Coisirophobie
Je m'appelle Max, j'ai vingt-six ans et je vis reclus depuis déjà huit longues années. Je suis atteint d'un syndrome très particulier : la coisirophobie. C'est un psychiatre qui m'a diagnostiqué cette cochonnerie, ça consiste à ne pas pouvoir choisir. Avec cette pathologie, autant vous dire que mes journées, c'est de la merde en barres.
Aujourd'hui je me lève, mais dois-je mettre le pied gauche ou le pied droit en premier sur le sol ? Si je mets le gauche, est-ce que le monde ne va pas s'écrouler ? Si je mets le droit, est-ce que ma mère ne subira pas une attaque cérébrale dans l'heure ? C'est un calvaire. J'ai toujours ma pièce pour tirer à pile-ou-face lorsque je suis bloqué. Mais est-ce que je dois la lancer ? Imaginons qu'elle retombe sur la tranche, ce serait peut-être la fin de la civilisation ! Et si, en voulant l'attrapper, je mets un pied à terre ? Bon sang, c'est tellement dur. Je crois que je vais rester allongé. Mais est-ce là une bonne idée ? Si je reste dans le lit, je ne vais pas pouvoir manger et je vais finir par mourir de faim.
Heureusement, le professeur Von Postish, savant émérite et doctorant en sciences développemento-comportementales a mis au point un outil très pratique. Il s'agit d'une application sur tablette qui me dit ce que je dois faire. Au départ, nous nous sommes vite apperçus que ce n'était pas au point. En effet, je n'arrivais pas à me décider pour savoir s'il fallait que je l'allume ou non. Le médecin a donc décidé de tout m'imposer. Ma vie est réglée comme du papier à musique, dans les moindres détails, de la couleur de mes chaussettes au nombre de feuilles de papier toilette que je dois utiliser après avoir posé une brique.
Ce matin, l'application m'indique de me lever du pied droit et de m'habiller, tout en égrénant la liste des vêtements que je dois porter. Je vais ensuite dans la salle de bain sur indication. Mais là, la machine s'enraye. Je suis face au robinet. Dois-je tourner l'eau chaude ? L'eau froide ? Dois-je prendre le savon liquide ou le pain de savon de Marseille ? La tablette m'indique d'utiliser le dentifrice. Ce n'est pas très pratique et c'est gras. J'en ai plein les mains. Lorsqu'elle me demande de rincer, cela prend beaucoup de temps. Je n'ai pas encore fini qu'elle me dit de prendre mon peigne. Un arrêt surprise, encore. Que faire ? J'ai le peigne dans la main, mais est-ce qu'il faut que je m'en serve ? Et comment faire ? Un raie au milieu ? À gauche ? À droite ? Enfin, le système répond à nouveau.
- Frottez-vous vigoureusement l'arrière-train.
Avec un peigne ? C'est surprenant mais je m'exécute. C'est douloureux et je ne vois pas bien l'intérêt. Nouvelles sensations, c'est certain, mais efficacité à prouver. Voilà l'engin qui plante encore une fois. Je suis face à un choix cornélien : mon petit-déjeuner. Devant moi s'étalent tout un tas de produits dans mon placard. Céréales ? Chocolat ? Confiture ? Pain ? Fruit ? Je suis perdu sans mon application. J'attends, debout, comme un idiot, planté dans ma cuisine, comme si la vie s'était subitement arrêtée. Reprise de la connexion.
- Sortez la poubelle, prenez-là dans la main droite, nouez-la avec la ficelle et jetez-là dans le container vert à l'extérieur de la résidence. Pour vous y rendre, marchez jusqu'à votre porte d'entrée, tournez la poignée vers la gauche de la main gauche, tirez la porte vers vous, sortez, refermez, n'oubliez pas vos clés.
Trop tard, elles sont à l'intérieur. Que faire ? Je suis enfermé sur le pallier avec ma poubelle à la main. La tablette s'enraye et me donne de nouvelles consignes mais je suis totalement perdu. Ma jolie voisine sort de son appartement et me voit devant le mien, figé, l'air ahuri et complètement hébété. Est-ce que je dois la regarder ? Je ne bouge pas, ma respiration s'emballe, j'ai des sueurs froides, mon pouls s'accélère, je crois que je vais mourir. Mais, est-ce que je peux mourir ici ? Elle s'approche de moi, visiblement inquiète. Je ne sais pas quoi faire, c'est une torture.
- Bonjour, vous êtes nouveau ?
Est-ce que je dois lui répondre ? Je ne sais pas quoi faire. Que dire ? Bonjour ? Salut ? Wesh ? Elle m'observe fixement. Elle semble attendre. La tablette se met à parler de nouveau :
- Baissez votre pantalon et sortez votre appendice.
Merde c'est quoi cette connerie ? Oh putain, elle a l'air fâchée.
- Tenez-le de ma main droite pour un meilleur contrôle.
Mais stop putain !!! Je ne sais pas quoi faire. Est-ce que je tape la tablette ? Est-ce que je tape la voisine avec la tablette ? Est-ce que je sors mon engin ? Auquel cas je dois lâcher la poubelle dans le couloir. Elle s'approche de moi, l'air fâchée.
- Vous avez un problème ? Lâche-t-elle d'un ton agressif.
Elle me met un grand coup de pied entre les cuisses. Je tombe à terre, inanimé.
Je me suis réveillé quelques heures plus tard dans une ambulance. Je n'ai pas choisi de le faire, un pompier m'a forcé en me mettant des grandes gifles. Apparemment, je suis sous valium, j'aurais fait une crise d'angoisse massive. On va me conduire dans un endroit où je vais pouvoir me reposer. Ça m'étonnerait.
Quand je vous disais que ma vie, c'était de la merde en barres...
Table des matières
En réponse au défi
Surtout, ne pas choisir !
Hell'o !
Pour ce défi, il vous faudra conter l'histoire d'une personne qui déteste prendre des décisions. Qu'il s'agisse de choisir ce qu'elle prend pour les courses, ses loisirs, ou même de décider de rompre parce que rien ne va plus, le personnage ne veut en aucun cas décider ou choisir !
La forme est libre, et si ça manque de clareté n'hésitez pas à poser vos questions.
Commentaires & Discussions
L'impossible décision | Chapitre | 16 messages | 4 ans |
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