2. Départ

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Victor redémarre en trombe sauf que ça ne sert à rien, nous apercevons déjà une énorme masse de poils se diriger vers nous à toute allure. Babines retroussées, un second hurlement sort de sa gueule. Je reconnais le pelage gris de Louis à l'instant même où il percute le flan de notre véhicule.

Il n'en faut pas plus à Victor pour perdre le contrôle et nous amener droit dans une montagne de débris. Je rage contre sa maladresse mais il ne m'entend pas, il s’est assommé contre le volant, et de minces gouttes de sang coulent d'une entaille qu’il a au front. Décidément, je suis tombée sur le pire protecteur qu'une chasseuse puisse avoir. D’ailleurs comment a-t-il su que j’étais en danger ?

Je n'ai pas le temps de me poser plus de questions, ma portière est arrachée dans un énorme fracas, pour laisser place au visage d'Hugo. Je ne peux pas faire un seul geste et il en profite pour m’empoigner. Il m'attire à lui avec force, et je suis incapable de riposter trop estomaquée par la situation.

Une chasseuse qui se fait chasser, non, mais je rêve !

En attendant, j’ai beau râler, je me retrouve perchée sur l’épaule d’Hugo qui m’assoit sans mon accord au volant de leur voiture. Il n'y a aucune logique à ça et je pourrais m’enfuir au moment où il va faire le tour du véhicule. Sauf que mon plan tombe à l'eau lorsque Louis se glisse à côté de moi.

— Bien installée, princesse ? me demande-t-il le sourire aux lèvres.

— Non ! Et c’est quoi tout ce cinéma ? Tu étais obligé de te transformer pour m'attraper ? m'énervé-je en me tournant pour ouvrir la portière et descendre de cet habitacle.

Encore une fois, je rêve. Les portes sont closes et il est impossible de les ouvrir. Foutue poubelle sur roues ! Je me résigne, croise les bras sur ma poitrine et me retourne pour fixer mon regard dans celui de Louis. J'aimerais pouvoir le foudroyer sur place, mais rien ne se passe. En même temps, je ne suis qu'une humaine.

Notre duel est interrompu par Hugo et sa sœur qui s’installent à l’arrière. Ils nous observent quelques secondes, avant de souffler et de s'attacher. La sécurité avant tout ! Très drôle ! Plus sérieusement, ils pensent faire quoi là ? Me forcer à conduire leur épave ? Je remarque un petit signe passer entre les deux frères, puis Louis prend la parole, tel le chef qu'il croit être.

— Tu es bien installée ? me demande-t-il d'un ton sarcastique. Démarre maintenant, avant que ton soi-disant protecteur ne se réveille, exige-t-il en tournant la clé dans le contact.

Le moteur de leur tacot crachote, ce qui prouve bien qu'il peut tomber en morceaux à tout instant mais ça n'a pas l'air de perturber mes trois compagnons. Bien au contraire, Louis me pose la main sur le levier de vitesse pour que j’enclenche la première. Il attend quoi au juste ? Que ma curiosité l'emporte et me fasse conduire sans poser de questions ?

— Tu pourrais lui laisser une chance de comprendre au lieu de grogner ! intervient Lucia, la cadette.

Sauf que seul un râle de gorge lui répond. Je me sens perdue, j'ai l'impression de faire face à un dialogue de sourds alors qu'ils ne prononcent aucune parole. Nous voilà bien… Hugo quant à lui observe la scène en soupirant, comme s’il avait déjà vécu cette situation des milliers de fois. Dans quoi je me suis encore embarquée ? Et où veulent-ils aller avec moi ?

— Dépêche-toi, Kiera ! Actionne la marche avant ! me hurle Louis.

— Tu devrais lui dire la vérité, elle ne nous suivra pas sinon… souffle Lucia, essayant de ramener son grand frère à la raison.

— Non ! répond-t-il sans autre fioriture. Kiera, s'il te plait, fait confiance aux monstres pour une fois, me supplie-t-il presque.

Faire confiance aux monstres, à un loup et deux satires… des êtres qui aiment le sang autant que les hommes aiment le chocolat. Difficile de prendre cette décision pourtant en mon fort intérieur, mon choix est déjà fait. Et même si une petite voix me dicte que je fais une erreur, mon pied droit s'enfonce sur l’accélérateur.

— Très bien, je prends quel chemin ? interrogé-je la bête assise à côté de moi lorsque nous atteignons la sortie de la casse.

— Suis le GPS, me répond-t-il sans sentiments.

— Je suis une chasseuse, je devrais vous pourchasser plutôt que de vous suivre dans votre délire, marmonné-je plus pour moi-même que pour eux.

— Arrête avec tes phrases toutes faites. Nous savons très bien ce que tu es et surtout qui tu es… râle une fois de plus Louis avant de fixer son regard droit sur la route.

Qui je suis… je ne le sais pas moi-même alors comment pourraient-ils le savoir ? De plus, mes parents sont morts quand j’étais toute petite, ce sont les chasseurs qui m'ont recueilli. Ce sont eux qui m'ont élevée et appris à me battre. Et ce sont surtout eux qui m'ont montré les secrets de notre monde. À savoir comment déceler le vrai du faux, le charme de la réalité. Le voile qui protège l’identité des monstres est fin mais il faut savoir passer de l'autre côté pour en voir toutes les possibilités. Et il en existe une multitude.

Nous roulons depuis un moment, ce qui me permet de cogiter sur la situation. Et quelle situation ? Une chasseuse accompagnée ou plutôt enfermée avec trois monstres… une drôle d’équipe que nous avons là, pourtant ça ne me semble pas si étrange que ça en à l'air. Et aussi bizarre que ça puisse être, je me sens à ma place entourée par ces bêtes.

Je deviens peut-être folle, qui sait. Mais j'ai le sentiment que Louis et les deux autres en savent beaucoup plus que ce qu’ils veulent bien me dire. Et j'ai du mal à comprendre comment Victor a pu savoir que j’étais en danger. Il est arrivé bien vite pour un chasseur au repos… J'en fais sûrement tout une histoire pour rien mais seul l'avenir nous le dira.

En attendant, ça fait près de trois heures que nous roulons et je n'en peux plus. C’est bien dit dans la prévention routière pourtant ! « Faites une pause toutes les deux heures. » Elle est où ma pause ? Sérieux, même Hugo et Lucia sont endormis à l’arrière… c’est vraiment n'importe quoi ! Et mes nombreux regards en biais vers Louis, ont l'air de ne rien y changer…

— Arrête de me fixer, princesse ! me surprend le principal concerné alors que je lui jette un regard de furie.

— Pourquoi faire ? ruminé-je telle une enfant.

— Évite juste d’avoir un accident. Si nous nous faisons arrêter, nous les trois petits monstres, nous serons exécutés comme du vulgaire bétail. C’est ce que tu souhaites ? me demande-t-il en fixant ses pupilles dans les miennes.

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