Chapitre 73
— Ah bah enfin, t’es là !
Alec fronça les sourcils.
— Bah… J’suis en avance de 10 minutes, nan ?
— Ouais, sûrement.
Ruben s’écarta pour le laisser entrer. Il y avait déjà un peu de bruit dans la maison, et il reconnut la mère de son copain, ainsi que ses frères et soeurs. Il se souvenait même de leurs prénoms respectifs.
— Bonjour Madame ! fit-il en s’approchant de sa mère.
— Tu m’appelles pas Madame, je t’ai déjà dit !
— Pardon… Joana.
Elle parut satisfaite et passa son bras derrière lui pour le tirer contre elle. Elle avait quand même une sacrée force !
Ils se firent la bise, et Alec alla dire bonjour au reste de la famille. Ruben l’accompagna.
— Ça, tu les connais, c’est mes frères et soeurs.
— Salut ! lança Alec d’un ton joyeux.
Ils arrivèrent ensuite devant une vieille dame qui s’était assise dans un coin, un peu à l’écart des autres. Son visage avait l’air illuminé, elle était en train de sourire à Alec. Ses yeux renfermaient une sorte de… bienveillance, qui le mit tout de suite à l’aise.
— Et elle, tu la connais pas, c’est la mère de Valérie. Elle est au courant pour nous deux.
— Bonjour Madame !
— Bonjour, Alec ! fit-elle tandis que ses lèvres s’étiraient. C’est donc toi qui rend enfin Ruben heureux !
Il répondit à ça par un sourire. Mais sa remarque ne faisait que confirmer le malaise qui régnait dans cette famille. Heureusement que Ruben avait des gens de l’extérieur pour l’aider à se sentir mieux.
— J’la considère comme ma grand-mère, fit le Portugais. Elle est super gentille avec moi !
— J’ai vu ça, elle est adorable !
Ils continuèrent de faire le tour du salon. Il restait une dernière personne, qui semblait avoir entre 40 et 50 ans. Et elle avait l’air beaucoup moins… sympathique, que la mère de Valérie. Elle était toute maigre et elle le regardait de travers. Il sentit tout de suite qu’il y avait quelque chose qui clochait, et ça ne l’étonnerait pas que Ruben soit en conflit avec elle.
— Et elle, là, c’est ma tante Rosa. Quand j’avais 14 ans, elle a demandé à mes parents de m’envoyer en école militaire.
Elle parut tout de suite gênée, et elle se mit à rire bizarrement.
— Ne l’écoute pas, fit-elle en se tournait vers Alec. Il adore blaguer avec moi.
— Grosse menteuse, tu sais très bien que tu l’as dit !
Alec lui fit quand même la bise par politesse, mais il resta froid envers elle et se contenta d’un simple « bonjour » de courtoisie.
— Valérie devrait arriver dans 5 minutes, dit Ruben. C’est elle qui s’occupe des gâteaux.
— D’accord.
La main de Ruben frôla celle d’Alec. Et une petite décharge électrique traversa tout son corps. Il se redressa d’un coup…
— Viens dans ma chambre, en attendant que ça commence… souffla-t-il à son oreille.
Alec se mit à sourire et le regarda avec complicité. Ils s’enfuirent tous les deux sans rien dire, et grimpèrent les escaliers de la maison. Puis ils entrèrent dans la chambre de Ruben, et Alec se jeta sur ses lèvres.
— Joyeux anniversaire, mon bébé !
Alec fut projeté sur le lit. Tout son corps se mit aussitôt à bouillonner d’un mélange de joie et d’excitation. Il ferma les yeux et se laissa emporter par ses sentiments… Il sentit les dents de Ruben s’enfoncer légèrement dans ses lèvres, la douleur n’était pas si désagréable.
— Si tu savais comme tu m’avais manqué, murmura le Portugais.
— Au point de me manger tout cru ?
Ruben arrêta aussitôt de lui mordiller les lèvres, et il éloigna son visage, presque vexé par la remarque de son copain.
— Mais je rigole ! reprit Alec en déposant un tout petit bisou sur sa joue. Tu m’as beaucoup manqué aussi…
Ruben releva les yeux et le regarda. En fait, ses yeux n’étaient pas si noirs que ça. Là, ils étaient d’un marron presque clair. Mais ça devait sûrement dépendre de l’éclairage et de son humeur du moment.
Et là, il sentit la main de Ruben se glisser sous son t-shirt… Le bout de ses doigts effleuraient délicatement sa peau, Alec retint son souffle un instant.
— C’est froid… murmura-t-il en fermant les yeux.
En guise de réponse, son amoureux prit à nouveau possession de ses lèvres, tandis que sa main se plaquait contre son ventre pour le maintenir allongé. Alec avait l’impression de perdre le contrôle, et cette sensation était grisante. Il se faisait emporter par celle-ci et laissait Ruben faire comme il voulait…
Il sentit ensuite leurs lèvres se séparer, mais les baisers de Ruben continuèrent, descendant dans son cou. Une petite décharge électrique parcourut son corps, son souffle s’accéléra et devint plus bruyant, son coeur battait trop vite…
— OOOH RUBEN ! VENHA !
C’était la voix de sa mère. Et elle avait l’air assez fâchée, à en entendre son ton. Ou bien peut-être qu’elle l’avait dit normalement : vu qu’elle gueulait tout le temps, Alec n’avait pas encore réussi à faire la différence entre les moments où elle engueulait son fils et les moments où elle lui parlait normalement.
— Putain, elle casse les couilles ! râla Ruben.
