Reviens
Un fil… entre un cœur en ruine et le monde se tend.
Un funambule sans attache, en équilibre, danse son pas, poussé...glissé... et regarde en bas, le vide, comme une tentation.
Lui reste-t-il assez de temps et d'équilibre pour franchir un espace qui grandit, un gouffre prêt à l'engloutir ?
Poussé... glissé... : un pas, deux pas.
Ses mains bouclent gracieusement au bout de ses bras. Il fait une pause pour cueillir les larmes brouillant sa vue.
Lui reste-t-il assez de temps pour passer ?
Lui reste-t-il assez d'amour ?
Sur son fil en équilibre, il essaye, il s'accroche. Pourtant chacune de ses fibres est asséchée d'une tendresse vitale.
Il faut croire pour avancer vers le monde, et laisser derrière soi, cette vacuité, ce néant.
Il faut croire pour cheminer vers la vie.
Mais comment épouser la cause de ce qu'on méconnaît ?
Le funambule en équilibre lutte pour son cœur en ruine, contre la folie d'un destin dépourvu de sens.
Il était une enveloppe vide, ignorant ce qu'il faisait là, gavé de drogues, dans un lieu clôt, perdu dans les méandres sans échos, de son esprit désert.
Un jour de conscience il a vu de la lumière, elle venait de très loin, elle l'appelait d'outre-monde.
Brusquement cela lui a paru possible. Tendre un fil, écouter les voix et s'élever vers les vivants.
Il a fait la moitié du chemin mais l'effort à fournir, pour arriver enfin, l'alourdit brutalement.
En bas… Ce n'est pas si loin.
Un cœur en ruine a-t-il vraiment besoin de s'extraire de ses cendres ?
Ne pas penser, ne pas réfléchir… Glissé... poussé... pour un autre pas... Son corps l'étire : il veut vivre ailleurs et autre chose.
Allez funambule, redresse-toi ! Là-bas au bout du fil, il y a le monde…
Un funambule en équilibre refuse de devenir fou. Et pourtant, Il fixe devant lui un démon qui s'est posé sur son fil, corde fragile, un démon qui le regarde narquois :
« Comment vas-tu faire pour me vaincre. Ne sais-tu pas que tu cours après une chimère ? La vie, l'amour ce n'est pas pour toi. »
Danseur de corde prend son élan et saute comme un chat, bat de la jambe et retombe.
Le fil l'accueille dans un bruit de soie. Le démon, sur la corde fine est secoué par une vibration d'évidence, une onde de certitude, il tremble et ne résiste pas. Le voilà qui bascule et sombre en bas.
Encore quelques foulée, devant équilibriste, comme un seuil à franchir, une ligne vers la couleur, vers la vie.
Un funambule pose son pas sur une terre plus ferme.
Sa main, dans une autre main qui serre la sienne. Un visage angélique, souriant près de lui, butine un baiser :
« Je vous attends depuis des années. Finalement, enfin, vous vous éveillez. »
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