La proie semblait prise au piège. Les trois prédateurs tournaient autour de lui, se jaugeant les uns des autres pour savoir qui dévorera qui et Louison n’était pas du genre à baisser les bras. Au contraire, elle se sentit prête à les tendres, cartes en mains. La jeune femme observa le travailleur sortir sa petite bourse, son visage parsemé d’une honte contenue. Il déposa sur la tapis une pièce de bronze. Le reptile jeta un regard provocateur à la jeune femme qui misa trois sous. L’ours plaqua la partie en s’exprimant de suite :

• Je double la mise !

Le sourire du serpent se crispa alors que le métronome de Louison s’intensifia, provoquant un tourbillon d'entousiasme aux creux de son estomac. La proie, inconfortable, se figea. La valse tempétueuse démarra.

1, 2, 3, 4, 5, 6

Ses phalanges glissèrent sur la surface froide des cartes. Ses ongles rencontrèrent une irrégularité. Louison parcourut du regard ses adversaires, essayant d’analyser chaque détail de leurs expressions faciales, de leurs gestes, des gouttes de sueurs qui perlaient sur leur front. Elle gardait un sourire carnassier et un appetit effrayant.

Roi de Cœur, Roi de Trèfle, Huit de trèfle, Huit de carreau, Trois de Cœur, 12 pièces

• Je me range..., bredouilla la proie.

Le travailleur s'échappa des griffes, effrayé par la tournure des enchères. La valse se poursuivit. Le hasard avait confié de belles cartes à Louison. Le croupier se fit fossoyeur et les balaya du tapis. L’ours ne tarda pas à faire exploser la mise. Le serpent garda une mine concentrée. Son costume légèrement abîmé ne semblait pas de bonne facture. Son camouflage s’éventait.

Pour Louison, seul le réveil de la 7e Colline pourrait compromettre sa soirée. Pour le moment, elle suivait la cadence.