Chapitre 9

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Si Lisa ne voyait pas passer le temps durant les cours de M. Bates, tout le monde ne pouvait malheureusement pas en dire autant. En particulier ceux que le prof envoyait au tableau pour corriger les exercices qu’ils leur avaient donnés la veille mais qu’ils avaient volontairement oublié de noter dans leur agenda. Ce jeudi, c’était au tour de Jordan Buckley de passer devant tout le monde pour calculer la dérivée d’une fonction composée. Cela n’avait pris que deux minutes à Lisa pour dériver la fonction qui à x associait le rapport de la racine carrée de (4x² + 2x - 3) sur (-x +1), mais Jordan semblait avoir besoin d’un peu plus de temps pour mener à bien cette opération.

- On ne voit rien, on n’entend rien…, commenta M. Bates, adossé contre le mur de droite, à côté de la porte.

C’était sa réplique favorite quand un élève écrivait au tableau sans prendre la peine d’expliquer ce qu’il faisait, ni de s’écarter pour que la classe puisse lire ses équations. Il avait beau la répéter presque à chaque cours, cette expression ne manquait jamais d’amuser Lisa.

Jordan, qui s’était arrêté d’écrire en entendant la remarque de son prof, se tourna vers lui avant de se forcer à lui exposer sa démarche :

- Si on pose u(x) = racine carrée de (4x² + 2x - 3) et v(x) = -x + 1, cela revient à dériver u(x) sur v(x), ce qui implique de dériver d’abord u(x)...

- Eh bien, allons-y ! Dérivons u(x) ! s’écria gaiement M. Bates.

Hélas, cette étape du calcul qui paraissait si simple à M. Bates posa d’énormes difficultés à Jordan, qui à l’évidence ne se souvenait plus de la façon dont on dérivait une racine.

- Et si on commençait par dériver 4x² + 2x - 3 ? suggéra l’enseignant.

- Euh, oui, ça je sais le faire…

- Bien ! complimenta M. Bates avec une pointe de moquerie.

Comme s’il craignait de perdre son inspiration, Jordan s’empressa d’écrire le résultat de sa dérivée au tableau, le recopia sur la ligne du dessous en ajoutant une racine par-dessus, puis se figea sur place devant cette nouvelle formule, comme s’il se trouvait face à une épreuve insurmontable.

- Allez ! s’impatienta M. Bates. On ne va pas rester planté là, comme une poule qui a trouvé un couteau ! On ne s’arrête pas, on continue !

Des gloussements partirent aussitôt du premier rang. Sans surprise, Arthur et Lisa étaient écroulés de rire sur leur table. Si Jordan était voué à passer un sale quart d’heure, il faisait cependant le bonheur des intellos de la classe, qui ne pouvaient s’empêcher de se fendre la poire en regardant leur camarade galérer au tableau et se faire allumer par leur prof.

- Si tu sais dériver une fonction puissance, tu devrais savoir dériver une fonction racine ! fit remarquer M. Bates. Qu’est-ce que c’est qu’une racine ?

Lisa, qui imagina cette question sortie de son contexte, fut emportée par une nouvelle crise de fou rire.

- C’est… Euh… Une fonction puissance ?

- Bon. Et de quelle puissance s’agit-il ?

- Un demi ?

- Autrement dit, il suffit juste de savoir dériver 4x² + 2x - 3 à la puissance un demi ! résuma M. Bates. Ce n’est pas plus compliqué que ça… quand on connaît ses formules, en tout cas.

Jordan se mit à rédiger au tableau un début de réponse, mais il semblait avoir un doute sur le facteur multiplicatif à mettre dans la partie droite de son équation, ainsi que sur la puissance à laquelle il devait élever le terme (4x² + 2x - 3)… Il ne cessait de revenir sur ces deux valeurs en les effaçant de la main et en les ré-écrivant finalement à l’identique, à une différence de signe près.

