Chapitre 62

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Matt se pencha en avant et se mit à chuchoter :

— C’est Ruben qui te l’a offert ?

— Ouais… Pour se faire pardonner pour la dernière fois…

Matthieu se mit à sourire doucement. Il regarda Alec avec bienveillance. C’était fou comme il était capable de changer d’attitude en quelques secondes seulement. Ça lui rappelait quelqu'un d'autre...

— J’pense que j’me suis gouré sur son compte, j’ai vraiment l’impression que c’est un mec bien.

— J’crois qu’il est même prêt à changer pour moi…

— Alors c’est super, ça. Surtout s’il le fait de lui-même, sans que tu lui aies demandé. Et toi aussi, t’es un peu en train de changer… Plus les jours passent, et plus t’es en train de devenir un boloss comme lui.

Alec ne put se retenir de sourire. Il souffla doucement du nez en haussant les sourcils.

— T’es vraiment con, toi !

— Bref, tu vas mieux ?

— Ouais, je crois que ça faisait longtemps que j’allais pas aussi bien ! Et puis j’vais le revoir samedi, mais sans ses parents ! On sera juste tous les deux, dans une maison qu’une pote à sa mère nous a prêtés.

— Ah c’est super ça, du coup tu vas pouvoir baiser !

Alec se mit à soupirer bruyamment. Il leva les yeux au ciel, complètement soûlé.

— T’en as pas marre de m’demander ça ?

— Nan, j’adore toujours voir ta tête quand je le dis !

Et là, en plein milieu de leur conversation, Marion débarqua dans la salle en ouvrant la porte d’un grand geste.

Ses cheveux étaient mal coiffés et partaient dans tous les sens, elle avait l’air complètement paniquée, et elle faisait presque peur à voir comme ça, avec son teint tout pâle et ses yeux ronds comme des billes. Ses mains n’arrêtaient pas de remuer dans le vide, c’était un de ses tics quand elle était stressée.

— Alec ! Il faut que j’te parle en tête-à-tête.

Il fronça les sourcils. Il sentait qu’il allait se faire embarquer dans une histoire foireuse et qu’il allait le regretter.

— Matt peut pas rester ?

Elle grinça des dents et secoua la tête frénétiquement pour lui faire comprendre que c’était mort. Puis elle se pencha vers lui et chuchota à son oreille.

— C’est à propos de Jordan… Tu sais, c’que je t’avais dit, l’autre jour…

— Ah ! s’écria-t-il à voix haute. Mais il est au courant, hein.

Le visage de Marion s’assombrit aussitôt. Elle le fusilla du regard, Alec fit un mouvement en arrière et vit toute sa vie défiler devant ses yeux en une fraction de seconde. Elle était sur le point de péter les plombs.

— Tu lui as dit ?! lança-t-elle.

— Nan, il l’a deviné tout seul…

Marion ouvrit grand les yeux et laissa sa bouche ouverte, comme un poisson.

— Hein ?

— Bah, on va dire que vous êtes pas super discrets, tous les deux, donc voilà…

Et derrière lui, Matthieu était en train d’assister à la scène, avec un grand sourire et son expression de débile profond.

— Ça parle de moi ? fit-il en rigolant.

— Ouais ! répondit Alec. On disait que t’avais cramé pour Marion et Jordan.

Matt se mit à regarder Marion et haussa les épaules.

— Bah, on va dire que vous êtes pas super discrets, tous les deux.

— C’est marrant, Alec m’a dit exactement la même chose, y a seulement dix secondes. J’comprends pourquoi vous êtes meilleurs potes ! Vous êtes sûrs que vous êtes pas jumeaux ?

— Nah ! grogna Matt en grimaçant. Il est trop moche pour être mon jumeau !

— Enfin bref, y a Jordan qui va arriver d’un moment à l’autre, et on va vous expliquer tout ça en détails…

— Et du coup, je reste, ou tu veux juste rester avec Alec ?

Marion soupira, elle avait l’air désespérée.

