7. Discussion

5 minutes de lecture

— Arrête-toi, là, me dit Lucia avant même que je n’ai le temps de lui poser une seule question.

Je m’exécute, actionne mon clignotant, et me gare sur un petit terrain de terre. Je coupe le moteur et au premier geste que Lucia tente de faire, je la retiens. Hors de question qu’elle se défile. Elle fronce les sourcils, m’explique qu’on va s’asseoir à l’extérieur de la voiture pour discuter, alors je la lâche et fait le tour du véhicule pour la rejoindre au moment où elle en descend.

Je ne nous laisse pas le temps de nous éloigner de cette poubelle sur roues, que je l’assomme de questions. La première étant bien entendu en lien avec Louis. « Pourquoi est-il toujours là quand je me mets en danger ? Pourquoi a-t-il dit qu’il avait été missionné pour me protéger ? » Et bien sûr, la question qui clignote en gros dans ma tête…

— Qui je suis ? interrogé-je la jeune fille qui s’installe sur le capot encore chaud de notre automobile. Et ne fais pas semblant de ne pas comprendre ! dis-je en la voyant déjà hocher la tête comme pour me dire qu’elle ne sait rien.

Elle croise les jambes, les remet droites, et finit par poser ses mains sur ses genoux, en plongeant ses pupilles dans les miennes. Elle cherche une étincelle, comme une lumière de lucidité en moi, que je n’ai pas. Et je vois bien que ça la contrarie. Sauf que je ne peux rien y faire, à moins qu’elle ne me parle.

— Louis va être en colère, si je te parle sans son accord, annonce-t-elle de but en blanc.

— Pourtant, c’est toi qui m’as demandé de m’arrêter. C’est bien que tu souhaites discuter, dis-je comme une évidence.

Elle hausse les épaules ce qui a le don de me frustrer. Décidément, ces trois-là ont une sacrée volonté de garder le secret ! Mais j’ai besoin de savoir pour avancer plus loin avec eux. Pour continuer cette aventure dans laquelle je me suis lancée les yeux fermés et la tête la première. Ils le savent autant que moi, en revanche, je vois bien dans le regard de Lucia qu’une décision difficile doit être prise.

— Louis, il… C’est ton protecteur, souffle la jeune satyre en attendant ma réaction.

— Je ne comprends pas, je n’ai rien de spécial. Pourquoi on m’aurait assigné un protecteur du monde des monstres ? lui demandé-je en venant m’installer près d’elle.

— C’est son devoir de te protéger au péril de sa vie, c’est même un privilège pour lui, m’avoue-t-elle, m’intriguant de plus belle. Et alors que je m’apprête à lui poser une nouvelle question, nous sommes interrompus par un grognement.

— Stop ! Ne dis plus rien ! hurle Louis, qui sort en trombe du véhicule pour se poster devant sa sœur.

Louis s’immobilise, tel le grand méchant loup qu’il n’est pas, bombant le torse et croisant les bras sur ses pectoraux bien formés. Il fronce les sourcils furieux que sa sœur ait ouvert la bouche, et m’observe du coin de l’œil, cherchant à déceler si je vais partir ou rester. Mais il se plante et se met les doigts dans le nez, s’il pense que je vais les lâcher sur cette place.

En plus, je serais seule, sans moyen de contact avec les chasseurs, et perdue, je ne sais où, sur une route qui mène au fin fond du territoire. Louis se rapproche de sa sœur, l’air de plus en plus menaçant, et commençant à se racler la gorge. De quoi, en faire fuir plus d’une. Cependant, en bonne chasseuse suicidaire que je suis, je me lève et m’interpose entre eux, croisant les bras pour imiter le loup.

— Calme-toi tout de suite ! dis-je d’une autorité que je ne me connais pas.

Le frère et la sœur semblent étonnés de mon intervention. Ils me fixent tous les deux attendant la suite qui ne vient pas. Je les regarde tour à tour, cherchant quoi dire d’autre. Mais, je reste silencieuse. Enfin… C’est de courte durée, parce qu’on est vite rejoint par Hugo, réveillé par nos cris. Ils s’installent de suite aux côtés de sa sœur, et ils murmurent, sûrement dans l’intention de se mettre au courant des derniers événements.

— Parle maintenant ! ordonné-je à Louis en me plaçant face à lui. Qui je suis ? lui demandé-je en serrant les dents.

— J’ai l’impression que tu n’as pas besoin de moi pour savoir quel est ton rang, princesse, souffle-t-il entre ses lèvres serrées. Tu connais le fonctionnement de notre société, n’est-ce pas ? me questionne-t-il ensuite comme un défi.

— Qu’est-ce que… Oui mais, balbutié-je alors qu’un sourire doux se dessine sur le visage du loup.

La société des monstres… Oui, parce qu’eux aussi, ils ont un gouvernement et une organisation bien particulière. Enfin par gouvernement s’entend monarchie. Un royaume dirigé par un roi et une reine dont l’enfant a disparu, il y a de ça quelques années. Ce sont des monstres de premières catégories, ceux qui sont impossibles à camoufler à l'aide des charmes, et pourtant ce sont aussi ceux qui ressemblent le plus aux humains.

Ces souverains sont nommés, fées de l’obéissance. Et lorsqu’une loi est dictée, que les monstres sont d’accord ou contre celle-ci, ils n’ont pas d’autre choix qu’obéir. Dit comme ça, on pourrait penser à une dictature, et je dirais qu’ils n’en sont pas loin… Mais pourquoi me parler de leur société? Oh ! S’ils sont écoutés de tous, ils ont tout de même des gardes et des protecteurs.

Je vois un peu où Louis veut en venir… Enfin, non pas vraiment ! Je suis une chasseuse, tout le contraire d’une fée de l’obéissance et en plus je ne vois pas du tout quel rapport il y a entre moi, et leur monde. Et puis, quel pourrait être mon rang ? Je crois que je suis encore plus perdue que s’il m’avait dit clairement les choses. Quand, je relève le regard vers le loup, il me fixe.

Et en me retournant, je remarque que son frère et sa sœur font de même. Sauf que je n’ai rien à dire, et l’effet est immédiat chez eux, ils froncent tous les trois les sourcils. Les satyres murmurants ne sachant pas quoi faire avec moi. J’entends un léger, « n’a-t-elle pas compris qui elle est ? » glisser de la bouche d’Hugo vers l’oreille tendue de Lucia.

— Non ! Je ne comprends pas ! crié-je énervée par leur comportement.

— C’est pourtant si simple, soupire Lucia en me souriant. Tu fais partie de notre monde. D’après toi, pourquoi tu as Louis comme protecteur ? Et pour quelle autre raison deux satyres de notre taille, sommes là aussi ? m’interroge-t-elle comme si j’étais une enfant.

— Je n’en sais rien ! hurlé-je en panique.

— Pourquoi aucun monstre n’arrive à lire en toi ? me demande Hugo en soutenant mon regard.

— Je suis juste spéciale, une humaine avec une barrière psychique, énoncé-je sans conviction.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Sandra Malmera ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0