CHAPITRE 6 - Partie 1
On était entré dans la période de l'année qu'Amanda détestait. Quand elle quittait, à cinq heures du matin, son petit studio à plusieurs dizaines de kilomètres de son lieu de travail, le jour n'était pas levé. Quand elle le regagnait, à huit heures du soir passées, la nuit était déjà tombée. Elle avait l'impression de s'enfermer dans sa salle de classe deux fois plus longtemps, et que le monde tournait sans elle, deux fois plus vite.
Elle aimait son métier, bien sûr. C'était son ambition depuis toujours, et ses deux premières semaines au collège Tobias Stimmer confirmaient sa passion d'enseigner : elle était bien entourée, exerçait dans un environnement agréable - malgré son inexpérience, elle avait échappé à la ZEP, qui était pourtant le lot de tous les profs débutants - et même si elle ne se sentait pas toujours très à l'aise devant trente ados, elle s'y sentait à sa place. Et même les terribles rumeurs et racontars qui commençaient à grouiller en salle des profs ne parvenaient pas à la défaire de cette impression de bien-être. Elle songeait avec une certaine aigretté qu'au moins, Roumergue n'osait plus se pointer en salle des profs, non pas comme une fleur, mais bel et bien comme une moissonneuse batteuse. D'un certain côté, ces messages l'avaient remis à sa place. D'une manière bien peu orthodoxe, certes, mais ça avait le mérite de fonctionner.
Emmitouflée dans son long cardigan en laine, elle remontait le couloir des salles de sciences. Son pas léger et rapide émettait un tapotement feutré dans le couloir vide et silencieux. Elle avait l'impression de s'entendre marcher dans une église, et elle ne pouvait se résoudre à allumer les lampes, de peur de troubler la quiétude du collège encore endormi. Ce qu'Amanda détestait aussi et surtout dans cette période hivernale, c'était que les horaires des transports en commun ne collaient pas avec son emploi du temps. Elle arrivait toujours au collège une longue demi-heure avant ses collègues. Début septembre, ça n'était pas un problème : elle s'installait dans sa salle et passait le temps en corrigeant toutes les copies qu'elle avait délaissées la veille. Les bons jours, le soleil se levait tôt et son stylo rouge s'agitait au rythme des gazouillis et des bruissements d'oiseaux. Mais peu à peu, elle avait vu le soleil se fatiguer, se lever beaucoup plus tard et beaucoup moins scintillant. Et maintenant, en hiver, elle arrivait dans sa salle frigorifiée, les pieds mouillés, et sans la moindre envie d'attaquer des corrections. Elle aurait pu aller s'enfermer en salle des profs avec un café, mais siffler un expresso dès six heures du matin n'était pas la meilleure façon de soigner son besoin constant de caféine. Alors elle s'affalait dans sa chaise, et patientait, les yeux dans le vide, jusqu'à ce que les premiers grondements de moteur retentissent dans le parking des profs.
Sa salle était située tout-à-fait au bout du bâtiment. Elle tourna à l'angle du couloir. Et elle se figea. Une rai de lumière perçait sous la porte de sa salle. Amanda porta ses mains à sa bouche dans un cri muet. Elle avait dû laisser la lumière allumée tout le week-end ! Et M. Moineau, le principal, qui discourait à qui voulait (ou pas) l'entendre sur l'économie des ressources au collège... Elle était bonne pour un sermon. Ou une mise à pied ? Non, pas une mise à pied, tout-de-même... Et puis de toute façon, ce n'était pas possible, elle s'en serait rendue compte. C'était les femmes de ménage, sans doute. Oui, voilà, les femmes de ménage. Sauf qu'on était lundi. Et que les femmes de ménage ne passaient pas le lundi.
Son cœur martelait sa poitrine serrée. Elle osa quelques pas, jusque devant la porte. Elle colla son oreille au bois peint. C'était des cloisons capitonnées, on n’entendait pas grand-chose, et le pilonnage de son cœur, qui résonnait jusqu'à ses tempes, l'empêchait d'identifier quoi que ce soit. Pourtant, elle percevait nettement un fracas inhabituel de l'autre côté. Puis une voix. Une deuxième. Une troisième, peut-être bien. Des voix masculines. Donc ce n'était pas les femmes de ménage. Elle posa une main sur la poignée, et ferma les yeux très forts. La porte battit contre l'encadrement. Et ce n'était pas elle qui l'avait ouverte.
Elle ouvrit les yeux si brusquement qu'elle distingua d'abord deux visages flous en face d'elle, avant de comprendre qu'il n'y en avait qu'un. Bouffi et porcin, crevé de deux orbites globuleuses, les lèvres entrouvertes et craquelées. Le premier moment de surprise surmonté, il plongea sa main replète dans la poche de sa chemise, et tira un feuillet et une carte.
- Police nationale, énonça-t-il d'une voix forte. Mandat de perquisition.
Soit, la preuve par l'attestation ayant été faite, soit le bureau du commissaire de S... ou un agent d'une agence fédérale de la police nationale, a démontré qu'il y a des causes probables de croire que l'objet décrit peut être trouvé aux emplacements exposés et que ceux-ci sont légalement assez importants, conformément à l'article 1524 du code Pénal.
- L'objet a été volé ou détourné
- Une personne possède l'objet avec l'intention de l'utiliser pour commettre un délit ou il est possédé par une autre personne à qui on a livré l'objet pour le dissimuler.
- Un fournisseur de service de communication électronique ou le service à distance possède les informations faisant office de preuves, comme spécifié dans l'article 1524.3 du code pénal, montrant que l'objet a été volé ou dissimulé, ce qui constitue un délit, ou que l'objet est dans la possession de n'importe quelle personne ayant l'intention de le dissimuler.
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