Ouvrez les fenêtres !

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C’est Noël.

Rien vu venir, et paf ! Dans la nasse. Réveillon avec mon père et ses enfants. Il a appelé ce matin pour nous proposer un ciné, suivi d’une « petite » réunion de famille « informelle » en fin d’après-midi autour du sapin. Noël, quoi ! Sa nénette et Joseph en pièces rapportées.

Grosses négociations devant le ciné. Spiderman ou… je tais mes envies de Madres Paralelas, estimant le combat perdu d’avance, en plus le sujet s'avèrerait-il idoine, dans les circonstances ? Par contre ma « sœur », la filandreuse, s’accroche obstinément à son Disney. Esprit de contradiction ? Allergie aux Marvel ? Son père s’agace, invoque le droit démocratique de se soumettre à la majorité, elle n’en démord pas. Et comme mon père m’énerve, à lui parler comme il me parlait à son âge (apparemment, avoir déjà vu passer deux ados ne lui a pas appris la diplomatie), je me range du côté de la petite, Mélissa.

Pourtant, l’affiche de Encanto, hein… Vraiment pas bandante. Il y a du woke derrière. L’héroïne a récolté un max : énormes lunettes, nez fort, robe à frous-frous. En plus, elle grimace. Encanto, tu parles d’un enchantement. Mélissa assure que les avis sont bons. Et puis c’est dans l’air de son temps. À bas la dictature du beau, pas vrai ? À quand une Jamie Bond petite, grosse, vieille, moche à moustaches, non genrée et trans ? Histoire qu’on n’aille plus au cinéma ! Spiderman, même si on ne voit pas sa tête, au moins il est bien gaulé. De toute façon, l’entreprise de désexualisation ne vise que le corps des femmes. Nous, les filles, on peut encore regarder.

Après la séance, en attendant les hommes, on discute un peu autour d’un soda, avec la jeune demi-sœur que je découvre. Son projet, un projet aussi sérieux que ses douze ans, c’est de travailler dans la conception de dessins animés. Elle me sort toute une analyse à propos de celui qu’on vient de voir, du point de vue du scénario et de son inscription dans l’historique des Disney. Soit elle a appris toutes les critiques par cœur, soit elle est vraiment calée. Tout ce que je peux apporter au débat, moi, c’est que j’ai bien aimé les personnages. J’y ai cru à cette famille, avec ses secrets, ses places intangibles et ses souffrances. Encore dans la magie, pleine de mansuétude, j’en suis presque à m’identifier. J’incarne cette fille à la générosité méconnue par qui la réconciliation advient.

En arrivant chez eux, je remarque avec jubilation que belle-maman s’est donné un mal de chien. Un Noël impromptu, tout simple, « tiré des sacs », ainsi que l’a vendu mon père, mon œil ! Sur la grande table s'étale un buffet tout en assiettes dorées et bougies chaleureuses. Elle a certainement passé sa journée en cuisine. Et une autre journée à se pomponner. Tout de même, on n’est pas Barbie sans effort. Tu m’étonnes que sa fille cherche la normalité. Avec une telle daronne, maquillée comme un camion, sanglée à la taille comme un haltère, juchée sur des talons de quinze, frisée décoiffée… En quatre ans, elle a pris un sacré coup de vieux, la bébé crème ne cache pas complètement les rides et les tâches. La longueur des faux cils accentue son début d’alopécie. Mais soyons magnanimes, c’est Noël.

Bon, cela ne s’est pas mal passé. Sincèrement. J’ai échoué à jouer ma Mirabel Madrigal du pays d’Encanto, mais cela aurait pu être pire. On a interprété la comédie comme si tout était parfaitement normal. Joseph a été parfaitement berné, ce qui était son souhait le plus cher. Permettez que je ne m’étende pas davantage. Je digère, à tous points de vue.

Ah, si, un truc marrant : belle-maman a essayé de nous faire le coup de l’aération ! Comme dans la pub du ministère de la Santé, le dernier slogan anti-covid, un des meilleurs : Dix minutes toutes les heures, ouvrez les fenêtres !

Pour ceux qui ne regardent pas la télé, j’explique la saynète : quelques adultes sont réunis en fin de journée dans un salon. L’un d’eux (le maître de maison ?) se lève et aère en grand. Une précision pour les Niçois : dehors, chez nous, il fait en moyenne cinq degrés à l’heure de l’apéro. Forcément, il faudrait que les convives se couvrent. Sous peine d’attraper la mort. Petit papa Noël, quand tu descendras du ciel, avec tes jouets… En guise de jouets, j’avais prévu des boîtes de chocolats pour tout le monde. Avec l’excuse du dernier moment. Ignorant les goûts des uns et des autres. Excepté celui de mon père pour la frime, la drague, la grande vie. Bon, OK, trêve. De toute façon, le chocolat est l'idéal pour ce qu’on a en ce moment. Magnésium !

Dans ma pub, donc, les gens non seulement ne se couvrent pas, mais pas un ne fait un geste pour baisser le chauffage, par exemple. C’est quoi le plan ? Accentuer la pollution qui tue dix fois plus tous les ans que n’importe quelle épidémie ? Et une majorité d’enfants, pour le coup !