Il se releva d’un coup, visiblement contrarié. Les traits de son visage étaient tirés et son expression s’était assombrie. Alec jugea qu’il était sage de ne rien dire, et que ça passerait avec le temps. Il se leva à son tour et se contenta de lui faire un tout petit bisou sur la joue.
— Je t’aime.
Ruben se retourna, surpris. Il regarda Alec, sans trop savoir quoi faire. Quelques secondes s’écoulèrent, puis une lueur passa dans ses yeux. Il sembla se calmer, son corps se détendit légèrement.
— Je t’aime aussi…
Ils descendirent alors les escaliers pour rejoindre les invités qui se trouvaient en bas, dans le salon. Tout le monde était attablé, et il ne restait que deux chaises vides, côte-côte. Alec fut rassuré de savoir qu’il n’allait pas être séparé de son mec pendant le repas.
— Bon ! lança Ruben. Vous m’avez pris quoi comme cadeau, bande de putes ?
Il reçut une tape sur la tête de la part de sa mère.
— Cala boca ! Les cadeaux, c’est à la fin !
Ruben fronça les sourcils et se mit à la dévisager.
— Bah nan, en fait, c’est mon anniv, c’est moi qui décide quand on ouvre les cadeaux. Et j’décide qu’on les ouvre maintenant.
— Vai-te foder ! Tu vas attendre la fin sagement, et tu restes assis !
— Connasse.
Tout le monde se tut, et fixa Ruben d’un air choqué. Il l’avait dit un peu trop fort, et un peu trop froidement, avec une pointe de mépris. Il leva les yeux au ciel en plissant le front. Ça, c’était son mauvais côté qui resurgissait, et ça n’annonçait rien de bon…
Sa tante se redressa et se racla la gorge.
— T’as vu comment ton fils te parle ? fit-elle. T’as pas honte, irmã ?
Ruben se retourna vers elle et lui lança un regard plein de haine, terriblement sombre. Ses poings se serrèrent…
— On t’a jamais demandé d’ouvrir ta grande gueule, toi. J’sais même pas qui t’a invitée ici !
Alec avait peur que ça pète, il ne savait pas du tout quoi faire, il était coincé là, comme paralysé sur sa chaise. Son regard croisa celui de la mère de Valérie, et elle avait l’air tout aussi désolée que lui…
— Tu me parles mieux, je suis pas ta mère et tu te comportes pas comme tu veux avec moi !
— J’en ai rien à foutre, occupe-toi de ta propre vie, j’crois que t’as déjà assez de problèmes. T’as pas besoin de t’occuper de ceux des autres !
— Mais t’es qu’un sale gosse, toi !
— Je sais, t’es pas la première à m’le dire, t’inquiète pas !
— Quelqu’un veut du gâteau ?
Tout le monde se retourna en direction de la personne qui venait de dire ça, en plein milieu de l’embrouille entre Ruben et sa tante, la seule personne qui avait osé intervenir pour calmer les choses : Alec s’était levé et avait saisi un couteau, pour commencer à découper le gâteau qui se trouvait sur la table. Il avait réussi à trouver le courage d’élever la voix, mais il avait épuisé sa réserve du moment et se contentait de baisser les yeux tout en continuant de faire des parts. Il les mit dans les assiettes en carton que lui tendit la mère de Valérie et les distribua à chacun.
— Moi, j’ai super faim ! s’exclama Ruben, une fois l’effet de surprise retombé.
— Moi aussi ! lança sa tante.
Alec donna la première part à Ruben, en prenant soin d’effleurer sa main lorsqu’il lui passa l’assiette. Et il donna la toute dernière part (plus petite que les autres) à la tante de son copain, sans un sourire.
L’ambiance s’améliora, et il y eut même quelques rires après quelques minutes. Le malaise ambiant disparut progressivement, et tout le monde retrouva la bonne humeur. Alec fut rassuré de tout ça, il avait vraiment eu peur que l’après-midi tourne mal.
— Oh merde, s’exclama soudainement Ruben. On a oublié les bougies !
— C’est pas grave, répondit sa mère. Il y a un deuxième gâteau dans la cuisine. On aura qu’à les mettre dessus.
Elle se leva aussitôt, voyant que toutes les assiettes étaient vides. Et elle ramena quelques secondes plus tard un grand fraisier, et deux bougies plantées dedans : un 1 et un 7.
— Quelqu’un a un briquet ?
Valérie lui en balança un, qui faillit lui atterrir en plein visage. Ruben fut pris d’un fou rire, et Alec dut se retenir de rire à son tour. Elle alluma les bougies et posa le gâteau devant Ruben, puis elle se précipita de l’autre côté de la table et sortit son portable pour pouvoir le prendre en photo.
— Attends avant de souffler ! Fit-elle d’une voix douce. J’me fais un p’tit souvenir.
Ruben resta quelques secondes à fixer ce gâteau, ces bougies et ces petites flammes qui dansaient sur les mèches. Puis sa mère lui leva son pouce en l’air pour lui faire signe que c’était bon.
— Fais un voeu en soufflant ! ajouta-t-elle.
Et là, le regard de Ruben se porta immédiatement sur Alec. Le temps sembla s’arrêter… C’était comme si plus rien de bougeait autour d’eux, l’espace d’une seconde, et qu’ils se retrouvaient juste tous les deux, comme seuls au monde. Un petit sourire s’étira sur le coin de ses lèvres. Et Alec pouvait admirer, dans les yeux de son amoureux, le reflet des petites flammes bougies qui dansaient.
Puis il souffla…
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