Chapitre 46
Jeudi matin.
Alec avait assez mal dormi. Ruben n’avait pas répondu à ses messages de toute la soirée, il s’était barré juste après leur embrouille et n'avait plus envoyé de message. Il devait sûrement être en train de préparer quelque chose, comme il l'avait annoncé la veille. Alec ne savait pas si ça allait être bien ou mal, il pouvait s’attendre à n’importe quoi venant de lui. Et malgré tous les scénarios qu’il s’était créés dans son esprit durant son insomnie, il savait qu’aucun d’entre eux n’arriverait, et qu’il serait surpris quoi qu’il arrive.
Alors il se leva, partagé entre l'anxiété et la fatigue. Les nuits trop courtes avaient été trop nombreuses pour lui ces derniers temps, et avaient creusé de gros cernes sous ses yeux. Il se dirigea mollement en direction de la salle de bain, et prit une douche rapide. Il ne fit même pas attention aux affaires qu'il avait prises, il s'était servi machinalement dans son armoire.
En bas, sa mère était déjà prête à partir pour son rendez-vous.
En tant que maman poule, elle avait profité de l'occasion pour partir en même temps que son fils et l'accompagner sur le trajet, histoire de "passer un peu de temps ensemble".
— Alec ! On va être en retard !
— J’arrive dans deux minutes, Maman… soupira-t-il en se frottant les yeux.
Il évita de se regarder dans le miroir, afin d’éviter une vision d’horreur. Il se brossa rapidement les dents, puis descendit les escaliers. Sa mère tapait du pied et regardait sa montre. Elle savait très bien qu’Alec avait horreur qu’on lui mette la pression, et pourtant elle le faisait quand même.
— Tu veux pas un petit quelque chose à manger, avant de partir ?
— Non Maman... Tu sais bien que je prends pas de p'tit déj'...
— Tu devrais ! C'est le repas le plus important de la journée.
Il ne répondit pas et se contenta de soupirer.
Il enfila ses chaussures et ils purent sortirent tous les deux. Pendant qu'Alec fermait la porte à clé, sa mère avait déjà commencé à avancer à toute vitesse.
— T'es sûr qu'on est à l'heure ?
— Je fais ça tous les jours, t’inquiète pas.
Elle secoua la tête.
— Un jour, tu vas te faire avoir et tu vas rater ton train !
— Sûrement.
À peine quelques secondes plus tard, elle décida de revenir à la charge.
— Le train arrive dans 3 minutes, t’es sûr qu’on est pas en retard ?
Décidément, elle avait choisi d’être chiante ce matin.
— Non, Maman… On a même 1 minute d’avance.
Ils arrivèrent rapidement à la gare, le quai était en train de se noircir de monde en attendant le train.
— Tu vois ? On est pas en retard.
— Oui, ça va pour cette fois… Mais, c’est qui ce garçon qui marche vers nous ?
Alec releva la tête et ses yeux s’écarquillèrent. Ruben était là, à quelques mètres. Et il était en train de s’avancer vers eux avec un grand sourire.
— Je crois qu’il te sourit. Tu le connais ? lança sa mère, inquiète.
Sauf que… ça ne pouvait pas être Ruben. Il avait mis une chemise blanche parfaitement repassée, et un pantalon noir en toile avec des chaussures de ville bien cirées.
C’était pas possible, le vrai Ruben ne s’habillerait jamais comme ça, le vrai Ruben pourrait jamais paraître aussi… magnifique.
Alec avait le souffle coupé.
— Alec, c’est qui ?!
Ruben arriva juste en face d’eux et lui déposa un bisou sur la joue. Tout son visage se mit à chauffer.
— Bonjour Madame, vous êtes sa mère ?
— Euh… oui. Et vous, vous êtes ?
Elle avait l’air complètement paumée. Ruben se tourna vers Alec en lui souriant. Il ne savait pas quoi dire, il était sous le choc, sa bouche restait ouverte et il était toujours en train de fixer son Portugais. Il avait l’impression d’halluciner, qu’il était en plein délire et qu’il allait se réveiller dans son lit d’une seconde à l’autre.
Mais non, tout ça était bien réel. Et il n’avait pas le choix…
— C’est… C’est mon mec ! répondit-il alors.
Le visage de sa mère se décomposa en une fraction de seconde. Juste avec cette annonce, elle parut plus vieille de dix ans. Ses traits se creusèrent, elle n’osa même pas regarder Ruben et se tourna vers Alec.
— Nan. C’est pas possible.
Elle n’avait rien trouvé de mieux à dire, elle avait l’air sous le choc.
— Alec… Je croyais que t’avais changé. Tu m’avais promis que…
— Mais Maman, on peut pas changer ce genre de choses, tu comprends pas ?
Ruben restait silencieux à côté d’eux. Il était un peu gêné et n’osait pas intervenir. Il était quand même sacrément beau, il ne ressemblait pas du tout à ce Ruben de tous les jours qui s’habillait aussi mal.
— Il faut y aller, dit Alec. Le RER arrive.
Et ils s’avancèrent tous les trois dans la gare, sans rien dire. La tension était électrique, Alec avait le coeur qui battait à mille à l’heure, Ruben se tenait un peu à l’écart.
Ils montèrent dans le train. Il y avait un peu de monde et ils étaient assez serrés. Ils étaient mal à l’aise, sa mère serrait la mâchoire en tournant le dos à Ruben, Alec regardait à la fenêtre en espérant que le temps passe, Ruben lui jetait de petits coup d’oeil de temps en temps et essayait de le rassurer en lui souriant.
Soudain, la mère d’Alec brisa ce pesant silence :
— Ne me parle plus de cette histoire. Oublie-ça. Je ne dirais rien, je n’ai rien vu et je ne veux rien savoir. Mais quand ton père apprendra, tu sais ce qui va arriver…
Sa voix était troublée, elle retenait ses larmes mais ne pouvait dénouer sa gorge... Alec resta solide.
— Je m’en fous. Je suis heureux comme je suis.
Elle se retourna alors brusquement vers lui. Il se surprit lui-même à parler avec autant d’assurance.
— Je peux pas trahir ton père comme ça !
— Soit c’est lui que tu trahis, soit c’est ton fils…
Il savait qu’il l’avait touchée, elle était très sensible à ce genre de choses. Elle avait toujours été la colle qui maintenait la famille unie, et elle ne pourrait pas supporter le sentiment d'être coupable de leur effondrement. Mais il n’avait pas cherché à lui faire du mal, il avait juste sorti ce qui était enfoui dans son coeur depuis tant de temps…
Et il se sentait mieux. Blessé, mais mieux.
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