— Nan, tu peux rester avec nous, ça change rien…

Ils attendirent une ou deux minutes. Marion alla prendre deux chaises pour elle et pour Jordan, qui ne devait pas tarder à arriver. Un long silence s’installa, personne n’osa parler. Matthieu s’amusait à faire tourner son stylo avec ses doigts, Alec restait les bras croisés en regardant dans le vide, en essayant de se retenir d’aller triturer son nouveau bracelet, et Marion se rongeait les ongles, tandis que ses jambes tremblaient.

Puis enfin, Jordan débarqua dans la classe, sans rien dire. Il dévisagea Matthieu.

— Tu peux te barrer, s’te plaît ? fit-il d'un ton désagréable.

— Nan t’inquiète ! fit Marion. Il est au courant, et on peut lui faire confiance. N’est-ce pas ?

À ce moment-là, elle planta son regard dans celui de Matthieu et lui lança des éclairs avec les yeux. Mais il garda son calme et lui répondit avec un grand sourire en hochant la tête de haut en bas.

Jordan souffla, visiblement déjà soûlé. Il jeta un coup d’oeil rapide en direction d’Alec, qui se sentait terriblement mal à l’aise dans cette situation. Il avait juste envie d’en finir au plus vite.

— Bon, lança Jordan. En gros, avec Marion c’est assez… ambigu. Et vu que vous êtes les seuls au courant, on va vous demander de rien dire du tout. Vous gardez ça pour vous et vous fermez vos gueules, sinon vous le regretterez.

Et en disant ça, il se tourna vers Alec…

Il eut des sueurs froides, et sentit ses poils se hérisser. Jordan venait clairement de le menacer, là.

Mais Matthieu n’en avait rien à foutre, et n’avait pas du tout l’air inquiété par ça. Ce n’était même pas étonnant de sa part.

— Et pourquoi ? lança-t-il avec la plus grande insolence.

Jordan le dévisagea à nouveau. Il ne s’était sûrement pas attendu à ce qu’on lui réponde. Son visage se crispa.

— Parce que j’ai pas envie que ça s’sache. C’est tout.

— Pourtant en général t’es fier de parler de tes plans cul.

— T’as l’air d’être un rigolo toi, espèce de p’tit pédé.

— Bah j’pense juste qu’un mec comme toi ne mérite pas Marion.

Alec n’en croyait pas ses oreilles. Matthieu venait juste de balancer ça… à Jordan ! Il était complètement abasourdi, et il crut sérieusement que Jordan allait lui casser la gueule dans deux secondes. Mais celui-ci garda son calme, et se mit même à aborder un petit sourire en coin.

— Ton pote sait que je suis un mec bien.

Il se retourna alors vers Alec.

C’était clairement du chantage, là. Il était sous pression, et il détestait ça, c’était super désagréable… Il comprit tout de suite qu’il allait devoir obéir et se ranger du côté de Jordan, s’il ne voulait pas s’attirer de problème.

— Euh ouais… bafouilla-t-il alors. On s’est un peu côtoyé pendant l’voyage en Chine, et j’pense que c’est vraiment quelqu’un de… super.

Jordan regarda Alec du coin de l’oeil et son sourire en coin s’étira un peu plus. Matthieu se tut, il avait sûrement compris que quelque chose se passait entre eux deux et qu’il valait mieux se la fermer.

— Bon ! lança Jordan. J’crois qu’on est bon, j’vais vous laisser !

Il se leva alors, rapidement suivi de Marion. Et ils s’éclipsèrent rapidement. Ça avait été court, mais intense.

— Alors ? lança Matthieu.

— Bah j’pense qu’on est bon, on a juste à fermer notre gueule !

— Je parle pas de ça, tu le sais très bien.

Alec fronça les sourcils. Il ne se sentait pas bien, il avait compris que Matt avait décidé de le cuisiner pour obtenir des infos, et il détestait ça…

— Comment ça ?

Même à ses propres oreilles, ça sonnait faux.

— Arrête ton cinéma, et raconte-moi c’qui s'est passé avec Jordan. On a tous les deux très bien entendu ce qu'il a dit.

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