Chapitre 24

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Jordan finit par relâcher la pression pour lui permettre de respirer à nouveau… Il avait sûrement dû voir qu’Alec était sur le point de perdre connaissance.

— Tu m’as pris pour un con ou quoi ? lança-t-il en lui postillonnant sur la gueule.

— Qu’est-ce qui se passe ? fit Alec en reprenant son souffle bruyamment.

Sa vue se rétablit, et il put réfléchir à nouveau. Les yeux de Jordan renfermaient quelque chose d’indescriptible et de terrifiant. Mais bizarrement, Alec n’avait pas peur, il ne se sentait pas vulnérable, cette fois-ci.

— Tu sais très bien ! Qu’est-ce que t’as derrière la tête ?

— Une nuque.

Alec sourit bêtement. Il se prit une baffe dans la gueule. Ça n’avait pas l’air d’amuser Jordan, bizarre…

Il faisait le malin mais n’en menait pas large en réalité. Mais il ne lui laisserait jamais croire qu’il était plus faible.

— Arrête de me prendre pour un con.

— Qu’est-ce qui se passe ?

Et en baissant les yeux, il vit que la main de Jordan était tâchée de sang…

— Tu crois que je t’ai pas vu dans le car ? répliqua-t-il.

Il était en train de péter un câble tout en chuchotant pour ne pas se faire entendre, c’était presque ridicule.

— Mais de quoi tu parles ? s’écria-t-il en faisant exprès de parler trop fort.

Cette question conne lui valut une seconde gifle, un peu plus violente que la précédente.

— Les photos, putain ! souffla Jordan, rouge de colère.

C’est à ce moment qu’il comprit : il avait merdé.

Il ne savait pas quoi dire, il était découvert, et la sensation était horrible. Jordan ne voulait pas détacher son regard de lui, il respirait fort et rapidement, ses épaules se levaient légèrement à chaque fois qu’il inspirait et retombaient brutalement quand ses poumons se vidaient. Son poing était serré, prêt à fracasser la mâchoire d’Alec.

Il ne se débattait même plus, ça ne servait à rien. Il attendait juste que Jordan fasse ce qu’il avait à faire…

Le rugbyman relâcha un peu la pression mais continuait de le maintenir contre le mur avec une main, et il se servit de l’autre pour fouiller dans les poches d’Alec. Il frôla sa bite à un moment, mais ce n’était pas trop le moment d’être excité.

Puis il sortit son portable et le regarda. Il avait retrouvé son petit sourire en coin.

— Donne le code.

— T’es en train de mettre du sang sur mon écran.

Troisième gifle de la soirée, et ça montait encore en intensité…

— 0816.

Jordan s’empressa de tapoter sur son portable et eut un sourire de satisfaction quand celui-ci se déverrouilla.

« Putain de technique d’espionnage merde », pensa Alec en le regardant fouiller dans sa vie privée. Et il se jura de ne plus jamais prendre en photo les écrans des gens à leur insu.

— J’ai rien dit sur le moment, t’as eu de la chance, lança Jordan. De toute façon, ça m’aurait mis dans la merde aussi. Où est-ce que t’as foutu les photos ?

— Supprimées, lâcha-t-il.

Jordan continua de fouiller dans son portable. Il ouvrait chacune des applications, sans doute pour vérifier qu’il ne cachait rien… Il prenait son temps, il regardait dans chaque endroit. Alec s’attendait au pire, il avait comme un pressentiment…

— C’est quoi cette appli bizarre ? Je connaissais pas. On va voir ce que c’est… Oh, ben c’est qui ce Ruben ?

Alec écarquilla les yeux. Il était tombé dessus, tout son monde était en train de s’écrouler autour de lui, il avait le sentiment de tout perdre et de ne rien pouvoir faire. Jordan le regarda et parut ravi de voir cette peur sur son visage… Il le relâcha complètement pour pouvoir utiliser ses deux mains.

— On dirait que j’suis tombé sur un truc croustillant… Voyons voir, vous vous êtes envoyé des tonnes de messages ! fit-il en faisant défiler la conversation. C’est intéressant, tout ça… Oh, putain !

Jordan releva soudain la tête et jeta un regard noir vers Alec, qui mit ses mains devant son visage pour se protéger.

Dans l’expression de Jordan, plus d’amusement, plus de sadisme, plus de sourire. Juste de la colère et de la surprise.

— T’es un pédé, c’est ça ? dit-il avec dégoût.

Alec n’arrivait pas à répondre, il était terrorisé, il s’attendait à se faire tabasser sur place, sans autre forme de procès… Il n’arrivait pas à bouger, Jordan tenait toujours son portable et ne détachait pas son regard du sien. Il pouvait sentir toute sa colère dans ses yeux, ça lui rappelait sans doute de mauvaises choses, il était tout ce que Jordan détestait…

— T’as de la chance, j’vais rien faire, lâcha-t-il alors. J’ai pas envie d’avoir des problèmes. Mais t’as intérêt à fermer ta gueule, sinon je balance tout.