Exaspéré par la lenteur et les hésitations de son élève, M. Bates commençait visiblement à perdre patience. Lui qui d’habitude parvenait toujours à garder son sang froid... Cette fois, il n’arrivait plus à tenir en place, et ne trouvait rien de mieux à faire pour tuer le temps et pour calmer ses nerfs que de cogner son dos à répétition contre le mur derrière lui. Il rebondissait littéralement dessus, se laissant tomber en arrière et repartant vers l’avant au contact de la paroi, qui vibrait un peu plus fort à chaque coup. La classe observait ce spectacle d’un air ahuri, tandis que Jordan s’efforçait de ne pas y prêter attention pour ne pas se laisser perturber. Lisa, elle, n’avait jamais vu M. Bates dans un tel état d’énervement. Encore quelques secondes et il allait entrer en résonance...

- Dépêche-toi de finir ta dérivée avant que je défonce le mur !

A ces mots, la jeune fille ne put retenir un gloussement de rire, et se plaqua aussitôt une main contre la bouche pour ne pas se faire remarquer davantage. Compte tenu de la taille et de la carrure respectables de M. Bates, elle ne doutait pas de ses capacités à faire céder la cloison. Jordan parut lui aussi prendre les menaces de son prof au sérieux, car il accéléra subitement l’allure en décidant de ne plus retoucher à sa dérivée de u(x) et de passer sans tarder à celle de v(x), qui se révéla beaucoup plus facile à déterminer. Il ne restait maintenant plus au garçon qu’à dériver le rapport de u(x) sur v(x), si toutefois il réussissait à se souvenir de la formule de dérivation d’un quotient… Hélas, il eut beau chercher dans les endroits les plus reculés de sa mémoire, il n’y trouva strictement rien, et M. Bates dut se résoudre à lui donner la solution.

- C’est bon, tu peux retourner à ta place, dit l’enseignant une fois que Jordan eut encadré sa dérivée et reposé sa craie. La prochaine fois, tu penseras à noter tes devoirs dans ton agenda. Ça nous évitera de perdre notre temps en cours…

- J’avais noté cet exercice dans mon agenda, certifia Jordan pour se défendre. C’est juste que je n’ai pas eu le temps de le faire hier soir : j’avais un match de basket à huit heures...

- Ça, c’est bien le dernier de mes soucis ! répliqua M. Bates. Tous les jours il y a des matchs des Lincoln Lions, et tous les jours c’est la même excuse ! Tu crois que tes camarades n’ont pas eux aussi des activités en dehors des cours ? Certains font de la musique, d’autres font du théâtre, certains même font des petits boulots ! Pourtant ils arrivent à trouver le temps de faire leurs devoirs, eux !

Soufflé par cette tirade pour le moins inattendue, Jordan baissa la tête et regagna le fond de la salle sans ajouter un mot. Il était désormais clair que M. Bates avait pris en grippe les athlètes du lycée. Lisa, qui ne pouvait pas non plus les supporter, était heureuse de constater qu’elle et son prof avaient ce point en commun. Tous les deux semblaient décidément faits pour s’entendre.

Comme l’avait compris M. Bates, la vie au lycée ne tournait qu’autour des Lincoln Lions et de leurs exploits sportifs. Chaque jour, les athlètes trouvaient l’occasion de prendre le micro pour diffuser dans les couloirs les dates de leurs prochains matchs, célébrer leurs derniers succès et communiquer le nom des joueurs qui s’étaient particulièrement distingués. Ce lundi 9 octobre ne fit pas exception à la règle. La première annonce de la matinée fut pour féliciter l’équipe de foot d’avoir remporté durant le week-end son premier match de la saison, avec une mention spéciale pour Scott Davis, qui avait réussi à rattraper douze fois la balle et à marquer deux touchdowns.

- Pfff… On va en entendre parler pendant toute la journée, se plaignit Astrid à l’heure du déjeuner, alors que les footballeurs faisaient leur entrée dans la cafétéria sous un tonnerre d’applaudissements.

- Même M. Harris n’a pas pu s’empêcher de féliciter James Cooper ce matin au début du cours de bio..., ajouta Joey avec mauvaise humeur. Ce n’est pas à moi qu’il ferait ça, même si j’obtenais un A à l’un de ses devoirs…

- Encore faudrait-il que tu y arrives..., lança Astrid d’un air moqueur.

