Cher(e) lecteur(rice), ce chapitre est relié à celui ayant pour titre : La légende des voyageurs. Pour une comparaison plus aisée, je vous recommande d'aller relire la légende présenté au début de chapitre, au cas où vos souvenirs vous feraient défaut. Merci de votre compréhension.

PS : Un format particulier est présent sur ce texte, des explications sont données dans les commentaires.

PS 2: Je vous conseille de lire ce chapitre sur pc.

Frann'

________________________________________________________________________________________________________

24 octobre 200X

Hélène Prokletý

 Emilie et moi marchons toutes les deux sur le bord de la route vers la montagne de déchets. Comme elle me l’a demandé, je ne touche que le bout de bois, c’est elle qui tient l’autre côté. Au début, je trouvais ça bizarre, mais maintenant, je m’en fiche ! Je l’aime bien, elle est gentille. Par contre, Emilie ne parle pas beaucoup, c’est nul. J’en ai assez de marcher sans rien faire.

• Euh…

Mais quand je veux discuter, je n’arrive pas à dire quelque chose, je n’ai aucune idée.

• Oui ? Qu’est-ce qu’il y a ?

Je n'aime pas cette sensation.

• Non, rien.

Peut-être que je devrais attendre jusqu’à la montagne. Mais je ne sais pas quand on sera arrivé. J’espère que c’est pour bientôt…

 Je traîne des pieds en regardant l’herbe qui s'aplatit sous mes chaussures. Je ne fais même pas attention aux voitures qui passent, ce n’est plus drôle de deviner leur couleur.

• Hum… murmure Emilie.

Je tourne la tête vers l’ébouleuse, elle a dit quelque chose ?

• Oui ?!
• Je… Je me demandais quelque chose à propos de ton ami.

Super, je peux enfin discuter avec elle ! J’en avais marre de regarder l’herbe.

• Oui ? Quoi à propos de Jahan ?
• Ah, donc il s’appelle Jahan, dit-elle avec un sourire gêné. Je… Je voulais savoir à quoi il ressemblait et comment tu l’as connu par exemple.
• Oh, eh bien, il ressemble à un chat noir en peluche, je le trouve très mignon.

Emilie hoche la tête en m’écoutant.

• Et ce sont tes parents qui l'ont acheté ?
• Non, c’est le voisin. Il me l’a offert pour mes huit ans. Au début, elle ne faisait rien, mais après elle s’est mise à parler et à bouger toute seule, comme par magie !

L’ébouleuse s’arrête en entendant ma phrase. Je fais comme elle en penchant la tête, pourquoi elle ne bouge plus ? Elle a mal au pied ?

• Voilà qui est intéressant, murmure-t-elle.
• Tu as dit quoi ?
• Rien, dit Emilie en reprenant sa marche. Hélène, y avait-il une petite machine dans ta peluche ?
• Hum... Non ! Je l’ai touché plein de fois et y avait rien, pourquoi ?
• Pour rien, juste comme ça. Je voudrais te poser une autre question.
• Oui, qu’est-ce que c’est ?

C’est fou comme elle est bavarde depuis qu’on parle de Jahan. Je suis sûre que c’est grâce à lui. Il a dû sentir que je m'ennuyais et a fait en sorte qu’Emilie deviennent une pipelette. Peut-être qu’il lui a jeté un gentil sort.

• Tout à l’heure, tu disais que tu l’aimais. Dans quel sens disais-tu cela ?
• J’ai pas compris.
• Je veux dire, reprend l’ébouleuse, comment aimes-tu Jahan ? Comme un ami ou comme un amoureux ?

Ah, je comprends mieux.

• Comme un ami ! Je sais pas ce que c’est d’aimer comme un amoureux.

Emilie se met à rire.

• Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a de drôle ? demandé-je sans comprendre.
• Rien, je me disais que tu étais bien jeune pour ne pas savoir. Mais c’est normal, à ton âge…
• Je veux savoir !
• Quoi ?
• Je veux savoir ce que c’est d’aimer comme un amoureux !

