Point de non-retour
Aujourd'hui, moi, le beau, intelligent et balaise Eikichi Kudo, dix-neuf ans, nés à Ise dans la préfecture de Mie, fils adoptif du Grand Prêtre Namida. Je suis mort.
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En cet instant, tout se passa à une vitesse folle.
" Je m'en souviendrais toujours. Alors qu'on se battait dans la cour, on a entendu un bruit assourdissant. Après celui-ci, on a vu un corps qui traversait un mur, puis le boss qui s'arrachait de la poussière soulevée par le fracas. Droit, devant Duran qui se relevait doucement. Cette vision était dingue... Pourtant, croyez-moi, croyez-moi pas, le vrai combat, celui dont transpirer le plus d'animosité ne semblait même pas être celui-ci. Derrière eux, encore à l'intérieur du bâtiment, le sentiment qu'on avait été dingue. C'était comme... Si on était au milieu de l'océan, et que sous nos pieds, se baladait un énorme requin, oui, c'est la meilleure métaphore que j'ai en tête. On ne le voyait pas, et pourtant, il était là, cela ne faisait pas le moindre doute."
- Alors, on se revoit, la fille de l'hôpital.
Pour Kyoko, cette rencontre était l'achèvement de longs mois à jalouser celle qui avait rendu son Boss malheureux. À quel point était-elle importante pour avoir causé le départ d'Eikichi pour l'Arène ? Et méritait-elle une telle importance aux yeux d'Eikichi ? Il n'y avait qu'une seule façon de le savoir.
- Tu es la nouvelle compagne d'Eikichi, je me trompe ? Il a toujours eu l'œil pour les filles. Il faut dire aussi, qu'il n'y a pas beaucoup de garçon comme lui, pas vrai ? Toi aussi, tu fais partie des nombreux qui se sont mis à dépendre de lui au point d'être anéantie par la simple idée de le voir disparaître, je me trompe ?
Les paroles d'Himiko atteignaient Kyoko, évidemment, comment ne le pourraient-elles pas ? Elle avait raison, Kyoko n'était finalement, pas si éloignée d'Himiko. Elles pourchassaient la même raison, pour des raisons similaires.
- Je t'interdis de prononcer le nom du Boss ! Tu n'en as pas le droit ! C'est à cause de toi que le Boss est triste... Ça me rend folle, mais c'est indéniable. Jusqu'à... Il n'y a pas si longtemps. Il m'a tout raconté... Tout, du début, à la fin. Quand il l'a fait, on se connaissait depuis assez peu de temps, mais on était les seuls de l'Arène à avoir a peux près le même âge, même si le Boss Eikichi est solide, ça reste un être humain, même lui des fois, il doit parler à des gens. Sincèrement, un mec comme lui qui se retrouve cent mètres sous Tokyo, dans un lieu aussi crade que les chiottes d'un lycée américain, tout ça, à cause d'une fille, sur le coup, je trouvais ça tellement pathétique que j'admets avoir ris... Jusqu'à ce qu'il me dise, "Tu sait, j'ai l'air pathétique... Mais pour la première fois, j'avais l'impression de ne plus être seul. J'ai plein de potes et autres, ce n'est pas un souci ça, mais... Tu peux te dire que je suis narcissique, mais l'emmerde, quand t'es tout en haut, c'est qu'il ne peut y avoir qu'un seul numéro un. Même tes potes, au final, même ceux que tu apprécies le plus, c'est tous des numéros deux, trois, quatre, etc. Alors, pour une fois, que quelqu'un ressemblait à un autre numéro un, forcément, quand je me retrouve à nouveau seul... Ça pique. J'ai l'air ridicule, pas vrai ? ". Sa tristesse, sa présence dans un endroit comme l'Arène, c'est de ta faute ! D'un autre côté... Je dois te remercier... Sans toi, je ne l'aurais jamais rencontré... Mais, malgré tout, tu lui as fait du mal... Tu mérites d'être punie.
Sa phrase, son long monologue à peine terminé, un bruit de vapeur suivit. En une fraction de seconde, Kyoko traversait la pièce. Himiko ne pouvait remercier que sa vivacité, celle-ci lui sauva probablement la vie ce jour-ci.
- Pardonne-moi... J'ignore ton nom, mais, bien que je comprenne ta rage... Je ne peux pas me laisser faire, je dois aller lui parler.
