Chrysalide
Ça caille... Il est presque 4 heures, faut que j'me grouille sinon il partira sans moi ! Je refuse de le laisser partir sans moi ! J'en ai marre d'être... Ce que je suis, être inoffensif, ces gars, c'est tous des monstres, Eikichi, Akio, Akira, Haru, ils sont tous absolument incroyable. Moi aussi, je veux être comme eux, s'ils y arrivent, alors moi aussi, pas vrai ? Ou je suis trop arrogant en pensant ça ? Peut-être que je suis trop orgueilleux en me disant que je peux devenir comme eux, comme ces gars, est-ce que j'ai vraiment la force de les suivre ? Jusqu'à présent, j'ai toujours été moyen, un dix sur vingt, maximum. J'ai trop de gras, je ne suis pas particulièrement fort, je passe mes journées devant mon ordinateur, et quand je me suis dit " Malgré tout ça, en étant gentil, et drôle, les gens t'aimerons ! ", je me suis tellement trompé... Même Musashi, mon seul ami, il traîne avec moi parce qu'il est seul lui aussi, quand on est ensemble, on n'est pas deux potes, on est juste seul, à deux. C'est déprimant.
D'un autre côté, ces gars sont absolument fous, eux et moi, on est dans deux mondes complètement différents... Ils vivent dans la lumière du soleil, et Eikichi, est devenu la lumière ici, depuis qu'il est arrivé, le lycée est tellement plus... Vivant... J'aimerais tellement être comme eux. Le simple fait que je sois en train de me plaindre montre que je ne suis pas à la hauteur...
Malgré tout ça, hier, ils m'ont fait confiance, j'ai pu jouer avec eux, Haru m'a montré comment être un bon centre, et aujourd'hui, Eikichi m'attends au parc pour courir. C'est incroyable la pression que ça me met, mais d'un autre côté, c'est agréable de se dire que quelqu'un croit en toi, surtout quelqu'un comme ça. Tout le monde admire les sportifs pour leurs exploits, le travail qu'ils fournissent, et les efforts qu'ils ont faits, et je ne déroge pas à la règle. Alors quand un de ces sportifs qu'on admire nous propose d'aller faire du sport avec lui, même quand on est quelqu'un comme moi, on est obligé d'accepter.
Et comme prévus, il est quatre heures du matin, et il m'attend devant le toboggan du parc, tout sourire, manifestent content de me voir.
- Ah le voilà, j'savais qu't'allais venir ! T'es prêt à souffrir ?
- Je... Suppose ?
Il est mort de rire puis après m'avoir donné une tape dans le dos, le voilà parti devant.
- Aller ! On n'a pas l'temps !
Et je le suis... Enfin, essaye. Comment il fait pour faire ça tous les jours ?
Cela fait à peine quelques minutes qu'on court, et je suis déjà à bout de souffle, et lui, il est une quinzaine de mètres devant moi, je vois qu'il se retient pour ne pas me laisser trop derrière, et malgré tout, il est devant. J'ai mal... Je veux rentrer à la maison... C'était une connerie... Mon lit et mon ordinateur me manquent... J'ai été trop présomptueux.
Hum ? Pourquoi le monde tourne ? Un caillou ? La terre est basse... La poussière n'a pas un goût terrible... Je saigne, j'ai mal... Pourquoi il me sourit ? Il continue de courir ? Heh, je dois être un poids mort pour lui... Il doit penser que je n'arriverais jamais à le suivre de toute façons... Il me sourit, et me fait signe de le suivre... Il se moque de moi. À moins que ça ne soit autre chose ? Ce serait encore plus vexant s'il s'arrêtait de courir pour m'attendre... Il doit le savoir. C'est sûr. S'il ne m'attend pas, c'est pour ne pas me blesser... Oui, le ralentir serait plus douloureux que mes coudes et genoux en sang...
Relève-toi Haku, même si ça fait mal. Par respect pour ceux qui bossent plus que toi.