Je regarde Emilie avec de gros yeux pour avoir la réponse, elle soupire en voyant mon regard.

• Comme tu voudras.
• Wouhou ! m’écrié-je en sautant.
• Tomber amoureux, c’est particulier et tout le monde ne le ressent pas de la même façon, disons que c’est une expérience singulière.

Je tourne la tête en regardant l’ébouleuse d’un air bizarre.

• C’est compliqué.
• Oui et non, dit Emilie en reprenant la route. Je vais te donner un exemple, cela te semblera plus simple à comprendre. Lorsque je suis tombée amoureuse pour la première fois, cela m’est tombé d’un coup, sans prévenir. Et de cette surprise, j’ai fini par penser à cet homme, un petit peu puis de plus en plus. C’est comme si on avait collé son portrait dans ma tête. Je songeais à sa personne, même lorsque je ne le voyais pas. J’imaginais des scènes où l’on discutait et où il s’intéressait à moi. C’était purement fictif, mais je n’y pouvais rien. Néanmoins, lorsque l’on venait à s’exprimer pour de vrai, je trouvais ces moments magiques, bien qu’empreints d’une immense banalité.

J’ai un peu de mal avec cet exemple, mais si j’ai bien compris…

• C’est quand tu arrêtes pas de penser à quelqu’un que tu es amoureux ?
• Eh bien, disons que si ça arrive, tu peux te poser quelques questions, mais ce n’est pas tout. Il y a d’autres façons de prouver son amour, par exemple : le sacrifice.
• Le sacrifice ?
• Oui, celui de vouloir tout donner pour la personne que tu aimes.
• Comment ça tout donner ? Si je veux donner mes jouets à quelqu’un, c’est que je suis amoureuse ?

Emilie se met à rire doucement.

• Non, tu ne le sais pas encore, mais il y a des choses plus importantes.
• Comme quoi ? Tu as pu tout donner à la personne que tu aimes ?

Juste après avoir posé ma question, l’ébouleuse baisse la tête sans dire un mot. Tout devient silencieux, même les voitures ne font plus de bruit. Pourquoi Emilie est comme ça ? J’ai dit quelque chose de mal ?

• Em…
• Non, je n’ai pas pu lui offrir tout ce qu’il voulait. Je pouvais seulement rester à ses côtés, sans même le toucher, bien que j’étais sa “femme”.
• Mais, si vous étiez amoureux… Vous avez fini par vous marier, non ? Comme dans les contes de fée.

Emilie relève la tête et me montre un sourire triste.

• Non, rien de tout ça. Et c’est vrai qu’à ton âge, tu ne peux pas comprendre. Disons que lui et moi traversions les routes ensemble. Mais qu’avec ma maladie, je ne pouvais pas l’enlacer, le caresser, l’embrasser, ni même l’effleurer. Je ne pouvais que le toucher des yeux, en observant sa silhouette que jamais je n’aurais l’occasion de sentir. L’amour à besoin de geste, Hélène, les attentions ne suffisent pas.
• E-Et lui ? Il t’aimait, Emilie ?
• À ce moment-là, je n’en avais aucune idée. Et pour être honnête, j’avais conscience de ma place, je savais que jamais je ne pourrais le satisfaire comme toutes ces filles. Mais ce n’était pas grave, du moment que je le voyais heureux, c’est aussi une part de l’amour : considérer le bonheur de l’autre comme le plus important. Maintenant que j’y repense, cette partie de mon amour est restée la même, y compris durant cette catastrophe...
• Quelle catastrophe ?
• Tu veux vraiment savoir ? Ce n’est pas joyeux, tu sais.
• Je veux apprendre des choses sur toi Emilie !

L’ébouleuse cligne plusieurs fois des yeux en entendant ma réponse. J’aime bien cette réaction, elle est rigolote.

• P-Pourquoi veux-tu savoir ? demande-t-elle les joues toutes rouges.
• Parce que je t’aime bien ! Mais… pas comme une amoureuse.