Soudainement, la lumière quitta la pièce, remplacée par une obscurité impénétrable. Les portes, les fenêtres se fermèrent dans un fracas similaire à celui du tonnerre. Puis, une nouvelle série d'explosions, plus faibles cette fois-ci, similaire à celle de vulgaires pétards. Enfin, une brume se leva, lourde, oppressante. Kyoko était perdue dans ce brouillard, la fumée était si épaisse qu'elle bloquait toute hypothétique lumière qui menaçait de percer à travers les orifices des fenêtres et portes. Autour d'elle, il n'était rien d'autre que l'ombre, et bientôt, une lame.
- Montre-toi ! Lâche ! Tu es obligée de te cacher dans des petits coins pour te battre ? !
Perçant l'ombre, déchirant le voile de brume, silencieuse, la lame frôlait Kyoko. La jeune femme, perdue, obligée de se reposer sur son instinct, se trouvait maintenant en tout point similaire à un poisson dans un baril.
- Pardonne-moi. Si tu es capable d'éviter mes frappes. Celles qui tranchent la chair sans toucher la peau. Alors que tu ne vois pas la moindre chose autour de toi, je ne peux pas me permettre de te combattre sans un véritable avantage. Sans cela, je n'aurais aucune chance, c'est une certitude.
L'idée, le seul concept, d'être impuissante, enrageait la jeune femme. Kyoko était simplement incapable de résister. Tout ce qu'elle pouvait faire, n'était qu'éviter les nombreuses lames qui semblaient virevolté dans sa direction dans un véritable ouragan d'acier.
La seule option que la dame pouvait apercevoir à cet instant, était la possibilité d'échos venant d'Himiko. Mais à sa grande surprise, la voix résonnait, les sons également, cette pièce chaque son rebondissait sur les murs. Impossible de traquer l'origine de la voix de son adversaire. Tel un insecte pris dans une toile d'araignée, Kyoko ne pouvait qu'attendre les frappes. Faire de son mieux pour les éviter, et survivre. Elle ne pouvait pas se laisser vaincre, son Boss avait besoin d'aide, elle ne pouvait le laisser tomber.
" Réfléchis Kyoko, réfléchis, tu ne peux pas la laisser faire ! Réfléchis ! Pensait Kyoko. Je dois faire de la lumière, vite ! Et je dois me débarrasser de cette putain de fumée ! Elle est bizarre. Je sens un truc dans cette fichue brume. "
- Je sais à quoi tu penses. " Je dois trouver un moyen de me débarrasser de cette fumée "... Tu as raison. Cette fumée, c'est moi qui l'ai conçue. Une fumée assez épaisse pour étouffer même la lumière du jour... Crois, ça m'a pris du temps. Le souci, c'est que... Même en admettant que tu arrives à tenir le coup, en évitant mes frappes. Inhalé quelque chose d'aussi épais, ça te bousille les poumons, c'est évident. Surtout, que contrairement à moi, qui la côtoie depuis assez longtemps maintenant, toi, tu n'y es pas habituée... Je ne te conseil de sortir, vite. Enfin, en tout cas, d'essayer.
Himiko, de sa position de puissance, sous-estimait son adversaire. Elle oubliait que s'il est bien une chose dangereuse, c'est une bête acculée.
" Quand il est acculé, le rat mort le chat. "
Une longue respiration. Une nouvelle explosion de vapeur. Un mécanisme qui se met en place. Et enfin, un éclair traverse la pièce. Puis un autre. Dans cet assaut, Kyoko abandonné toute mesure, toute retenue. Il n'était plus question de simplement combattre une rivale, non, il s'agissait de quelque chose de primitif. Un prédateur qui refusait d'être une proie.
Il était évident pour elle, qu'elle n'atteindrait pas Himiko, mais celle-ci n'était pas sa cible. Non. Ce qu'elle visait, n'était autre que deux murs qui se faisaient face. Une cible simple, atteignable. S'écrasant de toute sa force, lançant tout son poids contre les murs de bois, poussant le mécanisme accroché à ses jambes jusqu'à leurs limites, elle voyait enfin la victoire à portée de main.
