Oniwaka
- Alors ? Ce nouveau ? Vous en pensez quoi ? Himiko m'a raconté que sur le ring, il avait les cotes pétées quand il m'a battu, c'est un démon ce gars.
Le lendemain du match, Akio, son frère et leurs compères s'étaient retrouvés sur le toit du lycée comme ils en avaient l'habitude. Cependant, aujourd'hui, la discussion n'était pas du même acabit.
- Un démon... C'est peu de le dire.
Il était rare d'entendre la voix d'Hinata. Le garçon avait toujours été silencieux, un peu taciturne sur les bords, il écoutait plus facilement qu'il ne s'exprimait. L'entendre créa la surprise parmi le groupe, d'autant qu'il semblait savoir des choses sur le nouveau venu.
- Qu'est-ce que t'entends par là ? Tu le connais ?
- Ça t'étonne ? Moi c'qui m'surprends, c'est que toi, tu ne le connaisses pas.
Akio était perplexe, le nouveau n'était pourtant pas une célébrité, il semblait être un parfait inconnu.
- Tu connais la légende de Saito Musashibo Benkei ?
Bien sûr qu'il la connaissait, cette légende est l'une des plus répandues du Japon, possiblement plus encore que celle de la Princesse Kaguya. Ce qu'il ne comprenait pas, était le rapport avec le nouveau venu.
- Le nouveau a été surnommé Oniwaka Benkei, il y a deux ans, alors qu'il avait que quinze ans, il a bl-
Une porte s'ouvre dans un grand fracas derrière eux et s'en échappe une voix féminine.
- Alors les gars qu'est-ce que vous êtes encore en train de manigancer ici ?!
- Himiko ?! T'es pas avec ton copain ?
Cette appellation fit rougir Himiko, qui ne démentit en revanche pas. Elle se contentait de se tortiller de droite à gauche en riant bêtement.
- Heeinn ? Mon copain ? Eikichi ? Nooon, ça n'a rien à voir ! Mais si c'est l'impression qu'on donne... Olalala, les rumeurs, c'est qu'on doit vraiment être proche ! Peut-être que je devrais lui laisser sa chance ?
Chaque garçon présent affichait des mines défaites, il était aisé de lire dans le regard de la demoiselle, la pauvre Himiko n'avait jamais été bonne actrice... Ils se souvinrent tous de la pièce de fin de collège dans laquelle elle jouait le premier rôle...
- Bref ! De quoi tu parles ?
Reprenant son sérieux, Hinata continua son histoire.
" C'était il y a deux ans. J'en ai entendu parler par des gars qui traînaient avec des Bosozoku, cette histoire a fait le tour de la région. On m'a dit que pendant qu'alors qu'il était parti avec son frère et son père au château Iwakuni pour une visite religieuse, le Kudo se faisait chier, et que pour passer le temps, il a décidé de se lancer un défi. Durant toute la semaine ou ses parents étaient occupé avec leurs affaires, lui, se positionna au centre du Kintai Kyo et aurait bloqué le passage à tous les hommes qui souhaiteraient accéder au mont Yokohama, et donc, au château d'Iwakuni. Les femmes et les enfants pouvaient passer sans problème, mais pendant une semaine, pas un seul homme n'aurait traversé le pont. C'en est arrivé au point ou les gangs de Bosozoku de la région auraient relevé le défi, et les uns après les autres auraient fini par boire la tasse de la Nishiki-Gawa juste en dessous. On raconte qu'il avait décapité la statue d'un lion de pierre avec une seule droite. Ce type est pas un humain, Akio. C'est un Oni. Depuis, ils se sont mis à le surnommer de plein de manières : Benkei sans Miyamoto, Oniwaka, et j'en passe, un pote pour la blague, l'avait surnommé le Carcajou d'Ise. Si tu veux mon avis, vaut mieux s'en faire un pote qu'un ennemi. "
Cette histoire, loin d'effrayer Akio, fit bouillir le sang dans ses veines, il avait affronté un tel animal, et même s'il avait perdu, l'avait blessé.
Brisant le silence installé par cette histoire, le bruit d'une gifle se fit entendre, la joue d'Hinata pris rapidement une teinte rosée, et devant lui, Himiko était rouge de colère.
- Eikichi est pas un monstre ! Tu n'sais rien à rien ! La ferme !
Il n'était pas rare de la voir sautée dans tous les sens, et des scènes de caprices ou de légères colères étaient fréquentes. Mais à chaque fois, ils pouvaient lire de l'amusement dans les yeux de la fille connue pour sa joie, pas cette fois. Himiko avait été blessée par ces accusations.
- Les Oni font du mal ! Ils dévorent les enfants et tuent les gens ! Eikichi est pas comme ça ! C'est un gentil garçon ! Tu sais rien de lui !
Alors qu'elle se retournait pour se préparer à partir, la porte s'ouvra, et devant elle, se dessinait le fameux sujet de la conversation. Levant la main, souriant, il ne laissa sortir qu'un simple " Yo !! ".
- Eikichi ?! Qu'est-ce que tu fais là ?!
- J'aime bien me poser sur le toit, on voit bien les nuages, c'est sympa, et d'en haut, les gens ont l'air d'être des fourmis... C'est rigolo, on dirait que si on jette du sucres, ils sont prêts à se ruer dessus, ça m'fait marrer... Tiens, c'est l'gars d'la dernière fois, Akio, c'est ça ? Ça va mieux ton crâne ?
Les uns comme les autres ne savaient que répondre, cette apparition était non seulement inattendue, mais ils ne s'attendaient pas à ce qu'ils n'engage la conversation de manière aussi joviale.
- Et ben, sacré ambiance, on croirait que vous veillez un mort ! Bon, j'vous laisse du coup, j'me fais chier.
À son tour, Eikichi leur tourna le dos, et sifflotant, il prit la direction des escaliers.
- Stop ! Tu viens t'asseoir ? Faut qu'tu m'montres comment tu fais pour cogner aussi fort, dit Akio en soupirant.
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