Les copains d'abord

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- Alors voilà leur premier prototype... Ça t'aurait fait chier de ne pas complètement le démolir ? Ma petite Chinatsu va bien galérer avec tes conneries. Regarde-moi ça... Le gars à le nez complètement enfoncé dans le crâne...

Mon Cher Eikichi, tu as bien changé. Ce matin où je t'ai rencontré dans un hangar reconverti en arène clandestine, je l'ai vu dans ton regard. La faim, la soif de liberté, de grandeur. Quelle ironie pour quelqu'un comme toi. Qu'importe la vitesse à laquelle tu cours, au final, que ce soit tes amis ou ton frère, tu portes toujours ta propre prison sur le dos. Je me demande bien si un jour tes jambes auront la force nécessaire pour les laissés derrière. Jusqu'à présent, j'avais du mal à saisir l'intérêt que les autres te prêtent, en dehors de ta force, tu me semblais... Monochrome. Un gentil, juste gentil, un garçon qui s'inquiète des autres, un vrai personnage de manga pour adolescent. Quel plaisir de voir que je m'étais trompé.

- Rien à foutre, qu'elle s'occupe de sa puce, le cerveau doit être intact, j'fais pas ça pour toi, j'le fais pour retrouver Kentaro. Le reste, c'est pas mon problème.

Une réponse parfaite pour un gars comme toi. Tu m'inspires gamin. Je veux voir la mélancolie dans ton regard quand tu es seul, et la rage quand tu te bats. C'est de ça dont a besoin ton frère pour réaliser son rêve. Et c'est de ça dont j'ai besoin, pour l'aider à le faire. Mon grand, tu cherches à être libre, mais tu cours vers les responsabilités, ce qu'il te faut, c'est la solitude. Le prix de la plus grande des libertés, se séparer de tes liens. Je ferais de toi une machine au service de la cause de Mr Kentaro. Son rêve est de voir son pays survivre aux prochains troubles, le mien, est de voir son rêve se réaliser. Et tu seras la tête de proue de nos opérations. À chaque nouvelle mission auxquelles tu prendras part, je te ferais plonger plus profondément dans les enfers, jusqu'à ce qui en sorte ne soit rien d'autre qu'un démon, qu'une arme.

- Tu n'es pas facile à gérer comme garçon... Enfin, je te pique ce crâne, je te contacterais quand on aura des infos.

L'air Tokyoïte, il est aussi agréable que celui de ma vieille Paris... L'odeur de la ville, des milliers de senteurs qui se mélangent dans un cocktail nauséabond, il n'y a rien à rattraper ici, vraiment. Je n'ai jamais été un grand amoureux de la ville, ma campagne du Sud de la France me manque. Vincent espèce de vieux sentimental, tu n'es plus en France, tu n'es même plus réellement un Français. Ton pays t'a abandonné, aujourd'hui, tout ce qui compte, c'est de protéger ce pays. De protéger le rêve de ton ami. Et s'il faut pour cela se servir de son petit frère, qu'il en soit ainsi.

" Je fais tout ça pour m'assurer qu'Eikichi puisse vivre dans un pays qui ne tente pas de le réduire à l'esclavage, je veux voir mon petit frère libre. Le reste m'importe vraiment peu. Il est tout ce qui me reste de ma mère, ma dernière famille, il est hors de question que le pays où il vit, qu'il aime, finisse comme ceux de l'Europe. "

Kenta, mon vieux, je suis désolé. Mais tu es trop idéaliste. Tu sembles pensais que ton rêve ne nécessite que peu de sacrifice, que tu peux sauver ceux que tu aimes. Malheureusement, ce sont toujours ces sacrifices-là qui sont les importants. Si tu n'as pas la volonté de sacrifier ceux que tu aimes le plus, comment peux-tu être sûr que tu as la force d'accomplir ce rêve ? Isolé toute une nation, appuyer sur le bouton reset, si je ne suis pas trop mauvais en math, le Japon devrait perdre environ quatre-vingts millions de vies. Le Japon compte plus de trente-six millions de personnes au-dessus de soixante ans, cela fait déjà la moitié, je doute que les Hikikomori survivent également aux changements que tu prévois, les salarymen non plus ne tiendrons pas le coup. Sur cent-vingt-six millions de personnes, plus de quatre-vingt millions perdront la vie. Ça en fait de la place. Et avant cela, il nous faut déjà investir le gouvernement, faire fermer les usines nucléaires pour nous assurer qu'une fois le personnel disparu, elles ne causent pas de problème... Du nucléaire laissé à l'abandon, ça fait du dégât. Il y aura tellement, tellement de perte humaine. Pour porter le blâme de tout cela, il faudra un martyr. Un homme seul, libre.

Pas toi.