Emilie se met à rire après m’avoir écouté, puis nous rigolons toutes les deux ensemble. J’aime bien ce moment, j’ai l’impression d’être avec Maman quand elle était gentille.

• Aah, bien. Dans ce cas, je vais te raconter mon histoire, tu es prête ?

Je hoche la tête en souriant.

• Alors, tout commence lors de ma première rencontre avec l’homme dont je suis tombée amoureuse. C’était sur une terre très lointaine, où les coutumes n’étaient pas les mêmes qu’ici…

***

Dans mon pays, j’étais considérée comme une enfant spéciale à cause de ma maladie.

Néanmoins, je restais choyée et appréciée des autres grâce à mon statut ; ma mère était cheffe de tribu.

Un beau jour, un homme à la chevelure d’or est venu ; il disait que sa maison se situait en Angleterre.

Après avoir conversé avec ce voyageur, ma mère me confia à sa personne, faisant de moi sa ”compagne”.

En vérité, ce que ma famille souhaitait fut mon départ.

Ma maladie était si problématique, que l’on préférait me voir aux quatre coins du globe en compagnie d’un étranger, plutôt que de rester sur notre terre à semer le malheur.

Mais cela ne me posait aucun problème, car j’avais appris à connaître mon compagnon de voyage.

Il s’appelait Alphonse Gretel.

Ce beau jeune homme avait un frère jumeau qui était son total opposé.

Malgré tout, ces deux-là s’aimaient énormément.

Alphonse m’avait emmené avec lui jusqu’en Angleterre, pour que je puisse le soutenir. Une histoire de famille avait brisé leur relation si précieuse à ses yeux.

Une fois arrivée dans ce pays, j’ai pu faire la rencontre de Mavis, son jumeau.

Il était brut et spontané dans tout ce qu’il faisait. N’importe qui aurait pu dire qu’il était le pire héritier possible pour n’importe quelle entreprise.

Et pourtant, il avait accepté ce fardeau à la place de son frère. Car lui aussi l’aimait plus que tout au monde.
Malheureusement, il suffit d’une simple erreur pour bousculer tout un destin.

Ce jour-là, sans l'œil averti d’Alphonse, Mavis posa sa main sur mon crâne d’un geste amical.

Nul ne doit me toucher de sa peau, nul ne doit m’approcher.J’amène avec moi le changement inévitable, la mutation spontanée.

De par ce simple contact, j’ai détruit la vie d’un pauvre innocent.

La suite, le moindre voyageur pourra te l’expliquer.

Le domaine des Gretel fut englouti par les flammes.

Mavis était introuvable et Alphonse se brisa en mille morceaux.

Pendant ce temps, je ne pouvais qu’observer la déchéance de l’homme qui avait su voler mon cœur.

Cette vision me déchirait toute entière. Quoi de plus horrible que de voir son amour souffrir le martyr ?

Qui étais-je pour ignorer ses souffrances ? Certainement pas une femme amoureuse.

Alors, dès cet instant, je lui ai fait face en disant ces mots :“Partons, voyageons ensemble retrouver ton frère.”

“Cet Univers est immense, chacune de ses parcelles mérite d’être inspectée.”

“Et si ce monde n’est pas le bon, essaies-en un autre.”

(ÉTERNELLEMENT.)

“Fouille, part à sa recherche dans les confins de l’inconnu.”

(EN ESPÉRANT QUE TU NE PUISSES JAMAIS LE TROUVER.)

“Je te promets d’apporter toute mon aide dans cette quête qui est la tienne.”

(CAR C'EST LE SEUL MOYEN QUE J'AI POUR FAIRE FACE À LA CULPABILITÉ.)

“Je donnerais naissance à tes enfants qui reprendront le flambeau à ta mort.”

(JE SUIS PRÊTE À DIRE TOUTES LES ABSURDITÉS DE L'UNIVERS, RIEN QUE POUR ÊTRE AVEC TOI.)

***

• Et voici l’histoire de cette fameuse catastrophe. Je suis désolée, ce n’est pas un conte féerique où la fin est rêveuse.

