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 Kalan marchait vite, il pouvait ainsi faire abstraction des personnes qui avait l’habitude de son comportement de sauvage. Il ouvrit la porte brutalement sans prendre la peine de s’annoncer. Pame sursauta. Il descendit sa capuche, ne regarda même pas la femme aux cheveux courts et monta à l’étage. Là, dans cette pièce éclairait par une seule bougie, Antoine assis sur sa couchette était prêt à se lever.

  — Annonce-toi quand ce n’est pas officiel… dit-il de sa voix grave.

  — Sasha l’a vu ce matin.

Antoine tourna sa tête vers Kalan.

  — Donc ce n’est pas officiel. Il l’a vu où ?

  — En direction du Mont Saï*. Tout proche.

Antoine fixa un point imaginaire sur le mur. Kalan attendit alors en silence, puis son regard se tourna vers la table à chevet, à côté de la bougie il y avait un petit sac en toile ouvert.

  — Tu n’arrives toujours pas à dormir ? finit-il par dire, faisant réagir Antoine.

  — Ça ne fait plus effet.

Antoine se frotta le visage.

  — Quand tu dis qu’il l’a vu tout proche, qu’est-ce que ça sous entends ?

  — Sasha était sur la route des grottes quand il a cru apercevoir un dreïn, il m’a dit qu’il ressemblait beaucoup à celui de Laïka et lorsqu’il s’est approché le dreïn s’est enfuie. S’il est venu jusqu’ici tu crois qu’elle va de nouveau se réveiller ?

  — Tu vas repartir le chercher et moi je vais retourner voir Fanny.

Pame apparut derrière le rideau une bougie à la main, coupant leur discussion. Elle lança un regard noir au sauvageon qui l’ignora de plus belle. Antoine, de sa grande taille, se leva gémissant de ses douleurs.

Kalan regarda en soupirant celui de qui il recevait ses ordres, peiner à se redresser pour marcher. Le vêtement entre-ouvert, il pouvait apercevoir le torse nu d’Antoine enrubanné au niveau de la taille et de l’épaule gauche. Pame posa la bougie sur la table et commença à sortir de l’armoire des vêtements chaud. Kalan leva les yeux au ciel avant de sortir la chambre.

 Kalan en bas, Pame murmura à Antoine en lui tendant un pull.

  — Tu ne comptes quand même pas retourner voir Laïka ? Tu viens de t’y rendre, sans parler que tu as rendez-vous avec Nadine pour parler des préparations pour la fête.

  — Nadine attendra.

  — Ce n’est pas raisonnable de bouger dans ton état.

  — Merci de t’inquiéter mais malade ou à moitié mort si je veux me déplacer je… Aïe ! Antoine serra la mâchoire.

  — C’est toi qui te précipites. retorqua-t-elle sereinement.

  — Je dois la voir. fit-il en finissant d’enfiler sa manche.

Pame recula, le laissant descendre doucement les escaliers.

 Kalan effleurait une des dagues posées sur la table et ne leva que très peu les yeux lorsqu’Antoine arriva à la dernière marche. Son chef vint récupérer la dague que Kalan avait en main et chuchota.

  — Prend le nécessaire, pars tout de suite et essaye de le ramener cette fois.

  — Vraiment ? Tu sais que je n’arrive même pas à le voir entièrement.

  — C’est pourquoi j’ai dit essaye.

Kalan fronça les sourcils.

  — Et si…

  — Prend un Ahem* avec toi, s'il y a un problème je t'enverrai quelqu'un.

  — Et si Sasha s'est trompé ? Si moi je me trompe sur sa nature ?

Antoine leva la lame et regarda Kalan dans les yeux.

  — Alors tue-le.

 Mickaël se réveilla en sursaut. Il avait relevé la tête, cherchant à savoir quelle heure il était. Il essaya d’appeler Kevin mais aucune voix ne sortit de sa gorge. Il attrapa alors la gourde posée près de sa couche. A genoux, sans que la gourde ne touche ses lèvres, l’eau coula. Il toussa et enfin :

  — Kevin ! De l’autre côté de la pièce personne ne bougeait. KEVIN !

  — Aïe ! Cartoon !

Le blond souleva de sa tête la botte que lui avait lancé son colocataire.

  — T’as chasse ce matin. Lève-toi ! Mikaël souleva les braises de la veille et refis partir le feu. Allez !

Il tapota ensuite l’animal noir aux rayures blondes qui vint lui quémander de l’eau et le servit.

