Chapitre 1
— Alors ? T'as baisé pendant les vacances ?
Alec écarquilla les yeux et dévisagea Matthieu. Il plaqua sa main sur la bouche de son pote pour le faire taire. Nan mais, qu’est-ce qui lui prenait de gueuler des choses pareilles ?
— Putain ! Mais pourquoi tu dis ça à voix haute ? Imagine si le prof t'entend !
Matthieu n'en avait pas grand chose à foutre, il avait l'air même l'air plutôt fier de lui et affichait son plus grand sourire. Ça le faisait marrer de dire des choses gênantes tout haut.
— Bah tu m'avais dit que tu te ferais dépuceler cet été, nan ? répondit-il sans baisser de ton.
Alec comprit que Matt était en train de le provoquer. Il se dit que la meilleure chose à faire était de ne pas lui répondre, alors il ignora sa remarque et essaya de se concentrer sur le monologue du prof, qui était en train de leur parler de la nouvelle année.
Mais il sentait toujours le regard de son meilleur pote fixé sur lui…
— Ah ! s'exclama Matt, tout content. Tu veux pas me répondre, ça veut dire que t'es toujours puceau. Donc tu m'dois 15 balles !
Alec était tellement choqué qu'il faillit se lever de sa chaise. Nan mais, c'était quoi cette insolence ? Il lui lança des éclairs par le regard.
— Depuis quand on a parié de l'argent ?
— Bah c'est toi-même qui m'avais proposé.
— Ah bon ? Je m'en souviens plus…
Bien sûr qu'il s'en souvenait, mais sa fierté personnelle l'empêchait de laisser Matt avoir raison. Il avait sorti son meilleur jeu d'acteur pour essayer de l’embrouiller.
— Bon, c’est pas grave. Raconte-moi tes vacances, bitch.
— On est allé dans un camping, et puis on a fait… des trucs de camping, tu vois. C’était pas aussi incroyable que les tiennes, je sais…
— C’est pas grave ! L’important c’est que tu te sois amusé, nan ?
— Euh, ouais…
Alec évitait le regard de son pote, il ne se sentait pas super bien. Il n’arrivait même pas à lui mentir, des images lui revenaient en tête, de mauvais souvenirs, encore trop récents, venaient le hanter. Ses blessures étaient encore ouvertes, il n’avait vraiment pas besoin de reparler de ses foutues vacances.
Matt fronça les sourcils. Il sembla remarquer que quelque chose n’allait pas.
— Ça va, bitch ? T'as pas l'air en forme.
— Nan, rien... Ça va passer, t'inquiète pas.
— Il t'es arrivé un truc, cet été ?
Alec resta paralysé. Son cerveau avait arrêté de fonctionner. Il ne voulait pas se souvenir de toutes ces choses, il avait juste envie de laisser tout ça derrière lui et d’oublier...
Alors il entrouvrit les lèvres pour parler, mais aucun son ne sortit. Sa gorge était sèche, les mots restaient bloqués, ils se bousculaient au fond de lui, mais ils ne voulaient pas remonter.
Il se tourna vers son meilleur pote en se mordant la lèvre inférieure, l’air désolé. Son visage était tout pâle. Et Matt comprit tout de suite.
— Tu veux pas en parler, c’est ça ?
— Désolé... souffla-t-il, juste assez fort pour être entendu.
— Mais c'est pas grave, bitch ! Tu me raconteras un autre jour, quand ça ira mieux !
Et en disant ça, il posa sa main sur l’épaule d’Alec, en lui offrant son plus beau sourire.
— Merci…
Il était soulagé de ne pas avoir à en dire plus.
Son regard était toujours plongé dans les yeux bleu-vert de Matthieu. On dit que les yeux sont le miroir de l'âme, et qu'on peut deviner les sentiments de quelqu’un rien qu’en les observant.