Et le rugbyman sortit son portable pour prendre en photo la conversation avec Ruben.

Il semblait prendre son pied, son ego déjà surdimensionné devait se régaler, et ça faisait enrager Alec.

— Voilà ce qui arrive quand on veut jouer au con, dit Jordan en rangeant son portable dans sa poche.

Et il lui fit un clin d’oeil vicieux, puis lui cogna l’épaule avec son poing… Alec serra les dents et essayait de retenir ses larmes. Tout son corps était tendu, il soutenait le regard de Jordan avec difficulté, il avait envie de se jeter sur lui pour lui casser la gueule, sauf qu’il savait très bien qu’il n’aurait aucune chance. Alors il restait debout sans rien faire, impuissant. Il se contentait d’encaisser les coups en silence.

— J’ai adoré cette discussion, fit Jordan en s’éloignant.

Il lâcha le portable d’Alec par terre et le piétina. Puis il rentra dans sa chambre sans un regard pour lui.

Dès que la porte fut fermée, Alec ramassa son téléphone : le coin de l’écran était fissuré, mais il avait l’air de bien fonctionner. Heureusement qu’il avait mis une coque…

Il se dépêcha de rentrer dans sa chambre avant que quelqu’un ne voit son visage ensanglanté.
Son premier réflexe fut de se rendre dans la salle de bains. Il ouvrit le robinet et se regarda dans la glace. Il avait vraiment une sale tête, il saignait du nez, ses yeux étaient rouges. Mais il n’avait pratiquement pas de trace sur le visage, donc personne ne se douterait de rien…

Jordan avait donc tout prévu.

Il s’aspergea le visage d’eau pour laver son visage. Le sang était déjà en train de sécher et formait des croûtes dégoûtantes. Alec ferma brusquement le robinet. Il se dit qu’il valait mieux prendre une douche, ça serait plus simple.

Il ouvrit le robinet, puis se déshabilla directement et entra dans la cabine de douche. L’eau n’avait pas eu le temps de chauffer et elle était gelée, mais ça ne le dérangeait pas plus que ça. Sa tête était à la fois trop vide et trop pleine, il avait l’impression qu’elle allait exploser. Il avait tellement de choses qui se bousculaient dans son esprit qu’il ne pouvait penser à rien.

Il avait joué au con, il avait voulu montrer qu’il était le plus fort, et il s’était enflammé. Quand on veut voler trop près du soleil, on se brûle les ailes.

De toute façon, ça ne servait à rien de réfléchir : il allait obéir bêtement à Jordan, et ne rien tenter d’autre. Ce mec était dangereux, et il avait des relations. Il n’avait qu’à fermer sa gueule et tout irait bien…

Il se savonna frénétiquement tout le corps. Quand sa main passa sur son épaule, il grimaça de douleur : il avait reçu beaucoup de coups sur ce côté-là, ça commençait sérieusement à lui faire mal. Il se réveillerait sûrement avec un beau bleu le lendemain…

Après s’être rincé, il sortit de la cabine. Il se sentait un peu mieux qu’avant, mais pas trop quand même.

Il se rendit compte qu’il n’avait pas pris de vêtements de rechange, alors il prit sa serviette et l’enroula autour de ses hanches, afin de cacher le bas de son corps.

Quand il sortit de la salle de bain, il se retrouva nez à nez avec Thibaut.

— Qu’est-ce que tu fous là ? s’exclama Alec.

— J’en avais marre du loup garou, et puis je dois appeler ma copine. Tu vas bien ?

— Euh ouais, t’inquiète, bafouilla-t-il en baissant la tête.

— Ça a pas l’air d’aller fort…

— T’inquiète, c’est juste que j’ai eu des soucis avec un ami, mais rien de plus.

Thibaut l’examina longuement, il devait probablement avoir une sale mine, mais il s’en foutait un peu. Il avait des problèmes plus graves.

— T’es sûr…? demanda-t-il une nouvelle fois en essayant de prendre une voix rassurante.

— Oui oui…

— S’il y a quelque chose et que t’as envie d’en parler, je suis toujours libre, d’accord ?

— Merci… soupira Alec.

Il pouvait compter sur Thibaut pour fermer sa gueule. Il était sûr que lui, au moins, ne lui causerait pas de problème.

Et il savait très bien qu’il ne parlerait jamais de ce qui venait de se passer, ni à lui, ni à personne d’autre. Il se contenterait de garder ça pour lui, parce qu’il n’avait pas d’autre choix, de toute façon...

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