  — T’as pas besoin de faire tout ça, râla Kevin. Tu vas te recoucher…

  — C’était qui ?

Kevin fronça les sourcils, se frottant vigoureusement les cheveux à se les arracher.

  — Qui ça ?

  — Y a bien quelqu’un qu’est passé ?

  — Ah… c’était Fanny.

  — Fanny ? Pourquoi ?

  — J’en sais rien. Mickaël lui ouvrit un Jü en deux. Elle voulait te voir je crois…

Kevin avala d’une seule traite un morceau de ce fuit noir aux nombreux grains à l’intérieur.

  — Pourquoi ?

  — Elle voulait savoir si tu étais passé chez elle.

  — Fanny a parlé de Laïka ?

  — Non, mais ce serait bien que la belle au bois dormant se réveille pour la fête hivernale.

Mickaël mangea l’autre partie du Jü au détriment de Kevin qui leva les yeux vers la bouche de son voleur.

  — Une minute… T’as entendu le son du cor ?

  — Non, répondit Mickaël se dirigeant vers son armoire. J’ai entendu un bruit mais ce n’était pas le cor.

  — T’abuses, se plaignit Kevin. Y a le groupe d’éclaireurs qui doit partir devant nous ! j’ai le temps.

  — Eh bien tu sortiras Eunlow, à tourner en rond il va devenir fou.

  — Et toi ? Tu comptes aller où ?

Mickaël enfilait son vêtement de dessus.

  — Voir Fanny.

  — Tu devrais l’oublier elle avait l’air crevé.

  — J’y passe deux minutes puis j’irais à l’atelier.

Couvert, le sourire aux lèvres, il regarda son ami somnolent.

  — Ouvre les yeux et va ouvrir le volet, il fait jour !

 Au centre du village se trouvait une grande place. Un carrefour d’échange et de point de rencontre. On y avait construit une tour qui surplombait tous les bâtiments et d’où l’on pouvait voir l’extrémité des plaines de Cona*.

De loin, Mickaël vit le quatuor d’éclaireurs qui aurait dû partir en expédition. Ils étaient reconnaissables par leur vêtement bleu aux tâches blanches, couleurs de la saison et par leur physique distinct. Sasha, le plus jeune venait d’avoir dix-huit ans et ces cheveux auburn ressortait avec la couleur de son manteau. Naëlle était une métisse franco-indienne. Iris était son contraire, peau blanche et un visage des pays de l’Europe de l’est. Puis Théodore, quant à lui, avec ses trente et un ans, était le doyen de la bande.

Le brouhaha diminua quand Mikaël s’en approcha. Il les salua d’un hochement de tête et s’adressa à Iris.

  — Elliott m’a dit que tu as brisé ton arc principal ?

  — Oui, je comptais venir te voir après la chasse pour te l’apporter.

  — D’accord, et vous n’avez pas rendez-vous à l’orée de la forée, un absent ?

  — Kalan nous a rappelés, expliqua Sasha. Il m’a dit que c’est Henry qui allait le remplacer ce matin et qu’on allait devoir attendre un moment.

  — Mais ça fait une plombe qu’on l’attend. maronna le doyen de la bande.

  — Je vais passez chez Henry.

  — C’est une très mauvaise idée, fit Naëlle qui leva les yeux vers Mickaël.

  — Ça ira, je serais sage.

Et Mickaël s’en alla.

  — Ils ne vont pas se retaper dessus, demanda Iris, si ?

Théodore soupira.

  — Sasha commence à le suivre j’ai pas la force pour ces bêtises ce matin.

 Laïka regarda Henry enfiler un manteau bleu tacheté de blanc. La fourrure était magnifique et les flammes du feu lui donnaient une apparence animale.

  — Pourquoi je devrais attendre que ma mémoire revienne ?

Henry s’arrêta.

  — Henry répond ! Pourquoi ?

  — T’es encore sous les effets des plantes, tu n’as pas toute ta tête.

Laïka s’aida du mur pour se lever, tremblante. Il lui tournait le dos, accrochant dans sa sangle un poignard.

  — Qu’est-ce qu’il y a ?

Il resta silencieux. Alors, un pas après l’autre elle arriva jusqu’à lui. Il finit par se retourner et la regarder dans ses yeux. Laïka s’y plongea. Vert avec des touches de bleu, c’est ce qui avait persistait avec le temps. Ses yeux étaient identiques à ses souvenirs.

  — Où est Alex.

Il ne céda pas et se dirigea vers la porte.

  — On est où ?

Les épaules d’Henry s’abattirent.

