Eikichi, qu'est-ce que tu nous fais ? Ou est ta gar... Un Sonkyo ? Pourquoi ? Depuis quand tu fais du Sumo ? Dans cette position, tout recroquevillé, il a l'air encore plus large que d'habitude. Mais même lui, même Eikichi, semble n'être rien d'autre qu'un insecte, face à la montagne devant lui. J'ai toujours pensé que notre ami était un monstre, une créature sortit d'une ancienne légende, il a la force, la témérité, et l'endurance pour soutenir cette idée. Mais si lui est un monstre, alors ce type, c'est Yamata no Orochi, je ne vois aucune autre hypothèse. Mon vieux, cette fois, t'as aucune chance.

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Ce gosse, avec son physique, il veut me faire croire qu'il fait du Sumo ? Je dois avouer que sa posture est parfaite, il est bas, étant plus petit que moi, s'il tente une charge, il sera à son avantage. En revanche, petit, ça ne suffira jamais à me toucher.

- Rentre chez toi, tu n'as aucune chance.

Il ne répond pas ? Étrange, je me serais attendu à ce que ce petit soit du genre à répondre à la provocation. Je me serais trompé ? Il est parfaitement concentré. Si un regard pouvait tuer, je serais déjà mort. Enfin, un autre serait mort. Ce gamin est dangereux.

- Allez, approche.

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Contrairement à son habitude, Eikichi avait adopté une posture particulièrement basse. Ses deux pieds étaient solidement ancrés dans le sol. Au moment où son deuxième poing vint effleurer la poussière, la charge fut lancée. L'impact était monstrueux. Pourtant, malgré toute sa force, Eikichi ne fit pas bouger le bonze. Ses deux pieds, semblables à des troncs d'arbres restaient profondément enraciné dans la terre. Le garçon se sentait ridicule face à la montagne devant lui. L'homme atteignait aisément les deux mètres, et son corps semblé avoir été forgé dans les flammes de Kagu-Tsuchi lui-même. Même la puissance du jeune garçon ne suffisait pas à le faire bouger d'un pouce. Eikichi était tout bonnement impuissant face à ce monolithe. Il avait beau poussé de toutes ses forces, se démener comme un diable, rien n'y faisait. Par le passé, il n'avait jamais connu de tel obstacle, lui que tous comparaient à un Oni, à un héro de folklore, connaissait pour la première fois un mur immuable. Il y a peu, il avait connu sa première humiliation, contre Vincent, la preuve de son immaturité sur le plan technique, malgré tout, il restait convaincu d'être puissant. Quelle erreur de sa part. Son adversaire le surclassait largement. L'homme dégageait une telle aura de force, que dans le dos d'Eikichi coula lentement une sueur froide qui le fit frissonner. Aucun adversaire jusqu'à présent ne lui avait fait ressentir une telle pression. Il avait bien du mal à trouver une solution à son problème, et il ne pouvait se permettre de s'incliner. Pas ici, pas maintenant.

Les choses ne s'arrangèrent pas quand, fatigué par l'obstination du garçon, l'homme vint écraser son immense main contre le visage d'Eikichi. Le monde était devenu noir autour de lui. Lâchant sa prise, il titubait en reculant.

" Le soleil s'est éteint ? Ou j'suis ? " Pensa-til alors qu'il se démenait pour comprendre ce qui s'était passé. Si son corps n'était pas aussi têtu, le goût de la poussière serait déjà sur sa langue. Le monde tournait, il était sombre et silencieux, comme au cœur du plus profond des abysses. Tous ses repères avaient disparu, il ignorait même s'il était encore en vie. Sa respiration lui était à peine perceptible, il était incapable de l'entendre. La seule chose qui lui permettait d'affirmer qu'il n'était pas mort, était la douleur sourde causée par le Harite de l'homme.

Malgré la douleur, comme une main venant lui faire sortir la tête de l'eau. La voix d'Haru se fit entendre.

- Eikichi arrête de réfléchir ! Tu sais pas le faire !

Ce commentaire amusa et énerva Eikichi, " il me prend pour un débile ?! ", pensa-t'il.

- Tu vas voir toi ! Je m'occupe du gros et je viens te péter la gueule !

Malgré tout, force est de constater que ce commentaire fut efficace. Oubliant la peur, il se jeta dans la bataille. Il n'ignorait pas qu'il ne pouvait le vaincre, mais il ne perdait rien à essayer.

D'un saut, Eikichi s'éloigna de son adversaire, il l'observait de haut en bas, cherchant une faille. Aucune, il n'y avait pas la moindre faille dans sa défense.

" Qu'importe ", pensa Eikichi.

Dans une nouvelle charge, il vint écraser son front contre le torse de l'adversaire. Faisant cela, il s'assura une prise solide sur la ceinture de celui-ci. Bloqué, le bonze ne pouvait que se débattre et frapper le dos du pauvre garçon qui subissait. Eikichi serrait les dents, il savait très bien qu'il avait là, le seul moyen de défaire son adversaire. Prit sous les assauts puissants du géant, le temps paraissait longs, et il devait absolument gagner du temps, attendre le moment parfait pour briser sa défense. Pour lui qui avait l'habitude de frapper, les prises étaient un monde nouveau. Son manque d'expérience serait un obstacle, il le savait, mais il fallait essayer. Ainsi, alors que le moine leva son bras droit, il se lança.

- Qu'est-ce qu'il fait ce con ? !

Haru connaissait très bien cette prise. C'était un classique de la lutte. L'une des premières qu'on apprend en général.

Gardant fermement la ceinture de son adversaire en main, Eikichi se retourna et lui fit dos. Dans sa rotation, il emporta le géant avec lui. Balayant sa jambe droite, il le déséquilibra et enfin, le voilà devant lui, au sol. L'un comme l'autre n'en revenaient pas. Eikichi avait remporté son pari. Mieux, il ne s'était pas contenté d'atteindre son adversaire, il l'avait écrasé au sol.

- Un migi-shitatenage, ce fumier, depuis quand il fait du Sumo ?

Sous leurs yeux, leur ami semblait transcendé, la boxe ne lui avait pas appris ce genre de choses, et par le passé, Eikichi n'avait pratiqué le Sumo qu'une seule fois, pour s'amuser. Et le voilà qui emploie une prise de ce même sport, avec une maîtrise déconcertante.

- De quoi t'es fait mec ?

- Euh... Haru, c'est quoi ce truc que nous a sorti Eikichi ?

- Un Migi-Shitatenage, une brise de base du Sumo, avec une prise intérieur sur le mawashi de l'adversaire, tu tires vers le bas en tournant vers l'extérieur. L'une des plus communes, mais ça demande quand même de s'entraîner. Je pige pas comment cet enfoiré a sorti un truc comme ça.

Le bonze, le sourire aux lèvres, explosa de rire. Un rire sinistre et puissant qui résonnait parmi les arbres.

- Splendide ! Vincent ou as-tu trouver ce gosse ? ! Il a du potentiel ! Ça faisait des années qu'on ne m'avait pas fait toucher le sol !

L'homme se releva lentement, perdu dans son rire. Eikichi était à bout de souffle, mais il avait remporté son pari.
Reprenant son souffle, Eikichi se tourna lentement vers Haru, puis d'un bond vint lui écraser le poing sur le haut du crâne.

- Comme ça, j'suis débile enfoiré ? !