Ensemble, mon ami, nous bâtirons ce pays qui te fait rêver, mais pour cela, je dois m'assurer que ton petit frère soit capable de porter la responsabilité de tes actes. Après tout, tu fais ça pour lui, non ? Il est bien naturel qu'il soit celui qui porte le blâme.
Regardez-moi cette tronche... Il ne l'a vraiment pas raté. Ce gosse est en bonne route, ce regard, cette férocité, démolir un type avec aussi peu de retenue, c'est assez beau. Mais ce n'est pas ass-
" Non, ce n'était pas le radeau, de la méduse ce bateau. "
Qui m'appelle ?
- Allo ? Qui est à l'appareil ?
- Vincent ? C'est Himiko. Je reprends du service, t'as une cible pour moi ?
Hum, ça, c'est une surprise. Pourquoi maintenant ? Je pensais qu'elle avait complètement abandonné. C'est bizarre cette histoire, il y a un truc qui cloche.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive tout d'un coup ? Pourquoi ce changement ?
Elle nous a quitté sans rien dire, un simple " j'arrête ", pas plus d'informations, et Eikichi refusait d'en parler. Ça ne me dit rien de bon.
- Ça ne te regarde pas, tu as une cible ?
Ceci dit, elle n'a pas beaucoup changé elle, toujours aussi agressive. Elle ne m'aime pas beaucoup, je crois.
- Bien, rejoins moi à Akihabara, au même bar que d'habitude, j'ai un truc à te montrer, et une possible mission pour toi.
Je dois la tenir éloignée d'Eikichi. Elle, et les autres, personne ne doit le côtoyer, il doit être seul, je dois continuer d'agiter Kentaro devant lui comme une récompense.
- Ça me va, a tout de suite.
Sois malin Vincent, deux armes valent mieux qu'une. Et avec ce morceau de preuve, je dois pouvoir jouer avec elle, ce crâne pourrait être plus utile que je ne le pensais. Cette gamine est trop zélée pour son propre bien.
Direction Akihabara, le quartier des excentriques. Là bas, un type qui porte une tête à moitié cybernetique, et qui parle de buter des gens, ça aura l'air d'être simplement un jeu de role, il suffit de se faire passer pour des cosplayers. Et puis j'ai bien envie de prendre un cappuccino dans mon maid café favoris servi par Madame Aya... Qu'est-ce qu'elle est mignonne !
- Vincent, je suis là, ramène toi !
Toujours aussi polie cette gamine...
- Bonjour Himiko, moi aussi je suis content de te revoir, cela fait longtemps.
Penser que c'est grâce à cette merdeuse agressive qu'aujourd'hui, je peux faire ce que je veux du petit Kudo, ça me scie les pattes.
- Alors, c'est ce truc que tu voulais me montrer, et c'est quoi cette mission ?
Toujours aussi patiente également. Joue le jeu Vincent. Je pose la tête sur la table, l'autre con l'a vraiment défoncée ! La douceur ce n'est pas le fort des Kudo il faut croire.
- Voilà l'objet de ta mission.
- C'est quoi ce bordel ? Tu m'expliques ? Depuis quand tu te balades avec ce genre de merde ?
Observe-la bien Vincent, il doit y avoir une raison pour son soudain retour, il doit y avoir quelque chose.
- Bientôt, une de mes collaboratrices va explorer le cerveau de ce truc-là pour en soutirer des infos sur l'emplacement de possibles fumiers du GSE. Quand ce sera fait, je veux que tu les débusques, et me les ramènes. Je veux les infos qu'eux possèdent et leurs plans, ramène les moi, vivant.
Ces types sont forcément encore dans le coin. Une machine comme ça demande de l'entretient, et les pièces sont censé être encore sous le Koraku-en, avec Eikichi, ils vont tenter de les retrouver, ils ne laisseront pas cette marchandise n'importe où. Leur cible sera forcément le jeune Kudo.
- Ça me va. Mais en retour, tu feras un truc pour moi.
Hum ? Himiko qui demande a être payé pour ses services ?
- Je t'écoute.
Qu'est-ce que tu veux gamine ?
- Haru m'a raconté que tu savais ce qui était advenu d'Eikichi, je veux le revoir. Dès que j'aurais terminé cette mission, je veux que tu m'emmènes jusqu'à lui. Je dois lui parler.
Hum ? La petite dame voudrait revoir le jeune Kudo. Interessant. Ça, c'est bon pour moi. Agite Kentaro sous le nez d'Eikichi pour le faire obéir, et agite Eikichi sous le nez d'Himiko pour la faire obéir. Cette gamine sera peut-être plus facile à gérer que prévus.
- Ça me va. Dès que tu m'auras ramené les cons du GSE, tu verras Eikichi. En attendant, rentre chez toi, et sois prête, je te contacterais dès qu'on aura fini d'extraire les données de ce crâne. Et n'oublie, comme toujours, personne ne doit connaître l'existence de tout cela. Toi, comme moi, nous agissons dans l'ombre de ceux que nous aimons.
Oui, cela ne fait aucun doute, cette petite et moi, nous nous ressemblons.
Elle agit dans l'ombre d'Eikichi, pour son bien, par amour, j'agis dans celle de ce vieux Kentaro, par amour. Un amour différent évidemment, ce vieux Kentaro est mon ami, elle est amoureuse, mais l'amour ne s'embête pas de ce genre de différences n'est-ce pas ? Ami, amant, ce qui importe, c'est jusqu'ou nous sommes capables d'aller pour le bien de l'être aimé. Il n'y a rien d'autre qui importe. Jusqu'à quelle extrémité seras tu capables d'aller, jeune Himiko ? Je me pose la question. Je sacrifierais le petit frère pour le grand, pourrais-tu sacrifier le grand pour le petit ? Pourrais-tu sacrifier ton pays pour lui ? Quelle est la force de tes sentiments ?
Je me le demande. Des questions qui n'auront jamais de réponse. Ton amant aura bientôt disparu. Au nom de sa liberté, il abandonnera ses fardeaux, c'est la seule chose qu'il puisse faire. La seule chose qui a du sens.
- Allo, Haru ? Bonjour mon jeune ami, comment allez vous ? Oui, merci, dites moi, pourriez vous me rejoindre s'ils vous plait ? Je vous attendrais à Shinjuku, je dois vous parler d'une chose importante. Oui, il s'agit d'Eikichi, le jeune homme aura besoin de ses amis, je pense. Parfait, je vous y attends.
Pardonne-moi Haru, mais tant que tu feras partie du paysage, il aura une chance de rédemption, je n'ai pas besoin de ça. Tu es l'un des derniers obstacles sur ma route.

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