Episode 4
Je suis dans ma chambre, dans la vraie, celle où le prénom « Mélanie » est peint sur la porte. Je n'arrive plus à entrer dans celle d'Anna, je me sens mal à l'aise, j'ai l'impression de lui manquer de respect.
Cet accident de voiture, il y a quelque chose qui cloche. Je sens qu'il me manque une information, j'ai cette sensation qui creuse comme un trou au fond de moi, comme si j'étais coupable de quelque chose et que je le cachais aux autres et que cette culpabilité me rongeait de l'intérieur.
Malgré tout ça, Jun est là pour moi. Depuis que j'ai retrouvé une partie de ma mémoire, j'en ai parlé avec lui, sans lui donner tous les éléments, bien sûr. Il ne sait pas qu'il parle à un fantôme amnésique. Il sait juste que j'ai perdu ma sœur dans un accident et que je m'appelle Mélanie et non Anna. Je pensais qu'il arrêterait de me parler en apprenant que je n'avais pas donner mon vrai prénom. Mais non. On continue de discuter comme si rien ne s'était passé.
Ce que je trouve un peu étrange, après tout ce n'est pas une réaction normale, il n'a même pas cherché à savoir pourquoi. Pourquoi j'avais menti sur mon identité, pourquoi je dévoilais mon vrai prénom maintenant sans aucune explication, car il est vrai que je n'ai même pas cherché à me justifier quand je lui ai annoncé que je m'appelais Mélanie.
Me cacherait il quelque chose lui aussi ?
Non ! Ça suffit, arrête de te méfier de tout Mélanie !
On a donc continué comme avant et on a vraiment commencé à se rapprocher. Lui raconter que ma sœur était morte dans un accident de voiture m'a fait beaucoup de bien, j'étais contente de pouvoir me confier à lui et lui semblait heureux que je lui fasse confiance même s'il a respecté mon deuil.
C'est peut-être pour ça qu'il n'a pas cherché à en savoir plus sur mon histoire de prénom.
Je regarde mon téléphone, hier je me suis endormie en plein milieu de la conversation, comme ça sans prévenir, et je constate qu'il m'a posé une question qui est resté sans réponse. En la lisant je me fige.
« Toi et ta sœur, vous êtes jumelles ? Parce que sur ta photo de profil j'ai l'impression que c'est le cas. »
Suivis d'un second message un long moment après.
« Si c'est trop dur ne répond pas, je n'aurai pas dû te poser cette question, je suis désolé »
Puis d'un troisième et dernier message.
« Ça va ? »
Je souris avant de regarder la photo en question et il n'a pas tort, on se ressemble comme deux gouttes d'eau. Il est temps que je parte à la recherche de l'album photo de la famille pour vérifier ça.
Après avoir recouvré une partie de mes souvenirs, j'ai eu l'impression d'étouffer et je n'avais pas la force de continuer à fouiller de peur de ce que je pourrais découvrir mais discuter avec Jun m'a beaucoup aidé et je me sens prête à relever un nouveau défi.
Je pose le téléphone sur mon lit et part en vadrouille dans la maison à la recherche d'un indice.
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Je regarde mon téléphone et je n'ai toujours pas de réponse. Je suis trop con. Elle me raconte qu'elle a perdu sa sœur dans des circonstances horribles et moi je lui demande si elles sont jumelles. Je suis vraiment très bête. Même les gars me l'ont dit. C'est pour ça que plusieurs heures après n'ayant toujours pas de réponse de sa part je m'excuse de lui avoir posé une telle question. Mais même maintenant en relisant mon message je me trouve froid.
Et si elle regrettait de m'avoir fait confiance ? Si elle voulait qu'on arrête de discuter ?
Ça m'inquiète...
Je vais attendre, il lui faut peut-être juste du temps pour dépasser ça. De ce que j’ai compris c’est assez récent, ça ne doit pas être évident pour elle, surtout si elles étaient aussi proche que je le pense.
Jim Do s'approche de moi.
- Toujours pas de réponse ?
- Non... Tu penses que je l'ai blessé ?