Je regarde Emilie sans faire de bruit. Je n’ai pas tout compris et pourtant, je me sens triste pour l’ébouleuse. Je savais pas qu’on pouvait avoir toutes ses choses quand on grandit. Maman m’avait raconté des histoires sur elle quand elle était plus jeune, mais c'était pas aussi horrible. Pourquoi est-ce que la catastrophe d’Emilie peut pas avoir une fin heureuse ? Je veux y croire, je veux qu’elle en ait une !

• Mais, après ça, les choses se sont bien passées, non ? Tu as pu être avec Hallefonce ? Vous avez pu retrouver Meyvisse ?

Je déglutis en posant mes yeux sur l’ébouleuse. Elle continue de marcher sans répondre à ma question. S’il te plaît, dis-moi oui… Je le veux vraiment ! Hein ? Qu’est-ce que… Pourquoi je pense comme ça ? Je la connais depuis pas longtemps, et pourtant, je veux qu’Emilie soit heureuse. Un peu plus tôt, elle a dit que vouloir le bonheur de l'autre, c’était une partie de l'amour. Ça veut dire que je vois l’ébouleuse comme une amoureuse ? C’est bizarre...

• Si tu tiens à le savoir, dit Emilie après un grand silence, nous n’avons jamais pu retrouver Mavis tous les deux. Alphonse a lâché son dernier souffle avant d’y arriver.
• Ça veut dire quoi "lâcher son dernier souffle" ?

L’ébouleuse me regarde avec un visage triste.

• Ça veut dire qu’il est parti et qu’il ne reviendra plus.
• Il est mort, c’est ça ? Il a eu un accident ?

Oh non, pourquoi Hallefonce est parti ? Il aurait dû rester avec Emilie, il aurait dû l’épouser et lui donner des enfants ! Même si elle est malade, l’ébouleuse l’aimait beaucoup, elle mérite d’être avec lui, mais… en vie et sans avoir mal ! C’est pas possible que tout se termine comme ça, je ne veux pas !

• Et… Hum, il est revenu à…
• Non, Hélène, ne cherche pas. Tu es une gentille fille, mais tu dois lâcher prise. La vie n’est pas un conte de fée, elle est faite ainsi. On pourrait croire que c’est injuste, triste, malheureux, et pourtant, ce dénouement me convient. Je ne suis pas habituée à la vie de princesse dans un château étincelant, attendant ma valse nocturne avec mon prince bien-aimé. Cette tristesse que je porte fait partie de moi, ce quotidien sombre que j’ai traversé est un morceau de mon âme. Le temps s’est écoulé et il vaut mieux ne pas chercher à le remonter. Les choses sont telles qu’elles sont, non pas par hasard, mais parce qu’elles doivent l’être. Tu as sûrement du mal à comprendre maintenant, mais plus tard, tu sauras saisir le véritable sens de ces paroles.

Je hoche la tête en baissant les yeux. Emilie me rappelle Jahan à dire des phrases compliquées. Bizarrement, ce n’est pas pareil avec mon ami. Quand il me parle de choses difficiles à comprendre, je souris puis j’oublie, et ça me dérange pas. Mais quand c’est l’ébouleuse, j’ai l’impression d’être malade. Comme si j’avais froid à côté de mon cœur, comme si j’avais peur de pas tout comprendre. Pourquoi est-ce qu’à chaque fois que je lui parle, je me sens mal ? Elle est pourtant gentille…

• Hélène ? Quelque chose ne va pas ?

Comment je peux lui dire ça ? Je sais même pas ce que j’ai. Et puis, je veux pas la rendre triste, parce que je l’aime bien !

• Hum… Je…
• Oui ?

Je n’y arrive pas !

• J-J-Je … Euh…

BOUM !

Hein ? Qu’est-ce que c’était que ça ? L’ébouleuse et moi tournons la tête vers le grand bruit. Il vient de l’autre bout de la route, vers la montagne de déchets. Je la vois pas, car il y a une grande forêt sur le bord de la route. Mais… Bizarrement, il y a une colonne de fumée qui monte vers le ciel. Elle est toute noire, c’est moche...

