— Je ne suis pas menuisière !

— Mais si, tu vas voir, tu vas t’habituer !

— Pas question.

— Et les poissonnières ? Et les charcutières ?

— Grand bien leur fasse. Amie, garde tes forces pour d’autres combats.

— Tu n’es pas féministe ?

Et voilà, le mot est lâché. Le fourre-tout bien pratique. On peut s’y référer pour défendre toutes sortes d’opinions, et même mener des guerres « féministes » contre « féministes ». Je me limiterai à une remarque sur la féminisation des noms de métiers.

À ma connaissance, quand on dit : « J’ai déclaré un médecin traitant », l’interlocuteur ne présage nullement de l’identité sexuelle dudit docteur. Il ne sera donc pas étonné de la suite de cette phrase : « Je dois voir le médecin, mais elle ne consulte pas aujourd’hui ».

De même me semble-t-il pour le mot auteur, « Mary Higgins Clark, récemment décédée, était un des plus grands auteurs de romans policiers ». Cette allégation ne choque personne, sauf peut-être certains détracteurs de la plume susdite. Alors, pourquoi vouloir à tout prix employer autrice ?

Pour moi, le combat sur la féminisation des métiers est un contresens. Dire « autrice » (quel vilain mot, écrivaine encore pire), c’est la renvoyer dans son genre, au mépris de l’égalité qu’elle a conquise en temps qu’auteur. C’est un repli communautaire. Et concrètement, en quoi cela fait-il avancer les droits de qui que ce soit ? Cela ressemble à un bonbon qu’on donnerait à un enfant indigné pour calmer sa colère. Cela ressemble à une bataille attisée, comme d’autres, pour détourner l’énergie du vrai combat pour le droit des femmes.

La victoire, et je m’en tiendrai comme promis aux noms de métiers, ce serait que quand on appelle un menuisier, on attende indifféremment un homme ou une femme, et surtout qu’on ne dise pas à cette dernière : « Ce n’est pas trop dur comme travail pour vous ? ».

Même pas tu le penses !