Lent à la detente

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Ça ne me plais pas ces histoires... M'obliger à venir ici a cause d'une connerie. Ça fait déjà cinq minutes que je suis assis dans une salle avec plein de gars qui ont des têtes de cadavres. Ça m'énerve cette histoire. Qu'est-ce que je ferais pas pour l'autre stressée ?

- Monsieur Kudo, c'est à vous !

Le voilà enfin, depuis le temps que j'attends !

- J'arrive.

Sacré bureau qu'il se tape. Des livres de médecines de partout, des œuvres d'arts, une armoire gigantesque avec des maquettes de bateaux... Un buste d'Harlock ? ! Sérieux ? ! La classe !

- Bonjour Monsieur... Kudo ? Alors, qu'est-ce qui vous arrive ?

C'est quoi cette question conne ? Si je viens te voir, c'est pour que tu me dises ce qu'il m'arrive !

- Bonjour Docteur, c'est pour ça que je viens vous voir, je n'en ai aucune idée.

Un problème ? Il m'observe dans le détail... Du calme, je n'aime que les femmes !

- Bien, asseyez vous, et enlevez votre t-shirt, on va examiner tout ça.

J'aime pas les docteurs. Pas personnellement, mais j'aime pas aller les voir, toujours plein de question, ils vous font mettre en slip, ils ont toujours des genres de divan super haut. J'suis pas Haru moi, j'fais pas un mètre quatre-vingt-dix les gars !

Et voilà le stéthoscope, quelle horreur, ce truc, c'est froid, j'aime pas ça... Mais si j'y vais pas, Himiko me pétera les burnes pendant une semaine.

- Alors ? Un souci quelconque ?

Il m'observe pendant un moment, observe mes pupilles, prends ma tension, la totale, puis, il se gratte la tête, cherchant quelque chose à dire sûrement.

- Je ne vois pas ce que vous pourriez avoir jeune homme, vous semblez de prime abord être en parfaite santé... Des symptômes peut-être ?

C'est pas la première question que tu poses ça normalement ?

- J'sais pas trop. C'est bizarre et ça veut pas partir. Des fois, je sue comme un bœuf, j'ai les genoux qui tremblent, j'ai pas faim et j'arrive pas à dormir, franchement, c'est pas super agréable, et c'est la première fois.

Pourquoi tu regardes le mur toi ? T'as l'air de chercher un truc, arrête ça !

Il se tourne vers moi en souriant.

" Je pense savoir ce que vous avez attrapé, mais malheureusement, je n'ai rien pour vous soigner. "

T'es sérieux ? ! C'est si grave que ça ? ! Pourquoi tu te marres alors ? !

- Vous avez dix-sept ans... Vous devez avoir plein d'amis. Demandez à l'un d'entre eux de vous aider, de préférence un qui est en couple ou quelque chose comme ça. Il saura sûrement vous être utile. Vous pouvez y aller, pour si peu, je ne vais pas vous faire payer.

Je pige que dalle.

C'est quoi le rapport avec mes potes ? Si je crois ce qu'il me dit, il faudrait que je demande à Haru, mais je vois pas trop en quoi il va m'aider, il est pas doc... Je déteste les gens qui parlent en énigme, il s'est pris pour Maitre Yoda, je crois.

M'enfin, retour à la maison, et on verra demain pour le reste... Quel enfer.

" J'me demande bien c'qu'en dirait Papa à Ise ".

Il avait toujours des conseils à la con pour ce genre de trucs. Du genre : si tu ne sais pas quoi faire, c'est peut-être qu'il n'y a rien à faire.

Mes pas me guident doucement vers la maison, traversant les rues de la ville, observant les bâtiments à côtés de moi, observant les gosses qui jouent dans les parcs. Un jour peut-être que moi aussi, j'aurais des gosses, ce s'rait cool. J'imagine déjà mon fils, il serait comme moi, mais avec le sourire d'Him-... De sa mère, heh, je passe tellement de temps avec l'autre casse bonbon que je me mets à dire des conneries maintenant. Sors de ma tête la stressée !

Home sweet home comme ils disent. Je crois que j'ai dû oublier le chauffage en partant, il fait encore bon, et les lumières sont allumées, heureusement qu'elle est pas là, sinon j'en entendrais parler pendant une semaine... C'est vrai que ses parents roulent pas sur l'or, un flic et une mère au foyer, ça touche pas des masses... Elle partage encore sa chambre avec son petit-frère, c'est dire la galère. Ça expliquerait aussi pourquoi ses parents sont aussi stricts avec elle sur les études. Ils veulent qu'elle réussisse. Ça a l'air d'être des gens cool quand j'y pense et... Bordel dégage de ma tête ! Quand t'es pas chez moi t'es dans ma tronche ! Arrête tes conneries ! Quelle galère ! Faut que j'arrête de penser à elle... Arrête d'y penser Eikichi, arrête d'y penser Ekichi...

- Allô Himiko ?

Qu'est-ce que tu branles putain ? !

- Bonjour monsieur ?

Hum ? C'est quoi cette petite voix ? Son petit frère je suppose.

- Salut mec, dit moi, ta grande sœur est là ?

Mais raccroche !

- HIMIKO !! Y a un garçon qui t'a appelé !

Mes oreilles... .

- Donne-moi ça ! Eikichi ? !

Boom. Un truc est tombé de l'autre côté, pas besoin d'être si pressée.

- Tout va bien ?