• C’est quoi ça ? demandé-je en pointant la fumée du doigt.

L’ébouleuse me répond pas.

• Emilie ?

Elle n’arrête pas de regarder la colonne noire avec de grands yeux.

• Em… Emilie ?

Pourquoi elle me répond pas ? Elle est devenue immobile, comme les statues. Il n’y a que sa tête qui tremble, elle est en colère ?

• Un incendie… Vu le bruit, c’est un accident, chuchote-t-elle.
• Tu as dit quoi ?

L’ébouleuse me regarde avec un visage bizarre, je l'entends serrer le bout de bois.

• Hélène, je suis désolée… Je pense pas qu’on puisse retrouver ton ami.
• Quoi ? Mais pourquoi ?!
• Eh bien…

BOUM !

Je sursaute en entendant le gros bruit. Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi il y a une deuxième colonne de fumée ?!

• Une autre explosion ? Impossible… C’est lui.
• Emilie ? Tu as dit quelque chose ?

Ses yeux regardent les fumées noires. Elle fait plus attention à moi, comme si je n’étais plus là. Maintenant, sa main droite se met aussi à trembler, je le sens en tenant le bâton.

• Il vient pour moi, chuchote l’ébouleuse. Ginkgo…

Hein ? J'ai pas compris. C’est qui “il” ?

 Tout d’un coup, la main d’Emilie s’ouvre puis lâche son bout de bois. Je le regarde tomber sur le sol, sans rien faire. L’ébouleuse se met à trembler de plus en plus fort en posant ses doigts sur sa tête.

• Tu te sens mal ? demandé-je en m’approchant d’elle. Tu es mala…
• ÉLOIGNE TOI !

Je sursaute en l’entendant crier. J’ai peur, qu’est-ce qui lui arrive ?!

• Pardon, dit-elle le visage tout blanc, je ne peux pas t’aider à retrouver Jahan.
• Mais… Pourquoi ?!
• Je dois fuir, il ne doit pas me trouver.
• Qui ça ?
• Gretel...

Gretel ? Comme dans son histoire ? Mais je croyais qu’Hallefonce était mort.

• Hélène, refait le chemin en sens inverse. Abandonne ton ami.
• Non ! Je veux pas ! Tu devais y aller avec moi !

L’ébouleuse n’arrête pas de trembler. Je regarde d’un air bizarre l’herbe autour de ses pieds. Ce n’est pas normal, pourquoi elle se transforme comme par magie ? D’habitude, elle reste toujours verte, alors que là, elle devient toute bleue, pleine de piques, certaines sont mêmes marrons. Quelque chose va pas, pourquoi y a que l’herbe autour de l’ébouleuse qui se transforme ? Elle devient moche, bizarre, horrible, je n’aime pas ça !

• Emilie… Qu’est-ce qui se passe ?! demandé-je en pleurant.
• Hélène, tout va bien, dit-elle avec un sourire bizarre. Tu n’as pas à avoir peur, je te promets qu’aucun mal ne t’arrivera. Bientôt, il n’y aura plus d’ébouleuse.

Hein ? Non, je veux pas !

• Pourquoi…
• Merci, me coupe-t-elle, j’ai passé un très bon moment en ta compagnie. Pendant un instant, j’ai même eu l’impression d’être de ta famille, et cela m’a rendu heureuse. Mais les bonnes choses ont une fin, et je dois partir maintenant.
• Non ! Reste avec moi ! Je veux pas que tu me laisses !

Je veux pas être toute seule, je veux rester avec toi ! Je t’aime !

• Hors de question, je ne peux pas continuer ce chemin, sinon... Je serais en danger. Fais moi plaisir, Hélène, grandit, oublie ton ami et vis ta vie… Sans moi.

Emilie retire ses mains de sa tête et me dit au revoir avant de courir vers la grande forêt à côté de la route. J’essaie de la retenir, mais rien ne sort de ma bouche, je n’arrive pas à la garder à côté de moi !