- Je n'en sais rien, mais je ne pense pas, de ce que tu m'as dit elle m'a l'air de quelqu'un de fort, il doit y avoir une autre raison pour qu’elle ne t'ait pas répondu, ne t'inquiète pas. Ça fait combien de temps que vous discutez ?
- Ça fait un peu plus d'un mois il me semble. On s'entend plutôt bien. Je sais pas trop comment l'expliquer mais si je ne discute pas avec elle au moins une fois par jour j'ai l'impression qu'il me manque quelque chose.
- Oooh ! Mais dis donc, te serais-tu attaché à quelqu'un d'autre que nous ? À une fille en plus ! Une étrangère de surcroît ! Waaa je ne pensais pas que ça...
- Oh eh ça va maintenant, à croire que je suis un monstre qui pense que boulot et qui n'est pas sociable. J'apprécie d'autres personnes à par vous tu sais ? Je le coupe en ne plaisantant qu'à moitié.
- Ah vraiment ? Qui donc, donne-moi juste un exemple.
- Hum et bien voyons voir, il y a ma mère, mon père, mon petit frère...
- La famille ça compte pas, tu triches là !
- Bon et il y a Gil Bong aussi.
- Votre chien ? Et il ne fait pas partie de la famille lui ? C'est bien ce que je disais, à part nous tu n'as personne, heureusement que Mélanie est arrivée, ça va te décoincer un peu.
- 형 (*) ! Je ne suis pas coincé !
- Si ! Sauf quand tu es sûr scène mais ce n'est pas pareil là, tu n'as pas vraiment le choix pour les fans.
- 형 (*) et toi ça se passe comment avec ton correspondant, ça va ?
- Ça va très bien avec Ayano, occupe-toi de te rabibocher avec ta Mélanie compris ? Et ne t’inquiètes pas je suis sûr que ça ira, si ça se trouve c'est juste qu'elle avait des choses à faire ou... Ou tu as fait attention aux heures de décalage ? Si ça se trouve c'est juste à cause de ça...
- Oui tu as sûrement raison, mais d'habitude elle me prévient quand elle va se coucher...
Le manager nous appelle, il veut qu'on reprenne l'entrainement de chant. Je range mon téléphone et reprend ma place, prêt à travailler.
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Je pense que j'ai trouvé ce que je cherchais dans une autre pièce de la maison. Dans le bureau, sur les étagères de l'une des bibliothèques, j'ai fini par trouver ce qui m'a l'air d'être l'album photo de la famille.
Je m'installe à même le sol et je l'ouvre doucement, comme si j'avais peur que les pages ne s'effritent entre mes mains. Je trouve d'abord de nombreuses photos de mes parents et de leur mariage et enfin sur certaines photos apparait le ventre rond de ma mère. Quelques pages plus loin nous naissons. Toutes les deux, le même jour, le 28 juin 1998 d'après la date griffonnée dans un coin au crayon gris. C'est vrai alors, nous sommes jumelles. Pourtant cette nouvelle ne me perturbe pas autant que les autres, comme si malgré mon amnésie je l'avais toujours su quelque part au fond de moi.
Je passe le reste de la journée à regarder cet album, je contemple ces souvenirs figés sur du papier photo pour essayer de ramener ceux que j'ai oublié, pour trouver la clé de l'endroit où ils sont enfermés.
En vain.
Je retourne dans ma chambre et reprend mon téléphone. Je relis les derniers messages de Jun et je souris. Je lui envoie un message pour le rassurer, lui dire que je me suis endormie et que je n’ai pas eu le temps de le prévenir que je me couchais. J'en profite pour lui répondre et confirmer que nous sommes bien jumelles.
Vingt minutes plus tard je reçois un message de lui, il part sur un sujet complètement différent comme s’il avait décidé que le sujet de la famille était trop sensible pour en parler maintenant, il a dû avoir peur que je décide ne plus lui parler après sa question sur ma sœur.
