Note Ilia : Artna

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Note d'Ilia

Un mois après l'arrivée de Phyros sur Artna

Phyros étant quelque peu occupé à survivre dans les arènes, il n'était guère au fait de ce qui se passait sur le Phœnix et comment tout l'équipage de ce dernier avait pu se retrouver dans la demeure de Maximiliane. Étant quelque peu intrusive dans mon domaine, j'ai tendance à enregistrer tout ce qui se passait sur le Phœnix, au cas où.

Cinq mois avant l'attaque, j'avais enfin réussi à établir un contact avec Taric, que Phyros avait rencontré sur l'Arche, le capitaine déchu de la soixantième septième cohorte. Et il semblait peu en accord avec le fait que Phyros se retrouve sur les stations d'Artna, au vu des premiers messages que j'ai échangés avec lui.

Taric : Il faut que je parle avec la Boss. Vous allez faire tuer Phyros avec vos idées de l'envoyer là-bas.

J'ai mis en place un sous-réseau de communication sécurisé sur une grille clandestine pour une entrevue sous le léger signe de la tension, dirons-nous. La Boss était sur le pont de commandement et pas vraiment ravie d'avoir à rencontrer Taric.

— Ici Taric, la communication est bonne ?

— Ici la boss du Phœnix, oui.

Nous n'étions clairement pas sur les intonations de voix les plus amicales, selon mon interprétation d'intelligence artificielle.

— J'aimerais bien savoir ce que fait le seigneur Morgeinse dans les arènes d'Artna ?

— Et j'aimerais savoir en quoi cela vous regarde de savoir où se trouve Phyros ?

— Cela me regarde dans le sens où vous semblez totalement démunie face à un seigneur Phœnix et sa folie, et qu'au lieu de trouver une solution, vous l'avez envoyé à la mort.

— Je ne crois pas avoir demandé de leçon d'un capitaine de cohorte déchu. Je fais ce que bon me semble des membres de mon équipage.

— C'est bien ce que je pensais, vous croyez pouvoir contrôler le seigneur Morgeinse. Le contrôle est la clé de voûte de la folie Phœnix. Vous êtes ignorante.

— Ilia, coupe la conversation, cela ne mènera à rien.

— La fuite de la part de la boss du Phœnix. Vous êtes perdue à ce point-là pour être déstabilisée par un vieux capitaine de cohorte déchu. Je veux juste éviter qu'un des derniers seigneurs Phœnix en vie meure bêtement alors que la galaxie se met à brûler de toutes parts.

Un long silence lourd apparut sur le pont de commandement du Phœnix, et si jamais la boss avait une masse dans la main, je pense que le tableau de bord aurait fini en charpie. C'est Taric qui reprit la parole.

— Je peux vous aider. J'ai convaincu des cohortes entières que Phyros était un seigneur Phœnix. Cela représente une armée de plusieurs dizaines de milliers de soldats. Je ne sais pas ce que vous cherchez à faire, mais si vous ne faites rien, je débarque sur cette station avec cette armée.

— Et vous perdrez tous vos soldats. Artna est une forteresse.

— Je sais me battre au sol, faire la guerre, c'est mon domaine. Mais l'espace, j'y connais rien. Mais j'irai quand même tenter le coup si vous restez obstinée à le laisser mourir dans le sable des arènes.

Un autre silence s'installa, mais c'est la boss qui reprit la parole cette fois-ci.

— Je peux truquer les combats, faire en sorte qu'il ne meure pas bêtement. Mais si vous voulez vous attaquer aux arènes, il va falloir la jouer fine. La force brute ne marchera pas, sinon depuis bien longtemps, Artna aurait disparu.

— Dans quatre mois, j'aurai plus de vingt mille soldats prêts à fondre sur Artna.

— Et pour la folie de Phyros ?

— Je vous fais envoyer les archives de ma cohorte. Nous possédons des livres sur cette maladie.

— Je vous recontacte quand j'aurai approfondi comment s'attaquer à Artna.

— Bien, j'attends votre appel.

La communication coupa juste après. La boss fracassa le tableau de contrôle avec ses poings. Elle semblait vraiment perdue.

L'ambiance à bord du Phœnix était étrange. Tout le monde suivait les exploits de la Mort Noire de près. La Boss laissait le vaisseau proche de stations pirates pour avoir accès à la grille de réseaux. À vrai dire, il est intéressant de noter que tout le monde pariait sur la Mort Noire, et le vaisseau se trouvait extrêmement riche par pure conviction envers Phyros à force de parier. Et je truquais les combats en grande partie. C'était étonnamment simple de choisir qui allait combattre Phyros avec des jeux de tactique et de disponibilité d'arène. À vrai dire, tout le réseau d'Artan était noyé de robots truquant les combats, mais j'étais la plus forte.