Une, deux, trois, quatre, les frappes se multipliaient et à chacunes d'entre elle, les murs craquaient. Jusqu'à ce que, finalement. Ses efforts portent leurs fruits. Des murs, ils ne restaient que deux trous béants.
Des deux excavations, une brise vint chasser la brume et rapidement, la lumière fit son retour. Kyoko, se tenait au milieu de la pièce, à bout de souffle. Le mécanisme accroché à ses jambes en pleine surchauffe se faisait sentir sur celles-ci. À la hâte, elle n'eut d'autres choix que de s'en débarrasser. Mais elle était maintenant en position de force. Himiko était révélée, et ainsi, ses armes rendues inefficaces.
- J'ai gagné. Abandonne, et j'éviterais de trop abîmer ton joli visage.
Elle le savait, Himiko n'était pas idiote, elle n'avait plus la moindre chance de l'emporter. Mais sa fierté l'empêcher de se rendre. Ainsi, une dernière lame traversa la pièce, avant de s'enfoncer dans l'un des deux murs restant.
Il n'en fallait pas beaucoup plus à Kyoko pour reprendre l'assaut. À bout de souffle, et souffrant à cause de ses jambes brûlées, elle vint écraser ses bottes sur le torse d'Himiko qui s'écroula au sol. Le souffle court. La demoiselle n'avait que rarement subis de frappes aussi puissantes durant sa vie. Elle, qui avait évité l'affrontement direct, avait maintenant trouvé un adversaire capable de l'atteindre.
- Enfin, bordel, tu m'auras donné du mal... Merde, il va vraiment falloir que je reprenne les croquis de ces merdes... Je douille putain... Allez, bouge, dès que le Boss aura défoncé Duran, tu lui devras des excuses.
Himiko, vaincue se faisait maintenant traînée jusque dans la cours, devant leurs yeux, un spectacle incroyable se présentait... En-tout-cas, durant quelques instants.
Eikichi affrontait Duran dans un combat aux dimensions ahurissante. La chaleur était étouffante, la canicule semblait s'être abattue sur le champ de bataille. Mais tout ne pouvait être parfait. Malgré toute sa rage, toute sa puissance, aucune frappe d'Eikichi ne faisait mouche. Le Français, semblait danser autour de son adversaire, evitant chacun de ses assauts avec une grâce et une fluidité hors du commun. Cette vision ne faisait que l'énerver plus, à chacune de ses frappes qui partaient dans le vent, la rage s'emparer plus encore de lui. Et plus il s'enrageait, plus son adversaire se riait de lui. Le combat était sans espoir... Jusqu'à ce qu'enfin, son poing atteint la joue de Duran. Une seule droite, une seule frappe, c'est tout ce qu'il lui fallait... Ou tout ce qu'il pensait être nécessaire.
Malgré l'impact de ce coup, Duran se releva, il était évident qu'il n'était pas indemne, mais pas encore hors de combat.
- Non... Ce n'est pas encore suffisant. Eikichi, je peux le voir. Ce Lion Vert sur ton épaule, celui qui doit faire de toi l'être pur... Alors, pourquoi refuse-t-il de mordre ? Pourquoi refuses-tu de me laisser le choix ? Pourquoi m'obliger à aller jusque là ?
Tout se passa très vite, en quelques instants, Eikichi était à terre. Duran se tenait au-dessus de lui.
Trois explosions se firent entendre. Puis du sang vint imprégner la terre. Vincent, impassible, stoïque, tenait son arme, pointée sur le jeune homme, une volute de fumée s'en échapper. Eikichi, n'était plus, la vie quittait son corps dans un dernier souffle, rapidement recouvert par les hurlements désespérés de Kyoko qui venait de voir son bien-aimé disparaître sous ses yeux.
Si seulement elle avait été plus rapide, si elle n'avait pas mis autant de temps à vaincre Himiko, peut être aurait-elle pu le sauver, prendre ces balles à sa place.
Himiko, elle n'en croyait pas ses yeux. Le choc l'empêchait de bouger, ou même d'articuler. Tous ses efforts jusqu'à présent, étaient vainc. Elle avait tout cela, pour rien. Avait pris tant de vie, dans le seul but de le retrouver, pour lui présenter ses excuses... Pour simplement, le voir se faire abattre devant ses yeux, froidement, sans le moindre honneur, sans panache. Tout cela, pour cela.
- Boss !
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