Je pense à une autre pub : une petite fille, ses parents et grands-parents fêtent noël. Les quatre adultes se sourient derrière leur masque, chacun sur son canapé. C’est d’un triste et d’un déconnecté de la réalité des gens, à pleurer. Notons que tous les intérieurs sont bien bourgeois, déco Marie-Claire maison ou Côté Sud. La petite fille erre. Dans la cuisine, elle découvre que les nains au centre de la bûche sont trop proches l’un de l’autre (des nains sur la bûche ? Que fait la censure médiatique ?). Elle les déplace chacun à une extrémité. On lui a dit, à la puce, que le plastique ne craint rien ? Que l’éloignement n’est pas un principe dans l’existence, mais une mesure temporaire ? Cette gamine est un modèle d’autonomie, désabusée et triste. Sa mère lui parle à peine quand elle revient au salon après avoir sauvé le monde : « Tout va bien ma chérie ? ». Tout va bien, c’est Noël, la fête des enfants !

T’inquiète, l’enfant, on va te vacciner et ainsi enrayer l’épidémie ! Les politiques continuent à nous vendre leur produit comme remède miracle, en dépit de tous les démentis. Qui y croit encore, au vaccin contre la transmission ? Notre Premier ministre : « Ma fille me l’a ramené du collège ». Certes. Et si elle avait été vaccinée, non ? J'ai l'impression que l'acte vaccinal a été déconnecté de son objectif médical, qui est de se protéger individuellement d'une maladie. Il n’y a qu’à voir les arguments des parents à la télé. Ceux qui se prononcent en faveur de la vaccination de leurs enfants espèrent la diminution du stress dans la famille, et des écoles laissées ouvertes. Du médical comme remède psychologique et économique. Une injection contre la peur.

Chez nous, on mélange tout, et on sert la fricassée en pâture aux citoyens. C’est ainsi qu’une autre de nos ministres a affirmé sans rire que le passe n’est pas attentatoire parce que « La première liberté individuelle est de ne pas mourir ».

En Belgique, ils ont une très sérieuse théorie de l’emmental. — On dirait gruyère, ici, parce qu’on n’a toujours pas intégré que le gruyère n’avait pas de trous — . Un schéma assez parlant existe sur le web. Eux admettent que la tranche vaccin a des trous. Pour la protection d’autrui et la baisse des contaminations, ils comptent sur les autres tranches : masques, mesures sanitaires, restrictions de circulation...

Dans Fluide Glacial, le dessin de Lefred-Thouron présente une femme en train d'accoucher. Un infirmier, une grande seringue à la main, est à l'affût du nouveau-né, "Il lui faut le passe pour sortir". J'ai frémi avant de rire jaune. Le mien attendra. Parmi les dizaines de médecins invités à s’exprimer, un petit nombre explique que piquer les enfants est une ineptie, au bénéfice risque très défavorable. Même s'ils sont minoritaires, il suffirait d'un pour me dissuader. Consensus en revanche sur le principe de passe vaccinal, qui va nous tomber dessus en janvier. Vu le défilé des variants, je propose d’inscrire un créneau "vaccin" dans nos emplois du temps, juste après le supermarché du samedi.

On ne sait pas où on va, mais on est pressés d’y être. Si j’osais emprunter une réplique à Gad El Maleh (qui aurait du culot de s’en plaindre) :

« Saumon ! Les gars y vont t’attraper y vont t’fumer ! »

Heureusement, belle-doche s’est détendue direct sur le covid, quand elle a constaté qu’aucun d’entre nous ne rebondissait. Ce que je n’ai pas su vous épargner. Oups, désolée, moi qui tournais autour DU sujet sans y sauter à pieds joints depuis deux ans, voilà que je craque, le jour de Noël en plus. Voyez ce que vous me faites faire ! Des remontées gastriques dès le 24… La faute à la télé.

La honte, les références de ce chapitre. La télé ! J’avoue qu’on la regarde trop en ce moment. Enfin pas tant que ça, parce qu’on est tellement crevés tous les deux qu’on s’endort devant. Joseph milite contre les séries, qui nous transforment en récepteurs captifs, inactifs et uniformisés de fictions américaines aux grosses ficelles. Pas mieux. On évite le danger en s’affalant face aux programmes de début de soirée et en se levant à tour de rôle pour cuire le repas, pendant la pub. On prend prétexte de démonter les rouages de la communication institutionnelle, ça nous fait paraître plus intelligents, moins gobeurs de salades. C’est avaler tout rond qui est mauvais pour le transit. Mauvaise assimilation des concepts. Accumulation des graisses cachées. Rebranchez vos méninges, les gens ! Cela requinque de se sentir vivant. Pour Noël, offrez-vous le bracelet connecté qui compte votre nombre de pensées critiques.

Demain, Noël. Encore. Chez la mère de Joseph. J’ai du mal à comprendre comment je suis passée en quelques semaines de « pas de famille » à deux familles, et bientôt une cellule à moi.

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