Vexé, Joey lui jeta un regard noir, avant de mordre rageusement dans son burrito au poulet. Le garçon semblait particulièrement maussade ce jour-là. Pas seulement parce que la victoire des Lincoln Lions commençait à lui taper sur le système, mais aussi parce qu’il était convaincu d’avoir foiré le test du SAT qu’il avait passé avec Kevin le samedi matin.

- Comment je vais faire pour trouver une université qui veuille bien de moi ? gémit-il pour la énième fois. Aucune fac ne m’acceptera, avec tel un dossier de candidature ! Je n’ai plus qu’à dire adieu aux études supérieures et me chercher un petit boulot… Peut-être que je vais finir comme Fred et aller cuire des steaks au Mollie’s Diner…

- Rien n’est encore perdu, lui dit Kevin pour essayer de le rassurer. Si je me souviens bien, il reste une date de rattrapage le 4 novembre… Par contre, je te préviens : cette fois-ci, ce sera sans moi !

- Pfff… De toute façon, je ne compte pas vraiment retenter ma chance au SAT. Même si je le passais dix fois, je suis sûr que je ne réussirais pas à augmenter mon score d’un seul point.

- Sans compter que tu serais quasiment ruiné, avec les frais d’inscription…, fit remarquer Astrid.

- Et si tu venais à mes cours de soutien ? proposa alors Lisa. Je suis persuadée qu’en t’entraînant avec moi et en suivant mes conseils, tu passeras le test du 4 novembre haut la main !

Si Lisa pouvait se féliciter d’avoir réussi à attirer Joey à ses cours particuliers et à grossir ainsi le nombre des élèves qu’elle aidait en maths, elle craignait hélas d’avoir perdu l’une de ses plus anciennes recrues... Cela faisait plus d’une semaine qu’elle n’avait pas revu Ashley Westbrook au lycée, et elle se demandait si la jeune fille se déciderait à venir à sa séance de soutien de l’après-midi… Etait-elle toujours malade ? Si oui, penserait-elle à la prévenir de son absence en lui envoyant un message ? Pourquoi ne lui avait-elle donné aucune nouvelle ?

Bien des questions qui trottaient dans la tête de Lisa, alors que celle-ci se dirigeait vers son casier pour y rapporter sa lunch box vide et y récupérer ses bouquins de maths et d’anglais. Elle crut d’abord à un mirage lorsqu’elle aperçut de dos cette élève aux cheveux châtains, courts et ondulés, qui marchait devant elle en allant manifestement dans la même direction. Elle portait sur l’épaule droite un sac à dos beige à sangles marron, auquel était accroché un porte-clés en forme de fleur de tournesol. Lisa reconnut tout de suite cet accessoire. Quand elle vit la jeune fille s’arrêter devant le casier qui se trouvait à côté du sien, elle n’eut désormais plus le moindre doute :

- Ashley ? s’exclama-t-elle d’une voix agréablement surprise. Ça fait plaisir de te revoir ! Où étais-tu passée ?

La lycéenne se retourna à l’appel de son nom et posa les yeux sur Lisa. Des yeux bleus qui d’habitude brillaient d’un éclat magnifique, mais qui aujourd’hui paraissaient totalement éteints… Même le sourire qui se dessina sur ses lèvres semblait triste et forcé.

- Désolée pour lundi dernier, dit-elle en baissant la tête et en replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille gauche. J’aurais dû t’avertir plus tôt… Je suis tombée malade durant le week-end et j’ai dû rester au lit toute la semaine…

- Qu’est-ce qui t’est arrivé ? s’alarma Lisa. Tu as attrapé la grippe ?

- Je… Je crois que oui…, balbutia Ashley d’un air gêné.

- J’espère que tu te sens un peu mieux… Tu penses pouvoir venir en cours de soutien, cet après-midi ?

- Pas vraiment, non... J’ai un rendez-vous avec M. Carver à trois heures… Ça risque de durer un moment…

- Ah… Dans ce cas, on peut peut-être reporter la séance à demain ?

- Si tu veux…, répondit Ashley sans quitter le sol du regard.

Elle finit par reporter son attention sur son casier et se mit à tourner la molette pour composer son code. Lisa, qui ne pouvait s’empêcher de l’observer avec inquiétude, remarqua qu’elle avait peint ses ongles en noir.

