C’était une douce soirée d’été, l’une de celles où l’on sait, sans savoir l’expliquer, que tout peut arriver. Cette soirée-là, j'ai rencontré Luna.

Au bord du lac où nous avons fait connaissance, il y avait des festivités. Je ne sais plus ce que l’on fêtait, sûrement le simple fait d’être de là, de se détendre au frais après la grande chaleur de la journée. Les effluves de barbecue et la musique trop forte nous montaient à la tête, alors nous nous sommes éloignés.

Loin de la foule, nous avons discuté de tout et de rien. Elle m’a parlé de sa vie et je lui ai raconté la mienne. Elle avait vingt ans et j’en avais dix-huit. Elle était en vacances et repartait le lendemain, moi je venais d’arriver pour la semaine. Puisque l’on n’avait que cette nuit pour être ensemble, nous en avons profité.

On s’est encore éloigné, on a encore parlé. Elle avait la tête pleine de rêves et je passais ma main dans ses cheveux pendant qu’elle me les contait. Ils étaient roux comme l’était la lune.

Nous sommes restés enlacés pendant des heures, simplement à discuter. Plus on se découvrait et plus on s’aimait. Pourtant, nous savions tous les deux que nous nous quitterions à l’aube.

Bien sûr, nous aurions pu échanger nos numéros, mais elle ne voulait qu’une aventure. Elle ne m’a même pas donné son nom, je me contentais de l'appeler Luna. C’était ses conditions et je les avais acceptées dès le début.

Au milieu de la nuit, nous sommes revenus au cœur de la fête pour participer au bal. La musique était mauvaise et elle se moquait car je dansais mal, mais cela a été un moment merveilleux.

Nous sommes repartis quand la fête fut finie, avec une bouteille de rhum et l’envie de continuer. Une fois seuls, elle mit de la musique sur mon téléphone et nous avons commencé une valse. Elle m’enseignait les pas et je tâchais de ne pas lui écraser les pieds. Nous avons fini couchés dans l’herbe, hilares et épuisés.

Étendus côte à côte, nous avons regardé les étoiles en leur inventant des noms et des histoires. Elle m’a appris à repérer quelques constellations. Je m'efforçais de les garder en mémoire. Une heure passa durant laquelle nous avons partagé la bouteille. Mon téléphone tomba à cours de batterie, mettant fin à la musique.

Nous sommes restés immobiles, à regarder le ciel, dans le silence seulement troublé par les petits animaux aux alentours. La lune nous nimbait de ses rayons orangés et donnait un air irréel à Luna. Elle a remarqué que je la regardais, ça l’a fait rire puis elle m’a embrassé. L’alcool aidant, on s’est encore rapprochés. Nous avons échangé des caresses enfiévrées qui se firent plus aventureuses à mesure que nos vêtements tombaient au sol. Nous fûmes vite dénudés. Elle était couchée sur moi, ses lèvres toujours collées aux miennes. Ses cheveux caressaient mes joues. Ses courbes éclipsaient la lune, ne laissant que quelques rayons d’un roux foncé contourner parfois l’obscurité d’un sein. L’odeur de nos transpirations se mêlaient en une fragrance presque animale qui laissait néanmoins apparaître les effluves florales de son parfum. Ses hanches entamèrent un mouvement régulier que je me mis à suivre également. Nous bougions en rythme, en une nouvelle danse qu’elle n’avait pas besoin de m’apprendre, car je savais à chaque instant ce qu’elle attendait de moi. À ce moment, nous n’étions qu’une seule et même personne. Nous étions ce feu que Prométhée vola aux dieux. Mes mains glissaient sur la peau douce de Luna, sur son dos et sa poitrine. Le poids de son corps ne me gênait pas, au contraire il comblait un vide dont je ne prenais conscience que maintenant. Nous avons fini allongés côte à côte, dans le silence auquel nos ébats avaient mit fin.

Nous sommes restés ainsi, sans se parler ni bouger, sentant les courants d’air rafraîchir notre chair encore brûlante et nos cœurs qui battaient à l’unisson. Lorsqu’elle eut froid, Luna se lova contre moi. Je la serrai dans mes bras et nous nous sommes endormis là.

Je fus réveillé par le soleil, quelques heures plus tard.

Nulle trace, dans le ciel, de la lune rousse de la veille. Nulle trace, près de moi, de Luna.

On s’est aimés, le temps d’une nuit. C’était de ces amours qui se savent éphémères et n’en brûlent que plus intensément ; celles qui se consument le lendemain, mais laissent à jamais des souvenirs ardents.

C’était il y a seize ans. Je n’ai jamais revu Luna. Respectant sa volonté, je ne l’ai pas cherchée. Le temps a émoussé le souvenir de son visage, mais je retiens son rire et cette nuit merveilleuse. Je l’aime toujours aujourd’hui et je continue, chaque été, de me rendre au bord de ce lac en sachant très bien que je ne l'y trouverais pas.

J’ai rencontré Luna, un soir d’été.

On a parlé, enlacés, on s’est aimés.

Sous les étoiles qui scintillaient,

Elle m’a accordé une danse.

Et quand le soleil s’est levé,

Elle a tiré sa révérence.