Ça fait deux heures qu'on court, il est déjà six heures du matin... J'en peux plus, j'ai l'impression que je vais mourir... Comment ils font pour s'entraîner comme ça ? Et j'ai cru comprendre que les filles aussi faisaient du sport à ce niveau... Ils ne sont pas humains, ce sont de vrais monstres. Et ces monstres m'ont accepté parmi eux, je dois avoir au moins une petite chance d'en faire partie, pas vrai ?
- Viens t'asseoir Haku ! On va s'occuper de désinfecter tes éraflures !
Et c'est quand il dit qu'il s'arrête enfin de courir, il rigole en me voyant arriver lentement, traînant un peu les pieds, et le souffle court... J'en peux plus...
- Tu t'es donné mon pote ! Bien joué !
Hum ? Pourquoi il me félicite ? J'étais des mètres derrière lui, je l'ai ralenti, et je n'ai pas arrêté de me casser la gueule.
- C'est pas simple de se lever aussi tôt hein ? Surtout pour aller courir. Mais tu m'as impressionné, tu t'es cassé la gueule des dizaines de fois, et à chaque fois, tu t'es relevé, le goudron se souviendra de ton poids et de ton sang, tu peux être fier ! Tu dois être fier !
- Eikichi ? Tu crois que ce genre de choses me rendront plus heureux dans le futur ? Si je perds du poids, etc., tu penses que je pourrais être plus heureux ?
Il a l'air confus, il ne semble pas comprendre ce que je veux dire, puis, il explose à nouveau de rire.
- T'as rien compris mec ! C'est pas le sport qui te rendra heureux, courir ne me rend pas heureux. Être en forme ne me rend pas heureux.
Hein ? Maintenant, c'est moi qui ne comprends rien, pourquoi il s'inflige ça alors si ça ne le rend pas heureux ?
- Alors pourquoi ? Ça fait mal, et toi qui fais ça tous les jours, tu dois avoir des crampes de partout ! Pourquoi tu t'infliges ce genre de trucs si ça ne te rend pas heureux ?
- Ce qui me rend heureux c'est pas d'être bien foutu, ou de pas faire cent-cinquante kilos. Ce qui me rend heureux, c'est de pouvoir faire tout ce que je veux, parce que j'ai fait des efforts. C'est quand je gagne sur le ring, ou sur le terrain que je suis heureux, et l'exercice, c'est juste un moyen d'y arriver. Quand tu prends la voiture, et que tu fais huit heures de route pour aller à Suma , tu es heureux parce que tu es à Suma, pas parce que tu as fait huit heures de route. Le sport, c'est pareil. Je déchire tout sur le ring, et sur le terrain, parce que je me bouge, et dans la vie de tous les jours ça aide aussi. Avec du sport, tu améliores ton cardio et pour les hommes, ça aide à produire plus de testostérone, et avec ça, des muscles, et ça développe ta virilité, et avec tout ça, tu fais plus facilement crier les filles, si tu vois c'que j'veux dire. Dans la vie y a deux manières de faire : la facile, pas satisfaisante, et qui t'amène des résultats moyens, qui font de toi un dix sur vingt. Et la difficile, elle fait mal, tu te casses la gueule, et les résultats sont long à arriver, mais à la fin, tu es la manière version de toi-même, un vingt-cinq sur vingt. Après à toi de choisir laquelle tu préfères. A entrainement difficile, guerre facile.
- Ok, je suis remonté à bloc ! C'est parti !
Et sur ça, me revoilà partis, une flamme dans le cœur et des étoiles dans les yeux, hurlant à travers la ville, à fond, son discours m'a reboosté ! J'ai mal ! Et je continuerais d'avoir mal ! Je chérirais cette douleur pour la vaincre ! C'est parti !
- HAKU REGARDE DEVANT TOI PUTAIN !
Hein ?
BONG !
Un panneau de signalisation... Mon nez...
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