Le commencement
Combien avais-je mis de pull-overs dans ce sac ? Quelle idiote je fais. On est en plein mois de juillet, chaleur écrasante, et je mets des pull overs pour partir en colo . Je vous jure ... A quelle heure avais-je rendez-vous ? Une petite heure de patience encore, et je ferai mes adieux à ma famille et à mes amis. Pour un mois, ce n'était pas la fin du monde. J'entendis quelque chose vibrer. Je me mis aussitôt à fouiller dans mon sac, retournant au passage les affaires que j'avais soigneusement pliées. J'en ressortis triomphante, mon portable à la main. La sonnerie retentit alors, m'embarrassant tout à coup, car celle-ci n'était autre que ma chanson préférée. Je décrochais immédiatement, de peur que quelqu'un d'autre entende ma magnifique sonnerie.
" Allô ?
- Hey ma poule ! C'est Tati à l'appareil."
Merci j'avais reconnu. Ma tante avait une fâcheuse tendance à vouloir montrer qu'elle était encore très jeune, malgré la cinquantaine qu'elle venait de passer. Elle se faisait donc appeler " Tati" pour avoir l'air plus "cool".
" Alors, t'es prête à partir ?
- Euh... Pas tellement, répondis-je en contemplant le fouillis que j'avais mis en cherchant mon portable.
- C'est bien les ados ça... Tout faire au dernier moment...
- Tati... Je ne suis plus une gamine !
- Oui, c'est bien pour ça que je m'inquiète, darling. Qu'est-ce que ce sera quand tu auras une maison à gérer, un travail et tout ce qui va avec... ?
- Je me débrouillerai, soupirai-je.
- Avec tes superbes talents culinaires ? Excuse-moi, darling, mais vu comment le steak a cramé l'autre jour, je ne suis pas sûre que tu t'en sortiras vivante.
- Tu m'appelles pour quoi ? Pour me faire la leçon sur le quotidien à gérer ? Pardon, mais t'arrives trop tard, c'est déjà fait.
- Je veux te mettre en garde.
- Contre quoi ? Le croque mitaine ? Ou la cuisinière qui tenterait de m'avaler tout cru pour me punir d'avoir à plusieurs reprises manqué de la faire brûler ?
- Tu m'embêtes, on ne peut pas parler sérieusement avec toi.
- On me le dit souvent. Mais à choisir, tu préférerais me voir sourire ou me voir pleurer ?
- Et encore une fois, tu as raison, je ne sais pas d'où te viens ce talent d'avoir la réponse du tac au tac, comme ça !
- Tu voulais me mettre en garde contre quoi ?
- Il y aurait un type pas clair qui rôderait autour de la ville où se trouve ta colo."
Je levai les yeux au ciel. Déconcertant...
" Dis, ton info, tu l'as pêchée où ? Dans Mélodramatic magazine ou dans l'Horreur c'est le bonheur ?
- Tu m'agaces, moi je veux juste te dire de faire attention et tu m'envoies sur les roses !
- Mais t'as aucune raison de t'en faire, le camp est sécurisé !
- Enfin moi je dis ça, je dis rien. C'est sûr que c'est pas ta mère qui te préviendrait, elle s'en contrefiche royalement.
- C'est pas fini ces guerres entre sœurs ? Vous êtes pires que nous !"
Je marquai une pause, voyant que je n'avais pas de réponse.
" Bon, il faut que je finisse de préparer mes affaires, on se voit dans un mois !
- Prends soin de toi ! A plus !"
Je raccrochai, heureuse qu'elle ne m'ait pas sorti le couplet sur les garçons. Je me réjouissais un peu trop vite. Quelques secondes plus tard, je reçus un SMS.
" Et aussi, n'oublie pas que les garçons ne sont pas tous gentils !!". Je fulminai, constatant que tous les efforts pour la rassurer ne mèneraient nulle part. Je jetai mon portable sur le lit et repris mon rangement là où je m'étais arrêtée. Je fus soulagée d'enfin refermer mon sac pour de bon, et vérifiai mentalement que j'avais tout mis. Je sortis finalement de ma chambre, descendis les escaliers d'ébène et retrouvai ma mère dans la cuisine.
" C'était qui au téléphone, me demanda-t-elle sans lever les yeux de la préparation qu'elle était en train de mélanger.
- Tati. J'imagine que tu t'y attendais.
- En effet, ce n'est pas étonnant.
- Tu nous prépares quoi de bon ?, fis-je en observant avec intérêt la pâte couleur chocolat.
- Un gâteau au chocolat. Ton préféré. J'ai pensé que durant le voyage tu aurais peut-être faim.
- Maman... "
Je ne pouvais pas lui en vouloir de s'en faire pour moi, mais c'était parfois vraiment étouffant.
" J'ai déjà prévu une barre de céréales...
- Eh bien, garde-le quand même, on ne sait jamais."
Je m'abaissai, sachant parfaitement qu'il ne servait à rien de se battre contre l'autorité suprême.
Et je détestais au plus haut point me disputer avec elle. Elle faisait tout pour m'aider, il était donc normal que je lui obéisse.
" Ton père a laissé un message.
- Qu'est-ce qu'il dit ?
- Qu'il te souhaite bon voyage, et qu'il espère que tu viendras le voir bientôt."
Autant dire, à la Saint Glinglin ... Il n'avait pas une minute à lui, et constater qu'il ne me manquait plus ne m'étonnait guère. Il avait fait un choix, j'avais fait le mien. Point final.
J'étais fille unique, ce qui augmentait la vigilance de mon entourage pour ne pas me laisser aller droit dans le mur. Voyant que de toute manière, mes proches ne faibliraient pas avant que j'aie fait mes preuves, je me contentai de faire tout ce qu'ils désiraient me voir faire. Peut-être m'imaginaient-ils au bras d'un grand médecin, pour combler mon absence de logique scientifique. Ou bien, les sachant parfois machiavéliques, je les voyais dès ma naissance me fiancer avec tel ou tel brave venant de naître également... Non, là c'était un peu trop... Ma vie ne se résumait tout de même pas à devenir comme la Belle au Bois Dormant... J'espère, en tout cas.
Je regardai l'heure sur ma montre. 11h36. Il était plus que temps de partir en ville rejoindre mes meilleures amies. En effet, je leur avais donné rendez-vous dans une cafétéria en face de la gare, pour être à l'heure.
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