— Regardez les amoureux !

Alec et Marion levèrent les yeux au ciel en même temps.

— Salut, Jordan, lança Marion en prenant son air le plus méprisant possible.

Jordan se plaça face à eux, le torse bombé et la tête haute. Il profitait de sa grande taille pour tenter d’impressionner les autres, mais même s’il leur mettait une tête à chacun, sa tentative d’intimidation ne marchait pas.

Et Marion le fixa en mettant les mains sur ses hanches, un petit sourire moqueur sur ses lèvres. Elle n’avait jamais perdu de bataille de regards de toute sa vie

— T’as l’air grave contente de me voir, ça fait plaisir ! fit Jordan en lui souriant, révélant ses dents parfaites.

— T’as pas idée… soupira Marion.

— Moi aussi je t’aime, fit-il en lui déposant un bisou sur la joue, qu’elle essaya en vain d’esquiver. Et il va bien, Alec ?

— Nickel, répondit tranquillement Alec, trop occupé à pianoter sur son portable.

Jordan haussa les sourcils et prit un air choqué en posant sa main contre son coeur, comme s’il avait été blessé qu’un mec comme Alec ose lui manquer de respect.

Et d’un geste vif et élégant, il vola le portable d’Alec alors que celui-ci l’avait encore dans les mains.

— Eh ! Rends-moi ça ! s’écria Alec.

— Hop hop hop ! C’est un voyage en groupe, alors pas de tel’, on se déconnecte et on profite !

Alec devint tout à coup rouge comme une pivoine. Il pouvait voir que son portable était encore allumé, et sur l’écran s’affichait conversation avec Ruben. Si Jordan regardait son téléphone, Alec risquait d’avoir des problèmes…

— Ouais t’as raison, tenta Alec en prenant un air naturel. Après tout, on est là pour passer de bons moments ensemble !

Marion se tourna vers lui en fronçant les sourcils. Jordan gardait le portable dans sa main, tout en regardant Alec avec son sourire irrésistible, les yeux pleins de satisfaction. Il faisait exprès de faire prolonger le moment, il adorait sentir qu’il avait le contrôle de la situation.

Et puis, après quelques secondes, il se résolut à lui rendre son téléphone, qu’Alec saisit d’un geste assez brutal.

— De rien, fit Jordan d’un air méprisant.

Alec le rangea dans sa poche pour éviter d’avoir de nouveaux problèmes, même s’il mourrait d’envie de lui répondre.

— Bien ! Je crois que nous sommes au complet.

La prof de chinois interrompit les discussions de chacun d’une voix forte. Elle avait l’air d’avoir pris des cours d’autorité. Son regard sévère passa sur chacun des membres du groupe, comme si elle les scannait de haut en bas. Puis sans un mot, elle prit sa valise et commença à partir, en invitant tout le monde à la suivre d’un geste de la main.

Tous se regardèrent, un peu étonnés de ce qui venait de se passer. Mais ils se mirent bien vite à essayer de rattraper l’avance qu’elle avait déjà prise, marchant d’un pas rapide.

Alec prit le temps d’observer les personnes avec qui il allait partager ces quelques jours de voyage, et à son plus grand regret, il reconnaissait assez peu de tête.

Sur le petit papier d’informations qu’il avait reçu auparavant, il était écrit que les Premières allaient être mélangés à des Terminales. Malheureusement, ils n’étaient que 5 Premières, dont Marion et lui, Jordan qu’il appréciait moyennement, et deux autres qu’il ne côtoyait pas vraiment, mais dont il se rappelait vaguement le nom. Il allait donc falloir sympathiser avec les Terminales, et il en avait moyennement envie…

Ils passèrent toutes les formalités de l’aéroport, de la vérification des passeports au passage des affaires dans le scanner à rayons X, en passant par le dépôt des valises. Alec avait les yeux grands ouverts pendant toutes ces procédures, en se demandant si tous les gens qui prenaient l’avion devaient faire ça à chaque fois. Tout ça pour un simple trajet, c’était beaucoup plus compliqué qu’en train !

Une fois que tout le monde fut passé par les scanners corporels, c’était le moment de profiter du Duty Free. Tout le monde se précipita dans les boutiques pour acheter un peu de bouffe et des oreillers pour le trajet en avion. Alec restait avec Marion pendant qu’elle se jetait sur le rayon chocolaterie.

— T’achètes rien ? fit-elle, les bras pleins de paquets de Kinder, Lindt, Leonidas, etc…

— Bah non, pourquoi je gaspillerais mon argent dans une boutique en France ? J’suis pas riche comme vous, j’ai un budget limité.

— Ouais, désolée. Je t’en passerais un peu, quand je serais écoeurée. Tiens, va me chercher un panier pour que je range tout ça.

— Oui, maîtresse…

Alec se rendit au niveau des caisses pour aller chercher le fameux panier, lorsqu’il sentit une vibration dans sa poche. Sûrement un message de Ruben. Il sortit alors immédiatement son portable, tout heureux de pouvoir lui parler à nouveau.

« Ça te dit qu’on se voit un jour ? ;) »

Alec se mordit la lèvre… Il aurait bien voulu le rencontrer, ce Ruben.

« Euh bah là ça va être compliqué, j’suis à l’aéroport… »

« Ah tu vas où ? »

« En Chine :) »

« Ah ouais j’vois tu vas manger des nems »

Il leva les yeux au ciel. Ce genre de phrases l’agaçait au plus haut point.

« Les nems c’est vietnamien » écrivit-il alors, un peu agacé.

« Ouais c’est la même chose »

Alec éteint son portable. Il en avait marre.

De toute façon, personne n’était parfait. Il fallait bien que Ruben ait des défauts… Celui-ci agaçait particulièrement Alec. Combien de fois avait-il été traité de chinois, alors qu’il n’y ressemblait même pas… Ses yeux n’était pas bridés, son teint n’était même pas « jaune », mais simplement parce qu’il avait révélé son origine, les petits aristos l’avaient classé dans la catégorie « Chinois ».

Finalement, peut-être que son « histoire » avec Ruben allait s’arrêter là. Il y avait encore des tas de gens à rencontrer sur cette appli, et pendant le voyage. En tout cas, Alec ne relancerait plus la conversation avec Ruben, à moins que celui-ci s’excuse…