Que voulez-vous, à nos âges on ne se refait pas.

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Eyge continue de me fixer.

- Alors?

- Hum...

Sincérement j'en ai ras le bol de cette journée. Il fait gris. Il fait froid. La neige recommence à tomber.

Je lève un peu la tête, discrètement.

- Je te vois tu sais...

Ok ok, je ne vais pas m'en sortir... Eyge ne lâchera pas l'affaire et on ne dormira pas bien au chaud ce soir.

- Vraiment tu me décois...

- Hum...

Je soupire et gratte un peu les flocons déjà accumulés.

Cette forêt ne me dis rien qui vaille. Les arbres sont trop hauts et trop sombres. La lumière y est trop épaisse. Non vraiment, on devrait faire demi-tour.

Eyge ramasse son paquetage et serre un peu plus son chaperon de fourrure.

- Avec ou sans toi j'y vais.

- Hum... et je soupire un grognement peu convaincu et peu convainquant.

Puis c'est vraiment pas du bon travail. Je crois que je préfère encore filer un vieux brigand alcoolique qui ne se serait pas lavé depuis des jours... Les sorciers se croient malins, à dissimuler leur magie, mais ils n'ont aucune idée de l'odeur qui les entoure et qu'ils laissent partout comme un trait d'encre noir.

Eyge a fait quelque pas et se retourne vers moi.

- Aller, je sais que tu n'as pas envie mais je sais aussi que tu as la piste.

Non j'ai pas envie. Je suis trop vieux pour apprécier la morsure de l'hiver. J'ai trop goûté au moelleux des tapis et au bercement d'un âtre bien chaud.

- C'est ce vieux qui t'a pourri! rigole Eyge.

Que répondre? Ben oui... C'est tout le confort d'oncle Rän, juste au début de l'automne, qui m'a fait rêver à un hiver sous un toit.

- Retournes y si tu veux, c'est pas si loin, rajoute Eyge en partant d'un pas résolu vers les arbres épais.

Et plus elle s'approche des troncs immenses et plus je me dis que je ne vais pas la lâcher ici, maintenant, juste pour des couvertures. Puis entre vous et moi, je n'ai pas froid. Alors c'est ça, on est reparti pour un tour? Des jours de traque en pleine nature...

Que voulez-vous, à nos âges on ne se refait pas.

- J'arrive!

Mon aboiement est bas et bref, mais je sais qu'elle m'a entendu. Je sais qu'elle a esquissé un léger sourire. Elle sait que je vais vite la rattraper parce que finalement la neige ne me gêne pas vraiment avec mes grosses pattes larges.

- Pas trop tôt, murmure-t-elle, me flattant la tête quand je passe à sa portée avant que je prenne de l'avance, le museau sur ma piste.

Adieu tapis et cheminée.

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