Et là, Matt était carrément en train de fouiller en lui, essayant de trouver quelque chose, de comprendre ce qui se passait. Il le connaissait par coeur, peut-être mieux que lui-même.
Alec ne pouvait jamais lui cacher s’il allait mal, ni lui mentir.
— Arrête de faire le chien battu, tu vas m'faire pleurer ! lança Matt.
Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Avec sa tête de con, Matthieu avait le pouvoir de le rendre de bonne humeur quelle que soit la situation.
— Et toi arrête avec ta face de gros débile ! C'est censé être un moment triste et tu rigoles !
— Mais c'est toi qui me fais rire avec ta vieille tête de boloss !
Ils ne pouvaient pas rester sérieux pendant plus d'une minute, ils étaient obligés de gâcher tous les moments un peu graves en éclatant de rire comme des gogols. Mais c'était aussi pour ça qu'Alec l’adorait.
Le cours continua tranquillement et Alec arriva enfin à se concentrer. Il avait le cœur un peu plus léger et se sentait mieux, grâce à Matthieu.
Ils parlèrent de leur nouvelle classe, qui était quasiment la même que celle de l'année dernière. En même temps, ils n'étaient qu'une seule classe à faire Allemand en première langue.
Mais ça ne dérangeait pas Alec, au contraire. Il était mal à l’aise à l’idée d’entamer la conversation avec des nouveaux, il était trop timide pour ça.
Lorsque la sonnerie retentit, tout le monde sortit de la classe pour aller dans différentes salles de cours en fonction de leurs options.
La plupart des gens avaient pris Latin, et Alec faisait partie des rares courageux qui avaient choisi d'apprendre le Chinois. Mais c'était juste parce qu'il y avait un voyage en Première, alors qu'il n'y en avait pas pour les autres options.
En entrant dans la salle, il repéra immédiatement Marion, une de ses meilleures potes. Il fut de bien meilleure humeur rien qu’en la voyant, et se précipita pour s’asseoir à côté d’elle.
Ils avaient beaucoup de bons délires ensemble, et organisaient souvent des sorties avec d’autres potes. Mais elle était plus proche du statut de « pote » que « d'amie », parce qu’il n’avait jamais vraiment osé se confier à elle.
— T'as passé de bonnes vacances ? fit-il avec un grand sourire.
Marion n'avait pas l'air d’être en grande forme, elle ne le regardait même pas en face, et avait les yeux perdus dans le vide, broyant du noir.
— J'ai posé la question qui fâche ?
— On a cassé cet été, lâcha-t-elle sans bouger.
— Ah merde…
Visiblement, il n’était pas le seul à avoir passé des vacances pourries.
— C'est un vrai connard, il m'a dit qu’il avait besoin de temps pour réfléchir, et qu’il avait besoin d’une pause… Sauf que je l’ai croisé dans la rue trois jours après, il trainait déjà avec une autre meuf…
— Oh l’enculé…
— J’te jure, les gars c'est tous les mêmes !
Alec se redressa en haussant les sourcils
— Woh, je suis bien moi, nan ?
— Oui, mais toi t'es différent. T'es pas vraiment un…
— Pas vraiment un quoi ?
— Nan, rien, laisse tomber.
Elle avait vraiment l'air dépitée, et Alec ne savait pas trop quoi faire pour lui remonter le moral. Il était sans doute le pire psy qui pouvait exister. Il tenta quand même un truc un peu banal pour la consoler :
— C'est pas grave... Un de perdu, dix de retrouvés !
— Ça marche seulement avec les kilos, ça…
— C'est pas faux.
Elle se mit à soupirer bruyamment, il était un peu gêné de ne pas pouvoir l’aider. Il se mit à réfléchir à nouveau, il fallait absolument qu’il trouve quelque chose de bien à dire, il avait vraiment envie de l’aider.
Mais il fut soudain interrompu par la voix de la prof :
— Bien ! Taisez-vous !
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