Chapitre 46 : High Five (lelivredejérémie)
— Un peu de sérieux’’ se reprend Alexis, comment on sort d’ici ? Euh… FRAU… PLEASE, HOW…
Mais la dame à la charlotte s’éloigne sans se retourner, agitant juste les doigts en signe d’aurevoir.
— Frau veut dire ‘femme’, ce n’est pas très poli, logique qu’elle t’ignore.
— Merci pour la leçon, petit malin. Sinon, la sortie ?
— À gauche, puis à gauche… Quoi ? Ben oui, on a fait droite-droite… Pour s’échapper d’un labyrinthe, on colle la main à une paroi et on ne la lâche pas, on finit par retrouver la sortie, logique aussi.
— Oooh, toi !’’ grogne-t-il, très proche, avant de me pousser une nouvelle fois contre le mur. Et retour de ses mains, cette fois sur ma joue droite et ma fesse gauche.
— Alexis, non ! Je… je ne sais pas où j’en suis avec Hugo… C’est trop tôt !
— Tais-toi, idiot, quelqu’un arrive ! C’est le genre de comportement en public qui met tout le monde mal à l’aise, les gens détournent le regard’’ murmure-t-il en faisant pivoter nos visages pour les cacher à l’importun et mimer un baiser.
Mais l’homme ne nous ignore pas vraiment. ‘’Bande de dégénérés… Des pédés qui se bécotent au cœur-même de cette institution, mais qu’attendre d’autre de cette farce que sont les Nations Réunies, la mort de la libre entreprise, et maintenant celle des valeurs morales ! Vous rirez tous moins lorsque nous instaurerons l’Ordre Nouveau’’ grogne l'homme, avant de repartir.
Alexis me fixe, le sourcil froncé jusqu’à ce qu’il se soit assez éloigné. ‘’Avant que tu me demandes, oui, c’était nécessaire, le personnel du palais des congrès n’en a clairement rien à foutre, ou joue à bien pire dans les chambres frigorifiques, mais il n’en fait clairement pas partie, il n’est pas un des Men in Black, et les invités à la conférence ne traineraient pas par ici, dooonc…
— Sauf un certain attaché culturel de l’ambassade de France… glissé-je.
— Le sarcasme, c’est mon terrain, Jérémie. Mais as-tu au moins capté ce qu’il a dit ? Ce mec est un facho, et il n’a pas l’air d’être très fan de l’institution, le blabla sur son putain d’Ordre Nouveau et sur le libre commerce dérégulé, tout à l’inverse de ce prône Céline, de là à imaginer…
— Oooh ! Qu’il fait partie de l’organisation qui l’a enlevée, tu veux dire ?
Il a levé les yeux au plafond, a soupiré, puis a emboîté le pas à notre nouvelle personne d’intérêt.
Avant de piler au coin d’un couloir et de reculer. ‘’Il s’est arrêté devant une porte, gardée par un molosse, qui ne se cache même pas de tenir son arme à la main, cette fois.’’
— On ne pourra jamais approcher d’assez près, et quand bien même, que pourrions-nous faire, il nous faudrait Mike, pour sa rapidité et sa force, mais nous, même à deux, on ne fait même pas le poids de ce gorille !
— Nous avons aussi nos armes, Renard, quoique psychiques. On se refait Carmen de Areco, suggestion, tout ça ? souffle-t-il, avec une lueur d’amusement dans le regard.
— Euh, la chèvre ou la dînette avec les poupées ?
— Attends ! T’es sérieux, là ? Mais non ! On ne peut pas refaire ce coup-là, essaie de capter un de tes flashs de ce que celui-ci kiffe, en espérant que ce sera un peu moins malsain que pour les autres.
Je me suis concentré, mais sans succès ! ‘’Soit il ne pense vraiment à rien, soit on est trop loin, désolé’’.
— Les deux options se tiennent… Et dans l’autre sens ? Un de tes sorts de suggestion, pendant que je lui envoie une image mentale, tu vois ?
— Genre… le persuader de se taper la tête au mur ? ai-je osé, à court d’idée.
— Ça pourrait être amusant, sauf que je dois visualiser le truc et j'ai connu quelques mecs plutôt cons mais assez bien foutus que pour me le faire ignorer pendant une nuit, mais aucun qui le soit assez pour faire ça.
— Hmmm... Même dans ce sens-là, on est trop loin, je pense… Mais sinon, tu as vu The Joker ? La scène où Arthur est viré, et de désespoir, il pète la vitre de la cabine téléphonique de sa tête…
— Ah oui ! Pauvre gars, quand même… Le Joker, je veux dire, hein, celui-ci, je n’aurai aucun scrupule !
J’attends la suite du plan, mais il me jette le bras sur les épaules et me tire dans le couloir en murmurant, le nez dans mon cou ‘’On fait le truc en coordonné dès que je te pince la fesse’’ avant de continuer à voix haute ‘’On va se trouver un coin tranquille, toi et moi, t’es vraiment trop choupinou, et mouwâââ, comment tu me trouves ?’’ d’un ton assez suave pour que le mec capte le message, quelque langue qu’il parle, puis de m’envoyer le signal.
— Je ne m’en lasserai jamais, c’est trop marrant, je le regarderais des heures’’ dit-il, alors que le décérébré s’explose ses derniers neurones connectés sur le béton du mur.
— Sauf qu’on n’a pas trop le temps, il faut entrer, celui qu’on a croisé est dans la pièce, on lui fera avouer où est Céline !
