La fuite

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Ils recouvraient de terre l'emplacement de leurs feux. Ils avaient abandonné la voiture depuis longtemps et essuyaient derrière eux leurs traces de pas avec des branches de pin mortes. Ils perdaient énormément de temps, mais ils ne voulaient pas laisser d'indices qui révèleraient leur chemin. Peut-être parviendraient-ils à perdre leurs poursuivants ? Ils se détendaient seulement la nuit, car les policiers ne les cherchaient pas, dormant à poings fermés sans se soucier de deux innocents dans le froid de la nuit. Ils allumaient un feu puis s'endormaient, serrés l'un contre l'autre, regardant la lune se refléter sur les eaux stagnantes du marais. Ils pensaient à ce qui les avait amenés là, à fuir la police, se méfiant de tout et tout le monde.

Ca avait commencé quelques jours plus tôt. La nuit avait été glaciale et le jour était arrivé avec la canicule. Les rues étaient désertes, et on voyait au loin des vaguelettes de chaleur troubler l'air silencieusement. Leur minuscule appartement n'apportait aucune fraîcheur : au contraire, il enfermait la chaleur et rendait l'air irrespirable. Voilà pourquoi ils étaient sortis ce jour-là. En y repensant, ils se disaient qu'ils n'auraient jamais du bouger de chez eux.

Ils marchaient, parlant de leurs projets d'avenir : elle avait le lendemain un rendez-vous chez un éditeur pour lui proposer le recueil de poèmes qu'elle préparait depuis des mois ; il rêvait de devenir acteur, et devait bientôt passer une audition qui changerait peut-être sa vie, leur vie. Le moindre pas résonnait lugubrement contre les murs ; on aurait dit une ville fantôme. Même les oiseaux semblaient fuire les rayons brûlants du soleil. Aussi entendirent-ils les cris et la cavalcade de loin. Le bruit de la course s'intensifiait de seconde en seconde, comme un destin fatal arrivant à grands pas avaler les deux amoureux. Ils s'étaient arrêtés, et écoutaient, une lueur inquiète dans l'oeil, comme s'ils pressentaient ce qui allait se passer. Le bruit était devant ; c'était bel et bien le destin qui courait à leur rencontre.

Soudain, ils virent débouler un couple, le visage masqué, une valise se balançant à la main gantée de l'un d'entre eux. Ils auraient pu comprendre ce qui se passait, mais l'évènement était arrivé si vite qu'ils n'avaient pas encore analysé la situation quand les fuyards se retrouvèrent devant eux. Il y eut une bousculade, et, le temps qu'ils se relèvent, les fuyards avaient déjà disparu. Ils remarquèrent alors la valise, étendue là. Elle la ramassa, et tenta de retrouver les propriétaires pour leur rendre ce qu'ils avaient perdu. Au bout d'un moment, voyant qu'ils ne les retrouveraient pas, ils tentèrent d'ouvrir la valise ; celle-ci était fermée. Ce n'était pas la leur, mais ils devaient à tout prix échapper à leurs poursuivants. Ils démarrèrent au quart de tour. Derrière eux, des cris et coups de feu. Le rétroviseur se brisa, les empêchant de voir leurs poursuivants.

Elle lâcha un soupir de soulagement... trop tôt. Une moto démarra... non deux. Elles arrivèrent au niveau de la voiture et son coeur manqua un battement : c'était des motos de police. Horrifiée, elle comprit enfin ce qui arrivait. Sur ses genous, la valise tanguait, acquiesçant silencieusement.

Le panneau indiquant la sortie de la ville apparut soudain devant eux. Ils avaient roulé au hasard et voici que les maisons silencieuses et hautes faisaient place à un immense marécage s'étendant à perte de vue. Il paraissait totalement désert. La route serpentait au milieu de cette surface plane, tel un long fil brillant au soleil comme de l'argent. A part leur voiture et les deux motos qui les talonnaient, aucune voiture n'était visible.

Les premiers virages apparurent. La voiture, lancée à pleine vitesse, fit une terrible embardée. Une moto fut fauchée en pleine course, et l'autre, ralentissant pour ne pas être fauchée à son tour, manqua de peu de tomber dans le marécage. Elle vit avec horreur la moto fauchée s'enflammer avant de tomber dans le marécage. Elle espérait que le pilote en ressortirait. La seconde moto arriva à leur hauteur au moment où un nouveau virage se profilait. Cette foit, elle ne put éviter la chute.

La voiture, elle, continua à rouler jusqu'à la nuit. Là, les fuyards l'abandonnèrent et s'enfoncèrent dans le marécage. Il était moins silencieux qu'il n'y paraissait. Des insectes bruissaient dans les herbes. Des pins se dressaient dans la lumière de la lune tels des fantômes. Cette première nuit, ils n'osèrent pas faire de feu. Avec une branche de pin, il réussit à ouvrir la valise ; elle était pleine d'argent. Ils avaient été accusés du braquage d'une banque.

Le jour suivant, des policiers les suivirent de près et ils durent fuir pendant toute la journée. Pendant les mois suivants, on les retrouva dans de nombreuses villes des Etats-Unis. Ils avaient fini par faire ce dont on les avait accusé. De braquages en braquages, ils devinrent une légende. On les connaissait sous le nom de Clyde Barrow et Bonnie Parker.

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