07. L'invité surprise et le discours du fou

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Julia

Un soupir de soulagement m’échappe en entendant cette voix. J’ai envie de lui sauter au cou, mais je me retiens pour ne pas attirer l’attention alors qu’un sourire s’est imprimé sur mon visage sans que je puisse l’en empêcher. Bon, clairement, Mathias n’est pas là en mode discret, sinon il ne serait pas dans la salle à fanfaronner.

Je jette un œil à Arthur qui semble tout aussi soulagé que moi. Ouais, si même mon Bûcheron commençait à paniquer, c’est que nous étions vraiment dans une situation complexe avec faible visibilité sur nos possibilités d’en réchapper sans dommages. Finalement, je crois que je le préfère rêveur, c’en était presque flippant.

- Mais qu’est-ce que tu fous là, Snow ?

- T’avais pas laissé la carte du Palais à mon intention ? se moque-t-il. Je croyais que c’était une invitation pour la fiesta, moi. Dis-donc, Ju, t’aurais pas oublié de mettre un tee-shirt ? On voit tes roploplos là, y a la dose de vieux qui va faire une crise cardiaque avant la fin de cette petite sauterie !

- Eh, Snow, garde tes yeux et ta concentration sur autre chose que la poitrine de ta cheffe. Il y a d’autres dangers ici, clairement, intervient Arthur.

- Ah je sais pas, Arthur, clairement je me dis qu’il y a moyen de mourir étouffé entre ses seins, rit Mathias. La mort parfaite, ça !

- Si tu veux mourir étouffé, je me ferais un plaisir de trouver une autre solution, bougonné-je en lui marchant volontairement sur le pied avec mon talon. C’est quoi, le plan ? Parce que le Président doit déjà savoir que tu es là...

- Aïe ! Méchante va ! Puisque c’est comme ça que tu me reçois, je n’ai pas de plan, je suis venu assister au triomphe d’Arthur dans son pays natal. C’est pour ça que je me suis mis sur mon trente-et-un ! dit-il en montrant sa tenue militaire qu’il arbore avec fierté, même s’il a dû laisser ses armes quelque part.

Le clin d'œil qu’il nous adresse nous rassure toutefois sur ses intentions, même s’il ne nous dit rien de ce qu’il a derrière la tête.

- Et y a moyen qu’on se barre maintenant ? soupiré-je alors que le pervers vient dans notre direction. Parce que je n’ai aucune envie de parler encore avec ce type.

- C’est que Madame fréquente la Haute Société maintenant ! Je ne voudrais pas la priver de ses contacts si haut placés ! rit Snow, visiblement d’une humeur très joueuse. Le départ n’est pas prévu pour tout de suite, non. Il va falloir user de tes charmes et de tes airbags, Ju !

- Très bien, alors je te laisserai lui répondre avec diplomatie quand il me demandera, encore, de lui tailler une pipe ou de le laisser me sauter, bougonné-je en glissant ma main dans celle d’Arthur.

- Mademoiselle Vidal ! Quel plaisir de vous retrouver ! Vous êtes charmante ce soir ! Divinement plaisante ! s’exclame le Président de sa voix mielleuse qui me hérisse le poil.

- Merci, Victor, dis-je d’une voix détachée et peu chaleureuse malgré moi. Jolie soirée, bien dommage que tout cet argent n’atterrisse pas directement dans le budget de fonctionnement du camp.

- Oh, mais si vous êtes gentille avec moi, je saurai me montrer reconnaissant et généreux ! Vous voyez, si vous êtes comme moi, vous ne serez pas contre joindre l’utile à l’agréable. J’adore cette expression française !

- Je n’ai aucun problème à joindre l’utile à l’agréable, mais entre nous, vendre mon corps pour de l’argent n’a rien d’agréable dans ma tête, surtout quand je vis le très agréable à côté, souris-je en posant ma joue contre l’épaule d’Arthur, provocatrice.

