Chapitre 3

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Jiwon fixait le plafond, l’esprit vide. Un instant, il se surprit à compter les taches qui y étaient. Quel genre de taches cela pouvait-il être ? La question effleura son esprit pendant une fraction de seconde, mais à quoi bon se perdre dans des pensées futiles dans un monde qui n’existait presque plus ? Il se redressa lentement. La soupe qu’il venait d’avaler l’avait réconforté, il se sentait déjà un peu mieux. Ses muscles étaient encore douloureux, mais la douleur était moins vive qu’auparavant. Peut-être qu’il pourrait marcher sans craindre de s’effondrer à nouveau. Il n'était plus si faible qu’avant.

Des voix dans le couloir le ramenèrent à la réalité. Curieux, il tourna la tête vers la porte. Celle-ci s'ouvrit lentement, et l’homme qui l’avait accueilli jusqu’à présent entra dans la pièce, accompagné d’une femme dont le regard était aussi dur et impassible que l’acier. Son visage semblait marqué par les épreuves, chaque ligne gravée par des années de lutte. Rien qu’en la regardant, Jiwon ressentait qu’elle avait vu la souffrance sous toutes ses formes.

L’homme tendit une chaise à la dame, puis s’assit lui-même sur le bord de la table, où quelques instruments médicaux étaient éparpillés. Il observa Jiwon avec un regard tranquille, presque comme s’il mesurait la situation.

— Comment te sens-tu, jeune homme ? demanda-t-il d’un ton détaché, mais sa voix trahissait une nuance d’intérêt inattendue, une lueur de bienveillance dissimulée sous sa façade calme.

Jiwon, instinctivement, tourna les yeux vers la femme. Elle fronça légèrement les sourcils, le regardant d’un air ferme. Pourquoi ce geste ? Avait-il besoin de l’approbation de cette femme avant de répondre ? Ses yeux sombres le scrutèrent intensément, et il ressentit une certaine tension dans l’air, comme si la dame pesait chaque parole qu’il allait prononcer. Mais en même temps, il sentais que cette femme était fiable. Elle imposait le respect, mais il n’avait pas à se méfier d’elle.

— Je vais mieux, merci. C’est grâce à vous, répondit-il finalement, sa voix un peu hésitante mais reconnaissante.

L’homme éclata d’un rire nerveux, un peu forcé. Un contraste avec la gravité de la situation qui le fit légèrement sourire.

— Rien ne sert de me vouvoyer, dit-il, sa voix plus chaleureuse maintenant. Ici, tout le monde se tutoie. On est comme une grande famille, même si... il faut toujours garder un œil sur tout le monde. La vigilance est de mise.

Jiwon hocha la tête, sans vraiment savoir quoi répondre. Il se sentait encore un peu perdu dans cette nouvelle réalité, tout comme dans cet étrange microcosme qu’était la maison. Une fois de plus, il tourna son regard vers la femme. Elle avait les bras croisés, et ses yeux perçaient Jiwon de manière presque implacable. Elle semblait évaluer chaque centimètre de lui, comme si elle pouvait lire en lui tout ce qu’il ne disait pas.

Elle posa alors sa tête dans ses mains, les doigts entrelacés sous son menton, et le fixa de manière pénétrante.

— Je pense qu’on ne va pas t’appeler « jeune homme » indéfiniment, commença-t-elle, d'une voix ferme et assurée, mais sans hostilité. Et si nous nous présentions ? Comment t’appelles-tu ?

Jiwon resta figé un moment, un peu déstabilisé par la question. C’était comme s’il avait soudainement oublié son propre nom, ce qui le fit hésiter un instant avant de répondre.

— Pour ma part, je m’appelle Hyunseok, dit l’homme en souriant légèrement. Mais tout le monde m’appelle Hyun. C’est plus court, même si honnêtement, mon prénom entier n’est pas si long à prononcer.

— Quant à moi, je m'appelle Seojin.

Elle avait prononcé ces mots d’un ton ferme, presque glacial, sans l’effort de détendre l’atmosphère, contrairement à Hyunseok qui avait tenté de faire régner un peu de légèreté.

— Et toi, alors ? continua-t-elle, sans pour autant adoucir sa voix.

— Euh… moi, je m'appelle Jiwon.

L’homme hocha lentement la tête, son regard se faisant plus intense.

— Ici, tu es en sécurité, Jiwon. Tu sais qui nous sommes ?

— Je n’en ai aucune idée…

Hyunseok lança un regard furtif à Seojin, et elle, sans rien ajouter, inclina légèrement la tête. Puis, l’homme reprit :

— Nous sommes un groupe de… "rebelles", comme nous appellent les autorités. Même si, entre nous, tout le monde s’accorde à dire qu’on ne fait rien de rebelle. Disons qu’on préfère vivre à notre manière, loin des règles imposées. Il y en a quelques-uns qui ont préféré partir, quitter cette vie. Je suppose qu’ils ont cru qu’ils pouvaient aller rejoindre le camp militaire le plus proche. Mais je parie que, avant d’y arriver, ils ont plutôt fini comme casse-croûte pour les créatures qui rôdent dehors.

Jiwon avala sa salive, une boule se formant dans sa gorge.

— C’est à toi de voir si tu veux rester ici, ou si tu préfères te plier aux ordres militaires. Je ne sais pas ce qui est le mieux. Mais pour ma part, je me sens plutôt bien ici. Il y a un petit groupe parmi nous, et j’en fais partie, qui sort une ou deux fois par semaine pour chercher des plantes comestibles. C’était ton jour de chance, mon petit bonhomme. On a bien cru que tu étais mort.

Un silence lourd s’installa, pesant sur la pièce, comme si chacun attendait que Jiwon digère les informations qu’on venait de lui donner. C’était vrai qu’il avait eu de la chance, mais cette chance, combien de temps durerait-elle encore ?

— Très bien ! s’exclama soudain l’homme en se levant d’un coup, faisant remuer quelques instruments médicaux sur la table.Si tu n’as pas de questions et que tu te sens assez fort pour marcher, je t’invite à nous suivre. Il est temps que tu rencontres ta nouvelle famille.

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