- Oue, tout va bien, j'me suis cassé la gueule... Qu'est-ce qu'il se passe ? Si mon père apprend que j'ai un... Toi, ça va être le bordel, je t'ai dit ne pas m'appeler quand je suis à la maison.
Elle a l'air vraiment de craindre son père, c'est fou, le gars doit être vraiment sévère.
- Désolé Himiko, c'est juste que... J'suis seul à la maison. J'ai un peu perdu l'habitude, et du coup, je t'ai appelé sans même réfléchir. Je crois que j'avais juste envie de t'entendre.
Un petit couinement, qu'est-ce qui lui arrive encore ?
- Masashi, vient, je sors, si papa et maman m'appellent pour manger, tu leur dis que j'ai pas faim, que je fais la gueule, ok ? Tu n'ouvres surtout pas la porte.
Qu'est-ce qu'elle fout ? Je l'entends à travers le téléphone, mais je ne pige rien à ce qu'elle raconte.
- Eikichi ? Je suis là dans quinze minutes, à tout de suite.
- Hey att-
Clic.
Elle a raccroché. Quelle galère cette fille... Elle m'a raccroché au nez putain... Elle est intenable. Et moi complètement con.
Quinze minutes passent... J'me fais chier... C'est vide en vrai quand elle n'est pas là. Kentaro est en train de bosse, les gars sont chez eux, et moi, je suis là. J'ignorais qu'on pouvait autant s'ennuyer.
- Bon, il est peut être temps de faire a bouff-
Vlan ! La porte claque et j'entends courir ! Puis un poids s'abat dans mon dos et m'enlace.
- Je suis là ! J'ai réussi à m'enfuir ! Et j'ai laissé mon téléphone à la maison donc personne ne nous embêtera !
Au moins, le problème de l'ennui est réglé.
- Tu m'aides à faire à bouffer ?
Comme toujours, la soirée se passe tranquillement. En y réfléchissant bien, je n'ai pas souvenir de soirées qui se soient mal passé avec elle. Bordel, elle va me rendre romantique.

Le lendemain, nous voila en cours, j'ai encore la tête dans le brouillard. On s'est endormis sur le canapé comme deux larves. Le réveil aura été particulièrement difficile... Et depuis hier, ces histoires me turlupinent et me rendent asocial.
Pendant que les gars sont en train de faire les cons en bas. Pour une fois, je joue les solitaires. Un doc qui pige que dalle, les symptômes qui se sont arrête quand elle est arrivée à la maison, et cette soudaine solitude. L'air de la ville ne me réussit vraiment pas. Je suis là depuis peu, et me voilà déjà en train de déprimer.
Clac.
Hum ?
- Alors, le Quarterback joue perso ? T'es pas censé envoyer la balle normalement ? Plutôt que la garder pour toi.
Haru, il fallait que ce soit Haru.
- Désole, en face, ça avait l'air trop costaud pour Ken, je préfère garder la balle cette fois.
Il se marre, puis, il s'assoit à cotes de moi. Les pieds dans le vide, observant les gens en contrebas, ils ont l'air tous petits d'ici.
- Alors, il t'arrive quoi ? T'as pas la patate depuis ce matin.
Il est perspicace ? Ou je suis juste nul pour cacher des trucs ? Enfin, je ne vois pas bien pourquoi je lui cacherais.
- J'sais pas, c'est bizarre, des fois, je sue comme un bœuf, j'ai les genoux qui tremblent, j'ai une sensation bizarre dans le bide, j'ai pas faim, je suis pas fatigué, bref, c'est le bordel. Et hier, quand l'doc m'a renvoyé chez moi, j'étais solo, et la première chose que j'me suis dit, c'est vide quand elle est pas là ", trente secondes plus tard, j'étais au téléphone avec Himiko. Honnêtement, je n'y pige plus rien.
Hum ? Haru ? Qu'est-ce qui lui arrive à ce débile ? Pourquoi tu chiales putain ? ! Il me gonfle, une vraie femme.
- Tu es irrécupérable... Ce que tu expérimentes en ce moment, ça s'appelle " être amoureux ", ça t'es vraiment jamais arrivé ?
Hum... Ça pourrait expliquer des choses en effet, dis comme ça, ça parait logique.
- Pas vraiment non, jusqu'à présent, j'étais plutôt du genre à m'amuser.
- C'est triste putain ! Mais je suis tellement content que tu comprennes enfin... Ceci dit, t'es le dernier à te rendre compte de tes propres sentiments. C'est presque impressionnant. J'admets que je n'avais jamais vu un truc comme ça, tout le groupe, même Himiko était au courant, et pas toi... C'est fort, vraiment, ça mériterais presque du respect ce genre d'exploit. T'es un mystère pour moi mec.
- T'as pas l'impression d'en faire des caisses-là ?
Haru et son habitude d'exagérer les choses... Quel enfer, j'ai l'impression d'être entouré de femmes.
- Tu vis pratiquement avec elle, seul, vous vous envoyez en l'air a minima une fois par jour d'après ce que tu me dis, vous passez vos journées ensembles, tu ne touches plus aux autres filles depuis qu'elle est là, je vous ai même entendu vous dire des mots doux. Franchement, des fois avec Yokko, on est jaloux de votre relation. Et tu me dis maintenant, que jusqu'à présent tu n'avais rien remarqué de particulièrement surprenant, ou bizarre ? Tu es l'un des plus grands mystères de ce monde mec.
Je déteste ce type, c'est officiel... Mais il marque un point. Et ça permettrait d'apporter une explication logique à mon comportement d'hier soir qui me laisse encore un peu circonspect ( et je n'utilise jamais le mot circonspect ).
Faut dire, elle est vachement jolie, je ne peux pas trop m'en vouloir de désirer la garder pour moi tout seul.

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