.

— Karl, précise-t-il en nous tendant la main. Et voici, mon épouse Sofia. Nous sommes enchantés de faire enfin votre connaissance. Céline n'a pas manqué de faire votre éloge. Vous permettrez sans doute que nous vous appelions par vos prénoms…

Pendant dix minutes, nous avons le droit à un verbiage ampoulé sur leur demeure et les talents d’artiste peintre de notre Duchesse. Elle ne cesse de me jeter des clins d'œil et des sourires qui sonnent faux. Ils ne me trompent absolument pas. Je lui réponds poliment en manquant de me déchausser la mâchoire à chaque fois. Si elle croit qu’elle va me berner aussi facilement ! Je regarde Mike qui semble, à ma grande surprise, être sous le charme du Duc. J’aime à penser qu’il joue lui aussi la comédie. Karl nous fait comprendre sans détour qu'il fait partie de ces hommes incontournables de la haute société de Stuttgart et qu'il peut rendre de grands services à qui sait être son ami tout comme écraser qui il veut s'il le désire. Doit-on le considérer comme un allié potentiel ou comme un ennemi ? Je me demande pourquoi Céline fréquente ce genre d’individus, hormis le fait qu’ils soient cultivés, du moins en apparence.

Les autres invités de la fête sont à s’y méprendre des acteurs nés, qui s’empiffrent avec joie d’amuse-bouches, rient bruyamment, une coupe de champagne à la main. Le grand écart avec notre séance chez Maître Xing est plus que déroutante. Ce soir, tout semble être du toc et aseptisé. Je ressens encore les bienfaits de ma méditation qui me font garder la tête sur les épaules.Malgré les nombreux verres que me propose mon hôtesse, qui a décidément jeté son dévolu sur moi, en ne cessant de me coller outrageusement, je réussi à vider discrètement une grande quantité de champagne dans les différents pots de plantes décoratives à ma portée.

Soudain, près d’un grand escalier de marbre que je vois au loin, je crois reconnaître un visage familier. Malheureusement, je n’ai pas la possibilité d’aller à sa rencontre, ni même de prévenir Mike, car nos hôtes, qui n’ont d’yeux que pour nous, ne nous lâchent pas d’une semelle, délaissant leurs autres invités, dont certains, sont manifestement contrariés d’être snobés de la sorte.

— Tom, toi qui es passionné par les arts, laisse-moi te montrer le magnifique dôme, me dit la duchesse en m’indiquant le grand escalier au fond de la pièce.

Je ne m’attendais pas à ce que Sofia lance les hostilités aussi rapidement. Me voilà pris au dépourvu, ne trouvant aucun argument pour ne pas la suivre. Mike remarque mon regard légèrement perdu. Je me laisse entraîner par la main ferme de cette femme qui marche d’un pas décidé vers le grand escalier. Au moment de gravir les premières marches, j’en profite pour discrètement sourire au visage sans expression de Liang qui fait mine de m’ignorer. Sa présence me soulage grandement, car pour ce qui est de ne pas me séparer de Mike, c’est complètement raté !

La vue qu’offre le dôme sur le parc est incroyablement belle et majestueuse. Je me déplace et reviens vers l’entrée du château dont l’allée est bordée à présent de torches allumées, dont une légère fumée s’échappe. Nous contemplons le ballet continu de voitures luxueuses qui s'arrêtent une à une devant le portail, laissant descendre des couples aux tenues classieuses. Certains portent même des masques noirs cachant discrètement leurs yeux.

— Dis-moi, Sofia, c’est une sacrée fête que vous organisez là ! Je ne savais pas qu’il y avait aussi un bal masqué de prévu ! annoncè-je sur un ton mi-amusé, mi-sérieux.

La duchesse me dévisage, avec des yeux pétillants malgré le trouble que je lis aussi à ses dépens. Elle reprend aussitôt le contrôle d’elle-même, en posant sa main sur mon épaule pour la faire remonter le long de mon visage et terminer en une douce caresse.

— Une petite surprise, Tom. Je dois dire que Karl est assez doué pour ça. J’espère que tu ne nous en voudras pas et que tu sauras l'apprécier.

Je lui agrippe fermement la main, la fait pivoter par surprise pour me retrouver lové contre son dos, en lui murmurant ces quelques mots :

— Si tu savais comme j’ai envie de toi.

