Voyage entre les dunes

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– Putain, mon téléphone déconne encore. Saleté d’« Ipomme XI ». Et cela ne fait même pas deux ans que je l’ai. Vivement que j’achète le modèle suivant, s’énerve Karl.

– Tu sais quoi, profitons d’être dans le métro pour que je te raconte une anecdote. Celle des déchets numériques et leurs méfaits sur notre planète. Laisse-moi te faire voyager à travers la terrible histoire des téléphones, commence Anthony.

– OK, il reste encore quinze minutes avant d’arriver au resto. Je t’écoute.

– Niveau catastrophe écologique, nos smartphones excellent en la matière. Tu sais que pour en créer un, sont nécessaires environ quarante métaux différents, qui vont former ensemble des alliages, permettant de rendre performants ces appareils.

– Et alors ?

– Eh bien l’extraction est très compliquée pour récupérer certains métaux rarissimes. Pour obtenir des petites quantités, des paysages entiers seront détruits. De plus, ces opérations entraînent derrière des pollutions du sol, nocifs pour notre environnement.

– Mais, on possède des lois contre ça, chez nous.

– Chez nous, oui. Cependant, ces métaux précieux, comme le coltan et l’or par exemple, peuvent être dénichés en Afrique. Du coup, tu vas y trouver énormément d’exploitations minières illégales à ciel ouvert. Ce qui signifie : trafics, guerres de territoires, travail d’enfants, ouvriers malades, écosystème en péril… Tous les maux concentrés sur des régions pour de simples cailloux.

– Donc tu es en train de me dire que les géants du numérique achètent leurs matières premières à ces mafieux qui pillent les ressources naturelles africaines ?

– Jamais ces grands groupes ne posséderont un lien direct avec ces trafics. Néanmoins, si les exploitations minières fonctionnent autant, c’est que derrière, il existe des acheteurs. De toute façon, il reste très difficile de relier le prestataire, à un sous-traitant, à un autre sous-traitant, lui-même sous-traitant d’une usine de fabrication, travaillant pour une société.

– Chaud…

– Cependant, il y a autre chose qui reste tout autant problématique : le recyclage. Ce qu’on appelle les déchets d’équipements électriques et électroniques, D3E, doivent être recyclés dans des filières spécialisées. En effet, certains métaux demeurent très polluants et dangereux, surtout lors d’incinérations, leur récupération reste donc nécessaire dans ces usines. Du coup, ta tablette, ton ordi ou ton téléphone n’ont pas vocation à finir dans ta poubelle. Cependant, avec la potentielle obsolescence programmée et la surconsommation mondiale, ces entreprises de recyclage sont dépassées. Et comment procèdent-elles ? Elles expédient, par bateau, ces déchets vers des pays sous-développés, sous le couvert d’une loi qui t’autorise à faire don d’appareils en « état de s’allumer ».

– Attend, quoi ? Donc ceux qui ne peuvent pas être traités en France sont envoyés illégalement chez nos voisins les plus pauvres. Mais où ils vont après ? Et pourquoi ils acceptent ?

– C’est là que ça devient encore plus vicieux. Ils finissent dans des décharges à ciel ouvert. Des dunes de déchets accumulés. Toutefois, étant non fonctionnels, qu'advient-il d'eux à ton avis ? Et bien, ils sont récupérés afin d’en extraire ces fameux métaux précieux. Mais pour cela, les appareils sont brûlés à l’air libre, libérant des fumées toxiques pour extirper un peu d’or ou de coltan. Et qui accomplit ce sale boulot ? En grande partie des enfants bien sûr.

– Putain, ce qui devrait être traité via des normes strictes, dans des usines de recyclage spécialisées, est finalement réalisé par des gosses africains, chez eux, avec des méthodes précaires. Bousillant leur santé ainsi que celle de la planète. Et en plus, derrière ces métaux…

– Oui, vendus à nos mystérieux fournisseurs… Tu sais pour te donner une idée, l’impact environnemental du numérique est équivalent à celui de l’aviation civile.

– Là, je suis vraiment sur le cul. Bordel, je suis choqué. Tu as baisé une écologiste pour connaître tout ça ? lui demande Karl.

– Non, ce n’est pas elle qui m’a appris ça. Mais une directrice financière de la compagnie d’électronique « Croc’Pomme ». Elle parle beaucoup après l’acte.

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