Par ailleurs I

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GERGO, ZAYA, STEPO, ARINA ET PETITE ZAYA

Zaya coupait des courgettes en fines lamelles, pour le repas du soir. A ses pieds, Stepo et Arina, qui venaient d'effectuer la récolte au jardin, jouaient sur le sol de terre battue. Allongés par terre, ils s'amusaient avec des bouts de bois qu'ils avaient ramassés au cours de leur après-midi dans les champs, et Zaya était heureuse qu'ils puissent s'offrir ce moment de repos et de jeu.

Elle disposait une troisième couche de courgettes dans son plat lorsqu'elle entendit le cri.

Elle comprit immédiatement.

Peut-être Gerpo avait-il crié quelque chose, là-bas au loin, ou peut-être avait-il seulement hurlé de terreur, mais elle comprit tout de suite. Les bruits sourds qui suivirent ne tardèrent pas à se transformer en aboiements, confirmant ce qu'elle craignait déjà.

Laissant tout tomber, elle se précipita à la porte donnant sur la cour arrière, et tandis que les enfants levaient vers elle des yeux surpris, elle leur cria de toutes ses forces de sortir, et de courir.

"Courez ! Courez vite ! Courez jusqu'au village, sans jamais vous arrêter !"

Elle se saisit d'une pelle qui reposait contre le mur, à l'extérieur de la porte, et bien que ne se sachant pas de taille, prit un instant un air farouche. Mais les aboiements se firent plus proches, et plus nombreux, ils semblaient résonner de partout, innombrables et se couvrant les uns les autres. La panique s'empara d'elle, et elle fit une vingtaine de pas en courant de toutes ses forces. Puis elle s'arrêta. Petite Zaya était là-haut, à l'étage. Petite Zaya dormait, sans doute, dans son berceau. Zaya, sa mère, connut le moment le plus douloureux qu'elle eut jamais à affronter.

DES MALFRATS MYSTERIEUX

Assis depuis bien trop longtemps dans le seul endroit suffisamment sombre qu'ils aient pu trouver, il commençait à s'impatienter de ne pouvoir bouger. Les buissons aux branches épineuses ne cessaient de lui rappeler douloureusement de tenir sa position initiale. Il enviait son compagnon, qui lui ne semblait pas avoir à se plaindre de sa place. Plus corpulent, l'énergumène avait pris en toute logique l'espace le plus dégagé entre les arbustes. Lui, le plus petit, sentait son vêtement frotter aux branches et s'accrocher aux épines à la moindre ébauche de mouvement. Un rameau frappait régulièrement contre sa joue. Il était resté des heures sans bouger, sans pouvoir repousser la satanée capuche qui lui tombait sur l'oeil, sans pouvoir détendre ne serait-ce qu'un orteil, sans pouvoir ouvrir sa cape pour laisser passer un peu d'air frais et sécher sa sueur. La nuit était tombée depuis longtemps, mais l'air restait lourd et chaud, rendant son immobilité encore plus insupportable.

Au comble de l'agacement, il se mit à marmonner des insanités dans une langue toute en consonnes chuintantes et sonores.

Cela dura quelques minutes. Puis, un coup de coude de son voisin, qui pouvait donc, lui, se permettre ce geste, l'arrêta brusquement.

A une trentaine de mètres de leur cachette, un jeune homme fantomatique traversait les buissons les plus ras et alla frapper à la porte.

UN FERMIER ET SON PETIT FILS LOUIS

"Alors tu vois Louis, nous, on nommait un délégué, haha, j'ai fait ça une fois, moi, c'était pas de la rigolade, fallait s'habiller bien et tout, pas question de montrer de la crasse derrière ses oreilles, ha ça non, et donc, là, le délégué, il montait à la ville, voir le préfet, mais oui, à Bel-Taroum, on avait un préfet, oh bah, à l'époque c'était pas un marrant celui-là, je parle de quand j'y suis allé, parce qu'après c'était un autre, enfin, bon, ça change pas grand chose, les préfets c'est les préfets, on va jamais en tirer du jus de carotte, alors, on y va, enfin, quand j'étais délégué, et on lui dit, au préfet, qu'il serait temps qu'on arrose nos cultures, là, parce que c'est le moment, si on attend trop tout va sécher sur pied, mon gars, bah, on aurait pu lui parler mesmèze au préfet, là, de toute façon il n'y connaît rien à la culture des herbes, lui, peuh, tu crois qu'il aurait jamais tenu une binette de sa vie ? ça lui aurait crevé les mains, oui, c'est pas pour lui ces choses-là, mais bon, tu penses bien, nous on insiste, on n'a pas besoin qu'il comprenne les champs, notre ami préfet, on a juste besoin qu'il fasse venir la Reine, alors comme on insiste, il dit d'accord je m'en occupe vous l'aurez votre pluie, hahaha, bon après c'était un peu long, il a fallu attendre un bon moment, et on a vraiment cru que les plantes allaient y passer, parce que côté nuages y avait rien cette année là, quoi ? si j'ai vu la Reine, ha ben non, mon gars Louis, tu penses bien, sûr que non, c'est pas au village qu'elle viendrait la Reine, c'est à la Tour de Bel-Taroum qu'elle va, et là, tu verrais ça mon p'tit, la Reine, avec tous ses froufrous qui brillent, là, oui, oui, j'y étais pas, on m'a raconté, alors elle arrive dans son carrosse, et tout le monde de s'aplatir devant elle, c'est quand même pas tous les jours qu'on voit une Reine de la Lignée, et elle, tu vois, elle monte tout en haut de la Tour, et elle regarde de tout là-haut, elle a vue sur toute la région là, et hop, enfin là je sais pas, elle fait ses trucs magiques, on m'a pas raconté, ça, mais au bout d'un petit moment y a un grand vent qui arrive, et qu'est-ce qu'on voit à l'horizon, mais mon gars, des tas de gros nuages pleins de pluie, prêts à se déverser sur nos récoltes, ha ben là je peux te dire, elle a bien fait les choses la Reine, parce qu'au début, on se dit, hé mais ça va tomber en torrent, il ne va rien rester de nos plantes, mais non, c'est là que c'est fort, la Reine, mais là je te parle à l'époque, parce que maintenant c'est plus comme ça, on n'a plus qu'un roi qui sait soulever les cerfs-volants, bah, la Reine, alors, elle amène les gros nuages noirs, mais elle les fait se vider en petite pluie fine, oh, ça c'était trop beau, j'en aurais pleuré, cette belle petite pluie fine sur nos champs, et qu'est-ce que tu crois, elle arrose toute la région comme ça, mais c'est pas fini, il en reste encore, des nuages, mais oui, alors qu'est-ce qu'elle fait, la Reine, et bien elle les envoie faire un deuxième tour sur tous les champs du duché, alors là, tu penses bien si j'étais content, parce que ça je vais te dire, c'est une Reine qui pense à son peuple ça, c'est pas elle qui nous oublierait et qui nous laisserait à la merci du duc et de ses impôts, qu'est-ce que tu veux, maintenant c'est comme si y avait plus de roi, mais il peut toujours attendre le duc, hein, parce que bientôt la fête sera finie pour lui, il y aura une nouvelle lignée, et là on aura de la pluie et des bonnes récoltes et pour les impôts, on lui tirera la langue, au duc."

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