Elle réprime un gloussement et laisse ma main remonter jusqu’à son buste, caresser son sein lourd. Je la sens frissonner de plaisir. J’en profite alors pour déposer un baiser dans son cou. L’odeur de son parfum est atroce, il va falloir pourtant faire avec.

— Ooh, Tom…

— Nous pourrions peut-être trouver un endroit où nous serons plus à notre aise, qu’en dis-tu ?

— Viens, suis-moi, laisse-t-elle échapper d’un souffle, avant de me prendre de nouveau la main. Nous empruntons un couloir labyrinthique qui nous mène devant une porte. Elle sort de son décolleté une clé argentée qu’elle glisse dans la serrure. Un petit déclic se fait entendre. La lourde porte se referme derrière nous. La sensation de me sentir piégé m’envahit. J’ai la chair de poule.

Devant moi, une grande pièce vide, ornée d’un très beau lustre qui s’illumine comme par magie. Le seul mobilier de la pièce est un grand lit à baldaquin sur lequel je dépose ma partenaire. Je l’embrasse à pleine bouche, en maintenant ses poignets de chaque côté de son visage. Je plaque mon sexe qui a du mal à se raidir contre elle. Allez, fais un effort Tom, c’est pour la bonne cause. Pense au bain avec Mike, ça devrait te motiver. A bien y repenser, j’ai envie de croire que ce n’était pas un rêve.

— Je sens que nous allons passer une très belle soirée tous les deux, Tom… Karl et Mike ne devraient pas tarder.

Je cache mon étonnement en l’embrassant fougueusement dans le cou puis sur sa poitrine qui gonfle avec une sensualité obscène. Mes pensées m'emmènent loin d'ici, dans les bras de Cindy, dont le souvenir de nos derniers ébats m'aide à simuler un enthousiasme débordant. Ça a l'air de fonctionner. Sofia prend appui sur ses coudes et d’un geste, défait son chignon, dévoilant ses magnifiques cheveux longs dans un geste étudié. Je la regarde en souriant faussement, et en m’agenouillant à ses pieds. Mon cerveau, quant à lui, tente de trouver une solution pour échapper à ce jeu qui a manifestement été bien préparé. Je me demande quel sort Karl a réservé à Mike. À plusieurs reprises, j’ai remarqué le regard lubrique qu’il portait sur lui. J’espère que mon ami saura repousser ses avances sans trop de difficultés.

Je remonte lentement la robe de Sofia qui dévoile des jambes blanches sublimes. Elle écarte soigneusement les cuisses et m’offre ainsi son intimité, qu’aucun sous-vêtement ne vient cacher. Je ne peux cacher ma surprise. Je décide de passer à la deuxième étape de mon plan en faisant glisser ma ceinture. L’envie de l’étrangler me traverse l’esprit. Je me déshabille lentement, ce qui ne fait qu'attiser son évidente soif de sexe. Pour la contrarier, je conserve mon caleçon. Elle mordille un instant ses lèvres avec un regard suggestif pathétique. Je m'assois à califourchon sur elle. Ses mains glaciales viennent caresser mon torse. Les miennes, chaudes, enserrent bientôt délicatement son cou.

— Tom… Je ne savais pas que tu…Serre davantage je t’en supplie…

Pauvre dinde !

— Chuut, laisse-toi faire.

Sofia prend manifestement un plaisir immense lorsque je resserre un peu plus mes doigts. Son visage commence à rosir sérieusement. Ses yeux s’écarquillent.

— Oooh, Tom…Arrête, je ne peux…

J'accentue la pression sur son cou qui laisse apparaître des veines bleutées. Sofia commence à suffoquer. Son corps se contorsionne. Elle tente de se débattre, mais en vain. Je suis plus fort qu’elle.

— Arrête de gigoter et écoute moi bien, sinon, je t’emmène au septième ciel, sans ticket retour, compris ? dis-je avec une voix sans appel.

Terrorisée, elle me supplie du regard.

— Qui êtes-vous, et qu'est-ce que vous avez fait de Céline ? Tu as intérêt à me dire la vérité…

Elle répond positivement. Je la relâche et lui laisse le temps de reprendre son souffle.

— Je suis désolée…Je ne peux rien dire, sinon, je sais qu’il n'hésitera pas à me faire tuer, dit-elle dans un sanglot convainquant.

— Qui ça, il ?

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