- Joli vernis ! complimenta-t-elle. Tu l’as acheté où ?

- Il ne m’a rien coûté, en fait..., confia Ashley. Mes parents en vendent dans leur supérette. Ça, et tout un tas d’autres choses…

- Il faudra que je passe y faire un tour, un de ces quatre ! s’exclama Lisa avec un sourire.

Pour une fois, Ashley fut plus rapide qu’elle à ouvrir son casier. Son code fonctionna du premier coup – un véritable miracle – et cela ne lui prit que quelques secondes pour récupérer ses livres de cours et les glisser dans son sac.

- Il faut que je te laisse, déclara-t-elle sans ambages. J’ai cours de communication avec Mme Sullivan dans cinq minutes…

- Pas de soucis, fit Lisa, légèrement surprise de voir Ashley aussi pressée – d’habitude, c’était elle qui se dépêchait de courir à son premier cours de l’après-midi, de peur de rater l’arrivée de M. Bates dans la classe. Bon courage pour ton entretien avec M. Carver !

- Merci… A demain.

- A demain !

En prononçant ces paroles, Lisa ignorait hélas à quel point elle était naïve… Mais, après tout, ce n’était pas de sa faute. Comment aurait-elle pu se douter qu’elle voyait Ashley Westbrook pour la dernière fois de sa vie ?

Lisa ne parvenait toujours pas à réaliser ce qui s’était passé. La première annonce de la matinée avait été si brutale que, même à midi, elle était encore sous le choc. Assise avec Astrid, Kevin et Joey à leur table de pique-nique habituelle, elle n’avait pas encore touché à sa nourriture et se contentait de fixer sa lunch box d’un air hagard. Tout autour d’elle lui paraissait si irréel... Elle avait l’impression d’être dans un rêve… ou plutôt dans un cauchemar. Même les voix de ses amis qui discutaient à côté d’elle lui semblaient vagues et lointaines.

- Je n’arrive pas à y croire… Comment peut-on faire une chose aussi stupide ?

- Ce sont les parents qui doivent être contents…

- Il paraît qu’elle n’a même pas laissé de mot…

- Quelle idée de se suicider en se coupant les veines !

L’annonce du décès d’Ashley Westbrook, survenu la veille au soir, avait été brève et concise. Par souci de discrétion, le proviseur n’avait pas jugé utile de préciser que la jeune fille s’était donné la mort. Naturellement, cela n’avait pas empêché les élèves de découvrir la vérité et d’échanger entre eux les détails les plus sordides. Lisa apprit ainsi comment les parents d’Ashley, en rentrant du travail, avaient retrouvé leur fille gisant toute habillée dans son bain, les poignets taillés avec une lame de rasoir. Ils avaient aussitôt appelé les urgences et essayé de ranimer leur enfant, mais en vain. Il était trop tard pour réussir à la ramener à la vie.

- Tu aurais préféré qu’elle se jette sous une voiture ou qu’elle se tire une balle dans la tête ? lança Joey pour répondre à la remarque que venait de faire Astrid.

- Bien sûr que non ! rétorqua la blonde. Comment peux-tu dire une chose pareille ?

- C’est vrai que ça n’aurait pas été beaucoup plus joli que de se vider de son sang dans une baignoire…

- Bon appétit, commenta Kevin avec ironie.

Joey n’eut pas l’air de saisir la plaisanterie de son camarade, car il se tourna vers Lisa pour lui demander d’un air étonné :

- Tu ne manges pas ton sandwich au rosbif ? Il a l’air délicieux, pourtant…

La jeune fille ne lui répondit que par un haussement d’épaules, avant de replonger dans sa torpeur. Troublé, Joey interrogea Kevin et Astrid du regard, comme pour leur demander ce qui arrivait à leur amie.

- Apparemment, elle avait prévu de retrouver Ashley à la bibliothèque cet après-midi, pour son cours de soutien, expliqua Astrid à mi-voix. C’est sûr que ça doit lui faire bizarre de se dire qu’elle ne la reverra plus jamais…

- Bah, il faut voir le bon côté des choses, fit Joey en s’adressant de nouveau à Lisa pour tenter de la réconforter. Maintenant que tu n’as plus cours avec Ashley, tu peux me faire cours à la place !