 Je suis toute seule, encore une fois. Sans Jahan, sans l’ébouleuse. Même Maman n’est pas là, personne veut rester avec moi. Pourquoi ?

“N’oublie pas que tu es seule. Et tu le mérites.”

C’est vrai ce que disait Maman ? Je mérite d’être seule ? Mais pourquoi ?! Je n’ai rien fait de mal ! Je suis une gentille fille !

“Tu es une malédiction, Hélène !”

Une… malédiction ? Qu’est ce que ça veut dire ? Je suis … Je suis…

Ne t’en fais pas…

Je te l’ai dit.

Tu es ma future femme.

Peu importe ce qu’on dit de toi, je t’accepterai.

Jouons ensemble, Hélène. Je ne plaisante pas.

  Nous serons ensemble, comme avant.

Car de cette manière, je pourrais me débarrasser de tous ceux qui t’aiment,

et tu ne seras rien qu’à moi.

À moi seul.

Je détruirais tout ce qui compte pour toi, pour que je sois le seul et l’unique.

Les autres ne connaissent pas ta valeur.

Je suis celui qu’il te faut.

Je t’emmènerai avec moi.

Je te mettrais dans le plus somptueux des châteaux

où aucun prince ne viendra te chercher.

Il n’y aura rien d’autre que nous.

Tu n’existes que pour moi.

Arrête, ça fait mal !

Accepte la vérité, Hélène.

Maman, Emilie, aidez-moi !

Accepte la personne que tu es…

Je ne veux pas, arrête ça !

    J’aime ma Maman, je l’adore.

C’était moi il y a quelque temps.

  Dire que j’ai failli la prendre pour quelqu’un de gentil.

Pardonne moi, je suis une mauvaise fille.

Pour moi, c’est une certitude, je t’aime Archibald.

Quelle étrange sensation, j’ai l’impression d’irradier de bonheur.

C’est mon souhait le plus cher.

Et je le désire encore aujourd’hui.

         J’ai l’impression d’être le sujet de test d’un laboratoire.

Je voulais devenir voyageuse,                       c’était mon rêve.

Maintenant, il est trop tard pour reculer.

    Pourquoi ?

À quoi bon demander si on connaît déjà la réponse ?

Il n’y a pas de raison que je doute où que je sois effrayée.

Et pourtant,                                           je n’en ai pas eu le courage.

Vraiment, qu’est-ce qui ne va pas chez moi ?

Nul ne pourra me retenir dans ma recherche,  dieu  ou  humain,

je retrouverais le Désastre !

Gangrène, je me demande sincèrement ce que tu deviens.

J’ai conscience de ne pas y arriver directement,

mais rien ne m’empêche de faire des efforts, petit à petit.

Regarde-moi, je continue de me battre, je suis forte !

• ARRÊTE !!

Je comprends plus rien, pourquoi la voix de Jahan parle dans ma tête ?

• Snif…

Et puis… j’ai entendu d’autres mots, les miens. Mais… ce n’est pas normal ! J'avais pas ces voix, non… C'ÉTAIT PAS MOI !

 Je pose mes mains sur ma tête et pleure en boule sur le bord de la route. J’ai mal, j’ai peur, je veux rentrer à la maison. Je voudrais que tout soit un cauchemar, je veux me réveiller dans les bras de Maman. Je veux jouer avec Jahan, parler avec l’ébouleuse, je veux sourire, je veux rire, je veux être heureuse ! Alors, pourquoi est-ce que je n’y arrive pas ? Pourquoi est-ce que je pleure toute seule ?

Swip.

Hein ? J’ai entendu quelque chose.

Swip.

C’est en face de moi. Qui fait ce bruit ? Emilie ? Une voiture ? Je relève tout doucement la tête, la vue brouillée par mes larmes. Je vois quelque chose bouger sur le sol, qu’est-ce que c’est ? Je m’essuie les yeux avant d’ouvrir grand la bouche. Non, c’est pas possible…

• Enfin, je te retrouve. Je suis venu pour toi, me dit Jahan en traînant sa tête, le corps déchiqueté.