Alexis a opiné, peut-être un peu à regret, avant de poser la main sur la poignée et de me jeter un regard interrogatif.
— Mike et Tom le feraient ! Et on est différents, mais pas forcément moins doués qu’eux, je me dis, alors… On y va’’ ai-je soufflé.
Il a poussé la porte.
— Encore vous, les pervers ? Trouvez-vous un autre endroit pour…
— Alexis, Jérémie…’’ a gémi Céline, allongée sur un lit de camp.
— Céline, enfin !’’ a dit notre Mentaliste.
— Mais vous… Nooon ! Où est le garde ? Sharko, intervenez, que faites-vous ?
— Il s’appelle vraiment Sharko ?’’ a demandé Alexis, amusé. Il n’est pas si redoutable, vous êtes plutôt mal assisté, vos sbires manquent vraiment trop de solidité mentale.
— Ce n’est pas possible, le plan était infaillible, il faudra un responsable…’’ gémit le gars, qui recule dans un coin de la pièce.
Alexis se précipite sur Céline, l’aide à se redresser, et claque des doigts devant ses yeux effarés. ‘’Que t’ont-ils fait ? Ça va ? C’est quoi, l’histoire avec ton discours biaisé ? Tu n’as pas changé d’avis sur tout, dis-moi’’, la presse-t-il.
— N-non’’ répond-t-elle, un peu hagarde. C’est… la datura, il l’a utilisée sur… moi. Mais les effets sont… sont… volatils. Je vvv… je vais… me reprendre…
— Cet animal l’a droguée ! Espère d'ordure'' crache-t-il à l'homme, qui jette des regards vers la porte, attendant l'occasion de s'enfuir.
— Les gaaa… les garçons, vous êtes là, c'est merv... veilleux. Je le savais ! Et Mike et Tom…
— Dernière fois qu’on les a vus, ils étaient en mode séduction au rez-de chaussée, Mike entouré de trois meufs, et Tom avec un mec dont je n’aurai jamais la carrure qui lui plait visiblement…
— Non, Alexis… Tom et Mike… là’’ a-t-elle ânonné en pointant le doigt derrière nous.
— Pour info, Ale…xis, j’ai viré les trois… meufs, comme tu dis, pour sauver les petites fesses de Tom’’ tonne une voix connue.
— Quant à moi, j’espère que tu m’accorderas assez de crédit… dans l’absolu, bien, sûr… pour croire que la carrure n’a jamais été un argument de séduction pour moi’’ a ajouté Mister Tai-Chi.
J’ai rêvé, ou Alexis a, l’espace d’un instant, perdu de son assurance ?
— Ouais, bon, je dis ça, je ne dis rien, mais ça fait encore un point pour notre team, là, non ?’’ ai-je osé, avant de voir deux paires de sourcils ironiquement relevés, dirigés vers moi.
— Sérieux ? a dit Mike.
— Ben oui, sérieux ! a répondu Alexis. ‘’On a récupéré el profesor Sandoval, et il est à l’hosto, mais bon… La plante est en route vers la Chine, tranquille. On vient de libérer Céline. Et vous… vous êtes fait… tatouer et avez… presque… couché avec Sofia et Karl. Le score est de trois à… pas grand-chose.
Quitte à ajouter une petite provocation un peu puérile, on a fait un high five !
— Mouais ! Sinon, l’abruti du couloir, il fait quoi ? Vu le sang sur le mur, il s’est déjà pété le nez et les arcades, il attaque l’os, là… Il va finir comme les gros bras que j’ai mis HS pour délivrer Tom. Au fait, ils étaient trois, eux, on revoit les scores quand vous voulez, les petits Mickeys.
— Plus tard, peut-être’’ a suggéré Tom, un peu pour calmer le jeu. Pour l’heure, la priorité est de remettre Céline sur pied, retournons vers les cuisines, il faut la faire marcher et s'hydrater ! Puis aussi, pour passer plus inaperçus… Mike, ton costume ressemble assez à celui des Men in Black que pour faire illusion, récupère l’oreillette, le holster et l’arme de celui du couloir, ça devrait suffire à nous faire franchir les éventuels barrages.
— On devrait faire parler celui-ci, il n'est probablement pas le big boss’’ ai-je suggéré, en me tournant vers l’homme prostré dans le coin de la pièce, dont une jambe s'agite légèrement, avant de s'immobiliser, le laissant le regard fixe, la bave aux lèvres.
— On dirait une crise d'épilepsie, murmure Mike, il faut lui dégager la langue, s'il s'étouffe, il ne nous dira rien... Hey, mais c'est quoi cette odeur ? Oh non, amandes amères, de l'arsenic ! J'ai vu ça en cours de toxicologie pendant mes études...
— Il est... ?
— Mort, claqué, macchabisé, trépassé, clamsé...
— Laissons-le ici et fermons la porte, qu'on le retrouve le plus tard possible. Quand à celui du couloir, il ne nous arrêtera pas… Votre technique s’améliore, vous faites une bonne équipe, les garçons’’ dit Tom, dont je ne peux pas vraiment m’empêcher de penser qu’il imaginerait pourtant bien un switch des binômes, qui me calerait dans les grosses papattes de Mike.
Et vu les regards discrets qu’Alexis et lui se jettent à la dérobée, je ne pourrais pas le blâmer d'y penser, tout le monde mérite une seconde chance, sans répéter les erreurs de la première, si on ne peut pas changer son passé, on peut modifier son avenir…
Mais là, je préfère ne pas me demander si je voudrais l'accorder, perso.
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