Lisa préféra rester sourde aux inepties que débitait son ami. Comment pouvait-on être aussi bête ? Comment pouvait-on être aussi insensible ? Bien sûr, il ne connaissait pas Ashley autant qu’elle, mais cela ne justifiait pas une telle insouciance. Même la nature autour d’elle paraissait indifférente : les oiseaux continuaient de chanter dans les arbres et le soleil continuait de briller dans le ciel comme si de rien n’était… comme s’il se fichait pas mal de savoir qu’Ashley ne pourrait plus jamais être éblouie par sa beauté, maintenant que ses yeux bleus étaient clos pour toujours.

- Tu ne peux pas te montrer un peu plus compatissant ? lança Kevin en jetant un regard de reproche à Joey.

- Quoi ? fit celui-ci pour se défendre. Ce n’est quand même pas ma faute si elle est morte ! De toute façon, je ne la connaissais même pas… Ou plutôt si, je la connaissais, mais uniquement de nom, et le peu que je savais sur elle n’était pas très reluisant…

- C’est vrai qu’elle n’avait pas très bonne réputation..., admit Astrid. Tout le monde disait que c’était une traînée… Vous croyez que c’est pour ça qu’elle s’est tuée ?

- Je ne sais pas, mais en tout cas, il y avait quand même une part de vérité dans ce qu’on pouvait entendre sur elle, déclara Kevin. Vous vous souvenez de la photo qui a circulé l’année dernière et sur laquelle on voyait Ashley en train d’embrasser Kelly Melson ? Ce genre de choses, ça ne s’invente pas…

- Bah, ce n’est pas ça qui fait d’elle une traînée ! répliqua Astrid.

- Non, mais quand on sait qu’elle venait de rompre avec Jason… On peut dire qu’elle n’a pas perdu de temps !

En entendant les médisances de ses amis, Lisa se rappela les paroles qu’avait un jour prononcées Ashley au cours de l’une de leurs séances de soutien : « Quoi que tu fasses, les gens ne retiennent toujours que le pire de toi. » Des paroles pleines de pessimisme, mais qui au final se révélaient tellement vraies… Même après sa mort, les élèves continuaient de casser du sucre sur son dos. A croire que la méchanceté n’avait vraiment aucune limite...

Consternée, Lisa ne cessait de repenser à tous les propos défaitistes qu’Ashley avait pu tenir en sa présence. Elle ne s’en était encore jamais rendue compte, mais elle réalisait aujourd’hui à quel point ils avaient été nombreux et récurrents… Elle revoyait aussi le visage abattu de la jeune fille, la fois où elle était venue lui dire qu’elle avait encore eu un C à son devoir de maths et qu’elle préférait arrêter là les séances de soutien, de peur de lui faire perdre son temps. « A quoi bon continuer ? » s’était-elle exclamée d’un air las. « J’ai beau vouloir progresser, je reste toujours au même niveau… C’est comme pour tout, au final : même en faisant des efforts, on n’arrive jamais vraiment à changer… »

Ces courts moments lui revenaient en mémoire comme des flashbacks. Ils tournoyaient dans sa tête comme autant de signes avant-coureurs du malheur qui se profilait à l’horizon... Comme autant d’indices auxquels Lisa n’avait pas prêté attention mais qui désormais lui apparaissaient comme des évidences. Elle se souvenait des yeux rouges et bouffis de son élève, lorsqu’elle l’avait retrouvée à la bibliothèque le lundi qui avait suivi la mort de Trevor. Elle se rappelait aussi le regard éteint qu’Ashley avait posé sur elle la veille, quand elle l’avait croisée pour la dernière fois devant les casiers. Des détails insignifiants, mais qui aujourd’hui prenaient tout leur sens...

Comment Lisa avait-elle pu ignorer l’état de détresse dans lequel était plongée Ashley ? Comment avait-elle pu ne rien remarquer de son désespoir ? Elle s’en voulait de n’avoir rien vu venir… Pire encore : elle se sentait coupable de ne pas avoir osé lui demander ce qui n’allait pas...

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