Mais je ne pourrai pas faire ça, en un mois je me suis habituée à lui, je l'ai intégré à ma vie, ou en tout cas à ce qu'elle est devenue. Je ne peux pas faire une croix sur lui. Il est ma soupape de sécurité comme sur les cocottes minutes, je lui dis tout. Sauf ma situation évidemment. Si j'avais su un mois plus tôt que le type dont je me méfiais allait devenir mon confident. Je ne sais pas trop comment expliquer ça, peut être suis-je moins prudente puisque je suis un fantôme et que je ne me sens pas en danger, peut-être aussi parce qu'il vie en Corée du Sud et que je me dis qu'il est un petit peu loin pour me faire du mal, physiquement en tout cas. Peut-être qu'à cause de tout ça et d'autres raisons que je ne perçois pas, je me suis permise de m'ouvrir autant à lui le poussant à faire pareil. C'est surtout pour ça qu'on est devenue très proche en un peu plus d'un mois, d'après moi.
Je continue de discuter avec lui un long moment jusqu'au moment où c'est lui qui ne me répond plus. J'ai encore du temps avant de ressentir la fatigue et d'avoir besoin de me coucher.
Je ne sais pas quoi faire.
Ça fait un moment que je ne suis pas sortie de la maison.
Je décide donc d'aller faire un tour dehors. J'aimerais bien dire que je suis contente de sentir la brise sur ma peau et la chaleur des rayons du soleil mais je ne peux pas. J'essaye de me souvenir de ce que ça pouvait donner mais la seule chose qui me vient c'est une certitude.
Je sais que c'est une sensation très agréable.
Sans savoir pourquoi, mes pas me mènent jusqu'au cimetière. Celui où il y a Thomas. Celui où ma sœur est enterrée. J'entre et avance entre les différentes tombes jusqu'à repérer la petite voiture de golfe de Thomas. Je le rejoins doucement, je ne veux pas lui faire peur, ça fait pratiquement un mois que je ne l'ai pas vu, il m'a sûrement oublié.
En tout cas moi je n'ai pas oublié son comportement, je me méfie donc, et l'aborde doucement.
- Coucou Thomas. Je ne t'ai pas trop manqué ?
- Encore toi ?! Mais jamais tu me lâches ?
- Eh oh ! Sois un peu plus gentil, je t'ai rien fait de mal !
- Mais tu viens me voir tous les jours !
- Pardon ? Ça va bientôt faire un mois que je ne suis pas venu te voir. Tu ne vois pas le temps passer ou quoi ?
- Si je vois bien le temps passé, je sais que ça fait plus d'un mois que tu as débarqué dans le cimetière et que je t'ai sur le dos au moins une fois par jour. Tu ne sais pas quoi faire ? Je ne sais pas où elle est ta sœur moi, alors laisse-moi tranquille.
Je le regarde sans rien dire. Mais de quoi il parle ? Comment sait-il que j'ai une sœur ? Et puis je ne suis jamais venu le voir tous les jours...
Je n'y comprends plus rien.
A moins que...
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Il est tard, nous sommes fatigués mais nous devons absolument terminer cette chorégraphie. Nous continuons donc de nous entraîner. Viens le moment où je dois faire une pirouette au-dessus de Hae Kuk avant de retomber en position accroupie pour clore la chorégraphie, je ne maîtrise pas encore très bien ce passage mais je n'ai pas le choix. De toute façon si je ne m'entraîne pas je ne le connaîtrai jamais et je décevrais les fans.
Je me prépare et je saute.
Alors que je pivote dans les airs je sens que quelque chose ne va pas. Je n'ai pas le temps de réagir, seulement de réaliser que je ne vais pas retomber comme prévu.
Je m'écroule sur le sol de la salle d'entraînement la tête la première. Hae Kuk est le premier à se précipiter sur moi, ils ont tous un masque terrifié sur le visage.
Ils crient mon prénom.
Le manager arrive.
Tout ça se déroule en seulement quelques secondes.
Je sens un liquide chaud et poisseux m'inonder le visage puis un voile noir s'abat sur mes yeux.
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(*) Ggrand frère (romanisation (형): hyung)
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