  — Je suis en train de rêver, on est en hiver pourtant les arbres sont feuillu et bleu. Bleu ! Sans parler de ces insectes, de ces plantes fluorescente et … de ce félin ?

  — Ce félin justement, il ne te dit rien ? Vraiment rien ?

  — Non, pourquoi il devrait me dire quelque chose ?

  — Parce que c’est réel, ce n’est pas un rêve ni un trip à la Walter mais c’est l’Île. Et maintenant je vais essayer de te ramener discrètement chez Fanny alors sois gentille, je fais le guet et tu vas sortir.

 Et Henry ouvrit la porte face à Mickaël. Il sursauta, les yeux grands ouvert et sortit rapidement en claquant la porte derrière lui. Laïka s’approcha doucement de la porte, l’oreille tendu.

  — Tu parlais à qui ?

  — Tu me veux quoi ? Pourquoi t’es là ?!

Laïka s’était collée derrière la porte, le cœur battant la chamade.

  — Tu ne parlais pas tout seul donc ma question est simple…

  — Qu’est-ce que ça peut te foutre que je parle seul ou pas ! Alors répond à la mienne qu’est-ce que tu m’veux ?!

  — Te rappeler qu’il y a des personnes qui t’attendent.

  — T’en fais pas partie alors en quoi ça te regarde.

  — Ça regarde tout le monde quand il est question de l’expédition pour la fête.

  — Va dormir au lieu de faire chier le monde.

Laïka sursauta. Ils s’étaient frappés, et ils continuaient. Elle voulut sortir mais elle entendit d’autre personnes arriver.

  — Stop ! Mickaël Henry !

  — Espèces de cons vous avez que ça à faire de vos journées !

  — Mickaël abandonne et Henry lâche le !

  — Je peux savoir ce qu’il se passe !

Cette voix.

  — C’est Henry ce fumier a…

  — Tu te fous de moi ! Répète un peu…

  — ÇA SUFFIT !

C’était cette voix. Laïka l’avait entendu chez Fanny.

  — Vous avez quel âge ? demanda une femme.

  — Vous connaissez les règles, vous allez tous les deux en corvée nettoyage et immédiatement !

  — Antoine, je dois remplacer Kalan pour le groupe…

Antoine ! Laïka ouvrit la porte. Ils se turent tous, surpris. Puis elle le vit. Grand, la peau légèrement mate, les cheveux châtains, les yeux marrons. Il la regardait avec effroi, mais elle savait que ce n’était que par stupéfaction. Elle-même fut troublé en le voyant. Mais elle sentait que ce deuxième grand frère, le meilleur ami d’Alex, n’allait pas lui mentir. Alors elle oublia les autres et tremblante, la gorge nouée, elle parla.

 Au départ, ils ne comprirent pas ce qu’elle voulait dire, croyant avoir mal entendu, mais elle se répéta. Le petit groupe et quelques personnes qui avait entendu le raffut échangèrent des regards, murmurèrent. Mais Laïka fixait Antoine. Son visage se ferma petit à petit et il se tourna vers Henry qui baissa la tête.

  — Sasha vérifie que Fanny est chez elle, sinon cherche-la et dis-lui de rentrer. Sasha ! hurla Antoine.

  — D’accord, j’y vais…

Le jeune hésita une seconde, perturbé par ce qu’il venait d’entendre puis courut aussi vite que son corps lui permettait.

  — Antoine ?

  — Attends.

Attendre. Encore. C’est ce que fit Laïka, les yeux rouges. Antoine ordonna qu’on sonne le cor*. Théodore voulu contester mais Antoine rajouta qu’ils en reparleraient plus tard. Par la suite il demanda à Henry et à Mickaël de le suivre. Antoine regarda Laïka, mais elle le fuyait du regard cette fois-ci. Henry s’approcha d’elle et la prit délicatement dans ses bras, en dépit de Mickaël qui se vit devoir fermer la marche sous les ordres d’Antoine. Ils se rendirent alors chez Fanny, qu’ils croisèrent en chemin, précédé par Bertille et Sasha.

 Fanny se tint droite en les voyant arriver, le regard abattu, affligée par ce qu’on venait de lui expliquer.

___

Mont Saï : Petite montagne possédant des grottes avec des sources d’eau, direction Est du Village.

Ahem : Rapace aux quatre ailes et aux oreilles pointues. Une fois apprivoisé, l'animal peut transmettre des messages.

Sonner le cor : Le cor permet de signaler un danger, le départ ou l’arrivée d’un groupe d’expédition par exemple.

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