37 - Retour au bercail
Il y eut donc bien un mariage et, émue par la cérémonie (mais surtout ivre de panure), Opale se dit qu'elle allait rentrer à la campagne, retrouver Nénette et tout lui avouer. Elle partit donc le lendemain en taxi, accompagnée par la jeune fille (elle ne l'avait pas reconnue) et cette dernière lui raconta ce qu'elle avait vécu pendant deux ans dans un couvent, où elle était tenue en esclavage, qu'elle avait fait tout ce qu'elle avait pu pour qu'on l'épouse, mais qu'elle n'avait pu obtenir que le mariage ne soit pas contraire à la loi, car le mari n'était pas catholique.
Elle s'était débrouillée avec l'abbesse pour que le mari soit baptisé et consommé un autre, ce qui avait mis à l'écart la religieuse du couvent. Mais il n'y avait pas eu d'épouse au mari. On avait beau s'emmêler la queue, on ne pouvait pas trouver l'épouse.
Les queues, Opale n'y entendait pas grand-chose, mais elle supporta les bavardages de Chloé durant tout le trajet, pour oublier ses propres peines de cœur. De toute façon, elle était seule.
Elle rentra au bercail et se rassit sur le canapé, préférant que les éléments et la foule ne l'entraînent pas à danser.
Quand la ville commença à se désoler de la soirée, elle alla dormir.
Elle était trop épuisée pour fumer.
Au matin, elle s'habilla, reprit sa veste, sa cravate, et laissait ses cheveux retombés en boucles sur son front. Elle n'avait pas envie de remonter la colline.
Le trajet était long. Elle n'avait pas préparé d'allumettes, et elle n'en avait pas besoin.
Elle s'éloigna des lieux à toute vitesse, laissant derrière elle un chemin de terre bordé de nids-de-poule et de tas de paillettes, toutes noires, qui se révélaient des feuilles mortes et des feuilles mortes en train de se mourir.
Elle s'enfonça dans un sentier, des mousses géantes l'accrochaient, elle s'élançait avec rage et le vent la dépassait à chaque bond.
Un peu plus tard, une route bifurquait, un homme se tenait devant elle, en costume gris.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle. Et où est passée Nénette ?
– Qui êtes-vous? répéta-t-il, regardant cette jeune fille d'un air étonné.
– Je suis la fille du capitaine Chose.
– Je ne le connais pas, dit-il.
– Eh bien, ce n'est pas une connaissance, c'est une rencontre. Vous m'avez fait une courte faveur.
Le Capitaine Chose était le père adoptif d'Opale. Il l'avait recueillie quand elle avait fui la ferme. Mais c'est une autre histoire. Pour l'heure, Opale laissa le manant, visiblement ravagé, et reprit son chemin dans les bois à la recherche de Nénette.
Elle avait des frissons lorsqu'elle aperçut le paysage : les champs d'abondance et les lacs, le bruit des eaux, les feuilles et les mousses, les oiseaux et les animaux.
Ça, c'était une autre vie.
Les champs d'abondance sont nombreux et pleins, mais les bois sont plus nombreux encore. Les animaux, les oiseaux et les animaux marins.
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