- Il est vrai que ça a l’air très agréable, vu ce que j’ai entendu. Monsieur Zrinkak, je pense que vous faites honneur à la réputation des hommes silvaniens ! Je suis sûr que vous devez être presque aussi performant que moi. En tous cas, beaucoup plus que ce jeune soldat de première classe qui s’est invité parmi nous.

- Le Sergent Snow est un ami, avec qui Arthur travaille depuis des mois, il était logique qu’il profite de cette célébration. Lui aussi participe à nos petites victoires. Quant à ses performances sexuelles, il est parfois bon de balayer le pas de sa porte avant d’aller parler de celui du voisin, Victor. Vous savez, parfois, être trop présomptueux en amont peut beaucoup décevoir la partenaire, dis-je en lui faisant un clin d'œil, sans pouvoir m’empêcher de me dire que j’espère ne jamais découvrir la qualité de ses performances.

- Nous verrons ça après la cérémonie, Mademoiselle Vidal. Je vous garantis que vous ne serez pas déçue.

- Avec tout mon respect, Monsieur le Président, ceux qui en parlent le plus sont généralement ceux qui en font le moins. C’est un peu inquiétant pour la satisfaction du Lieutenant Vidal, intervient Snow. Surtout qu’elle est plutôt exigeante, en général.

- Eh bien, je vois qu’il n’est pas trop difficile de lui faire écarter les jambes à votre Lieutenant ! Si même vous avez de l’expérience par rapport à ça, répond-il avec mépris avant de s’éloigner un peu de nous, vexé par l’intervention de Snow.

J’hésite entre éclater de rire devant sa mine bougonne ou l’engueuler ouvertement. Premièrement, parce que je couche avec qui je veux, et ensuite parce qu’il y a pire que Snow. Oui, c’est un sérial baiseur, qui se soigne avec Justine, mais c’est avant tout un type bien. C’est quoi ces manières de rabaisser les autres comme ça ? Bon, ça ne devrait même pas m’étonner, venant de ce dingue, mais ça m’agace.

- Désolée que tu te prennes ce genre de réflexions alors que je n’ai même pas ouvert les cuisses pour toi, mon Chou, ris-je en me tournant vers Mathias. Tu es très élégant, j’espère que tu as envoyé une photo à ta nana !

- Oui et j’ai hâte que cette mascarade se termine car ce soir, elle m’a dit qu’elle me montrerait sa tenue d’infirmière, me répond-il, toujours aussi guilleret.

- Ah, tu m’as encore piqué mon ordinateur ? Fais gaffe que l’armée n’ait pas installé de système de surveillance ! ris-je en me glissant sous le bras de mon Bûcheron, bien silencieux. Ça va, Arthur ?

- Ouais, ça va. Mais j’ai envie de faire des choses qui pourraient me coûter la prison à vie dans ce pays… Ce type…

- Ce type est une ordure qui mérite les pires tortures, je sais… Espérons que ta mère soit efficace. Tu crois qu’elle recrute encore ? Je ne dirais pas non à une mission “zigouillons le porc au pouvoir”.

- Elle recrute tout le temps, je crois ! Envoie ton CV, tu verras bien si elle te choisit !

Je lui souris et observe la salle, comble de bourgeois venus se remplir la panse aux frais de l’Etat. Il y a des gardes à chacune des sorties et je ne doute pas qu’il y ait bon nombre de gros-bras à l’extérieur également. Si voir Mathias ici me fait plaisir et me permet de me projeter un peu plus, je ne sais pas bien comment nous allons pouvoir échapper à la surveillance qui, je n’en doute pas, est en partie portée sur Arthur et moi. Le Président doit avoir fait le nécessaire pour que nous ne puissions pas nous échapper, et je commence à me dire que la meilleure façon pour sortir d’ici serait que je me retrouve seule à seule avec lui pour laisser davantage le champ libre à Snow et Arthur.

Je récupère une coupe de champagne sur le plateau d’un serveur qui passe par là et en bois quelques gorgées, histoire de me détendre.

