10. Allié ou ennemi
Qui est James ? Un autre chasseur de mon âge, la vingtaine passée, grand brun aux yeux noisette et à la musculature à faire fondre. J’ai grandi avec lui, et c’était mon partenaire d’entrainements préféré sauf que ça, il n’a pas besoin de le savoir. Sinon, je sais déjà quel sourire satisfait, il va coller sur son visage.
Je le fixe alors qu’il est immobile derrière la volant de sa voiture, lui aussi me regardant. Nous attendons l’un comme l’autre, qu’un de nous fasse le premier geste. Nous avons toujours été proches, mais je sens qu’aujourd’hui une partie de moi a changé, parce qu’à présent, je sais qui je suis. Je me demande juste s’il va l’accepter.
Et je n’ai pas longtemps à attendre pour le savoir. En effet, un sourire idiot se dessine sur ses lèvres, je le vois se pencher du côté passager, et ouvrir la portière en grand. Il me fait un signe de tête, et hurle à travers le bruit des moteurs alentours. « Monte ! Dépêche-toi ! ». Je suis à la fois soulagée et surprise par son geste. Je ne fais pas attention à mes pensées quand je m’installe à ses côtés et je sens un, « il est mignon. », voler jusqu’aux pensées de Louis qui ne tarde pas à se manifester.
***
— Tu penses à qui en disant ça ? me demande le loup sur ses gardes.
— James, je lui réponds.
— Oh… souffle-t-il avant de se taire.
***
James n’a rien remarqué de ma petite discussion silencieuse avec Louis, et tant mieux. Ce serait trop long à expliquer. Il me regarde, puis enclenche la première et file droit devant. Pourtant, je m’attendais à ce qu’il fasse demi-tour pour nous ramener à la « cabane », le bâtiment des chasseurs. Mais au lieu de ça, on poursuit notre chemin, talonnant de près la poubelle des monstres.
— On ne rentre pas à la maison ? tenté-je avec une voix innocente.
— Sûrement pas, non ! rage-t-il entre ses dents. Tu es devenue folle ma parole ! s’énerve-t-il ensuite. Tu t’enfuis avec des monstres et tu penses que le conseil va accepter ton retour, comme ça, sans explications ? Tu rêves ! me hurle-t-il dessus.
Décidément, j’ai le don de mettre les hommes en colère, ce soir. Quoiqu’il en soit, j’ai du mal à comprendre où il veut en venir. Oui, je sais qui je suis mais les chasseurs ne le savent pas, si ? Enfin… Je l’espère et en même temps, je comptais sur ça pour donner de l’avance à Louis. Mais, je me suis peut-être jetée toute seule dans la gueule du loup, au final.
— Quelle est la mission ? questionné-je James pour avoir des réponses.
— Je… hésite-t-il en me jetant un coup d’œil en biais. Je n’ai pas très bien compris ce qui s’est dit au conseil, m’avoue-t-il. Ils ont parlé de protecteurs, et aussi, ils ont mentionné le fait que tu as découvert la vérité. Et surtout que tu rentres chez toi, poursuit-il avant de se taire et de continuer à avancer.
— James, tu n’as pas répondu à ma question, lui dis-je en croisant les bras sur ma poitrine.
— Tu es certaine de vouloir savoir ? m’interroge-t-il avec insistance.
Bien sûr que j’en suis certaine, sinon pourquoi est-ce que je lui poserais la question ? Pour un chasseur de haut niveau, il est long à la détente. Le problème, c’est que d’habitude James ne se montre pas si hésitant. Peut-être est-ce parce que ça me concerne ? Non, Kiera, ne prend pas tes rêves pour une réalité ! Et répond au gentil garçon qui est assis à côté de toi.
— Dis-moi, lui dis-je en hochant la tête.