Les archives qu'avait fournies Taric contenaient énormément de livres religieux que la boss dévora à une vitesse exceptionnelle, liée à son statut d'androïde. En moyenne, il lui fallait une minute trente pour lire cent pages. Moi, c'est trois millisecondes, mais je ne suis pas là pour mesurer qui a le plus gros processeur.

Taric avait raison. Plusieurs livres faisaient mention de la folie Phœnix, et la plupart des seigneurs qui échappaient à cette maladie étaient les gardes les plus émancipés de la religion, ceux qui ne se complaisaient pas dans leur propre cercle vicieux de combats, sexe et puissance. Ceux qui en échappaient semblaient accepter leur folie, vivre avec, la laisser vivre en eux sans la mettre en cage.

La boss fit jouer son réseau et mes compétences d'IA pour récupérer le plus d'informations possibles sur Artna. La station se trouvait dans un anneau d'astéroïdes qui gravitait autour d'une géante gazeuse. Contrairement aux idées reçues, les champs d'astéroïdes ne sont guère dangereux pour les vaisseaux à cause de l'espace entre chacun, qui se compte souvent en milliers de kilomètres. Mais Artna etait une vieille station, une relique du passé. Ils avaient trouvé l'astéroïde le plus massif de la ceinture et construit une station dans celui-ci. Puis ils avaient accrocher d'autres astéroïdes pour agrandir encore la station. Ce qui fait que souvent, on parlait des stations Artna, qui étaient un agglomérat d'astéroïdes reliés par des structures proches d'autoroutes pour circuler entre les astéroïdes. À son apogée, on comptait près d'un milliard d'âmes sur l'ensemble des stations.

L'aspect forteresse venait qu'une fois la station finie, à l'époque, ils avaient approché des milliers de petits astéroïdes pour entourer les stations, créant autour d'Artna un bouclier de rochers et de glace impénétrable. La seule façon d'accéder à Artna etait d'emprunter un couloir navigable extrêmement étroit, empêchant une invasion massive par une flotte. Et pour être sûr que personne ne vienne vraiment les embêter, il était estimé par l'État qu'Artna avait déployé près d'un milliard de mines tout autour du bouclier d'astéroïdes. L'État avait donc abandonné l'idée de détruire la station ou de l'attaquer, mais de la taxer. Au fil du temps, Artna était devenue une pièce importante du fonctionnement de l'État. Entre un revenu non négligeable et un endroit discret pour faire disparaître des ennemis politiques ou industriels trop gourmands, la station était officiellement sous la protection de la capitainerie, mais elle n'avait jamais eu besoin d'intervenir.

Pour leur deuxième entrevue, l'ambiance était un peu moins tendue. C'était trois mois après l'arrivée de Phyros sur Artna.

— Ici Taric, la communication est bonne ?

— Ici la boss du Phœnix, oui, je vous entends.

— Vous avez étudié ce que je vous ai envoyé ?

— Oui, il semblerait qu'il n'y ait pas de solution miracle pour la folie. Il faut qu'il fasse lui-même la démarche de comprendre.

— Oui, et même si je n'approuve pas votre méthode de l'avoir envoyé là-bas, force est de reconnaître que cela peut marcher.

— Les combats sont truqués pour la plupart, mais au vu du rythme imposé par Maximiliane, il ne tiendra pas éternellement.

— Vous avez pu identifier une faille pour attaquer la station ?

— Une, les hypnares, l'armée non officielle d'Artna.

— Des déserteurs ? En quoi cela peut nous aider ?

— Vous êtes un capitaine déchu, faites passer plusieurs cohortes comme déserteuses. Avec la guerre entre l'État et la religion, cela devrait être possible de faire gober cette histoire. Les politiciens d'Artna diront pas non pour recruter des milliers de soldats issus des cohortes. Il sera impossible de faire débarquer des milliers de soldats d'un coup, mais on peut les faire débarquer au compte-gouttes, une centaine par-ci, par-là. En quelques mois, on aura quelques milliers de soldats répartis dans tout Artna.

— Je peux faire cela. Et pour votre vaisseau ?

— Maximiliane monte les marches politiques. Il va lui falloir une garde rapprochée. Silence est déjà sur Artna, elle sème des petits cailloux pour l'effrayer et le faire prendre une sécurité rapprochée plus poussée. Un petit groupe des membres du Phœnix se font passer pour des agences de sécurité. On va se faire recruter. Il ne restera que la partie combat dans la station, qui sera de votre ressort. — Cela, j'en fais mon affaire. J'ai récupéré des plans des stations, je brieferai tous les soldats qui partiront là-bas. Il ne reste qu'un point : comment on repart ?

— Cela va pas vous plaire, mais cela risque de beaucoup amuser Phyros.

— J'écoute ?

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