— Je n’ai pas très bien compris… Ils ont évoqué la princesse des monstres, une vérité longtemps cachée et de toi… Et ils ont dit que tu nous as trahi, enfuie avec les enfants de Lucille, et prête à tout pour les sauver contre les ordres, me raconte-t-il essayant de noyer le poisson.
Sauf que je ne suis pas d’accord. Je me tourne vers lui, fixe mes yeux sur son visage, et souffle un bon coup, histoire de lui faire comprendre qu’on n’a pas toute la nuit. Et j’ai la nette impression que les autres chasseurs ont remarquée que le petit James a fait un arrêt, pour m’embarquer. Son téléphone sonne plusieurs fois, son maître-chasseur essaie de le contacter.
— Réponds, suggère au garçon que je pense être mon ami.
Il attrape son téléphone, sa main tremble un peu quand il décroche. Un faible « oui » sort de sa bouche. Génial ! Ils vont nous griller dès le début, à moins que ce soit son intention… Qui sait ? Il me la joue, tout mignon et tout gentil pour mieux m’amadouer. Il se racle la gorge, se redresse tant bien que mal, avec une main sur le volant et l’autre accroché à son téléphone. Vive la sécurité !
Je ne distingue pas ce que son maître lui dit, mais James à l’air contrarié. Un « je sais quelle est la mission. » sort de ses lèvres, et il me jette un nouveau coup d’œil. D’accord, ça parle de moi ! Super, mais j’aimerais vraiment savoir, ce qu’il en est de leur mission. Même si je me doute bien de sa nature… Ramener la défaillante, qu’elle soit vivante ou morte.
James raccroche au bout de cinq minutes de conversation à sens unique. Il balance son portable entre nous deux, et plonge son regard sur la route. Vive l’ambiance ! il nous fait un déjà-vu de la poubelle de Louis… Il marmonne, s’agace, frappe le volant. Je reste silencieuse attendant, qu’il pose la question fatidique, celle qui le fera choisir entre moi et les chasseurs.
— Il faut que tu m’expliques, souffle-t-il enfin. Qui je dois croire ? Toi, ma coéquipière d’entrainements ou ceux qui m’ont appris l’existence des monstres ? me demande-t-il d’un air sérieux.
— Ils vont te poursuivre comme ils le font pour moi, si je te dis la vérité. Et ce n’est pas sûr que tu y crois, une seule seconde, lui annoncé-je d’un ton calme.
— C’est trop tard pour penser aux conséquences, il me semble, dit-il en serrant les dents et resserrant sa poigne sur le volant, même réflexes que Louis. Et puis, je ne vais pas te laisser là au bord de la route, tes petits monstres sont partis, réplique-t-il comme pour marquer ma solitude.
— Je suis loin d’être seule, tu peux me croire, annoncé-je à James.
— Kiera ? m’appelle mon pilote, à nouveau hésitant. Mon maître m’a demandé de te prévenir. À partir de demain, tous les monstres de notre ville vont être chassé et tué. Il a ajouté que si tu savais réellement ce qui est bon pour toi, tu reviendrais vers ceux qui t’ont tout appris, déclare-t-il comme un robot bien programmé.
C’est le choc ! En fait, non. Lucia m’a prévenu, les chasseurs n’ont pas encore montré leur vrai visage, alors peut-être qu’ils sont prêts à tout pour m’avoir, quitte à détruire la paix construite dans notre ville. Prêts à déclarer une guerre qu’ils ne sont pas sûrs de gagner. Il ne me faut pas plus d’éléments pour tout déballer à James, même si je crains qu’il ne freine et me livre à ses congénères.
— Tu te fous de moi ? hurle James à la fin de mon récit. Non… Apparemment, tu dis la vérité, continue-t-il en parlant tout seul. Je suis dans un beau pétrin ! rit-il nerveux. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? me demande-t-il en appuyant sur l’accélérateur.
— On contacte le loup, répondé-je avec un large sourire sous son regard ahuri.
Annotations
Versions