- Depuis quand tu bois en mission ? J’ai le droit aussi ? me demande mon Sergent en me prenant la coupe des mains.

- Tu es censé nous sortir de là, il faut que tu aies les idées claires, toi. Moi j’essaie d’oublier ces dernières vingt-quatre heures. Enfin, une partie de ces heures au moins, bougonné-je en lui reprenant le verre.

- On verra après le discours d’Arthur. Là, ça serait trop voyant.

- Plus voyant que mon décolleté, tu veux dire ?

- Un discours ? Mais je n'ai rien préparé ! murmure Arthur à mes côtés.

- J’ai hâte d’entendre ça alors, ris-je. Je suis sûre que tu vas très bien t’en sortir. N’hésite pas à tacler un peu notre cher Président au passage, ça n’en sera que plus agréable.

- Oui, je risque de ne pas être tendre. Snow, c'est sûr qu'on ne reste pas après ? Sinon, je vais déguster moi, ce soir…

- Je ne repars pas sans vous, je peux vous l’assurer, lui répond Mathias d’un ton plus sérieux. S’il faut que je l’achève pour ça ou que je bute la moitié des personnes ici, je le ferai sans problème.

- Espérons que ce soit plus pacifique…

- On est en guerre, Zrinkak, tu crois qu’en lui offrant un bouquet de fleurs, il va vous laisser partir ? A mon avis, même si Ju lui offre son corps, t’es pas prêt de sortir de là, mon pote.

- Je ne suis pas prisonnier, officiellement. Un invité peut partir quand il le veut, non ? En tous cas, il faudra éviter de lui demander de préciser mon statut, ce sera plus sage.

- Un invité ordinaire, oui, mais vous êtes surveillés, tous les deux, y a deux colosses qui ne vous lâchent pas du regard. On va se marrer pour sortir, rit-il comme s’il était vraiment amusé par la situation.

Snow attrape le bas de ma robe et tire dessus sur le côté, révélant davantage ma cuisse là où elle est fendue avant d’avoir un sourire satisfait en la relâchant. Evidemment, comme si j’allais choisir une robe sirène où je n’aurais même pas pu marcher normalement, il me prend pour une dinde ou quoi ?

Je n’ai pas le temps de lui faire une remarque que l’on entend le micro grésiller dans les enceintes. C’est parti pour le discours du Président. Ça promet, il va falloir rester zen face à tous ses mensonges à la con.

- Bonsoir à tous, dit-il d’une voix claire, habitué à se mettre en avant. Ce soir, je vais discourir en français, pour faire honneur à nos invités de choix. Heureusement que chacun de nous a fréquenté une bonne école et connaît la langue de Molière, cela m’aurait ennuyé de devoir tout traduire pour les esprits les moins ouverts.

Son regard se promène sur l’assemblée comme s’il jaugeait chacune des personnes présentes, et un sourire pervers apparaît sur ses lèvres lorsqu’il me déshabille du regard. Foutu porc.

- Ce soir, nous célébrons la bonté et l’altruisme, en faisant honneur à Monsieur Arthur Zrinkak, enfant du pays et chef de la mission humanitaire pour Food Crisis, ainsi qu’au Lieutenant Julia Vidal, et par conséquent à l’armée française, présente sur notre territoire depuis un moment déjà pour venir en aide à nos concitoyens, dont les Rebelles ne s’inquiètent pas alors qu’ils bombardent et pillent nos villages sans aucune considération. Bref, en les invitant au Palais, je voulais leur exprimer toute notre reconnaissance, et leur permettre d’avoir un lieu de repos durant quelques jours, confortable et accueillant, afin de leur permettre de profiter un peu de la vie. Et croyez-moi, ils en profitent bien, tous les deux, rit-il grassement en nous faisant un clin d'œil. Et je comprends bien que notre cher Arthur veuille en user et en abuser. Regardez-la, je suis certain que chaque homme présent ici rêverait de soulever cette ravissante robe pour pouvoir admirer chacune de ses courbes, moi le premier !

Je crois n’avoir jamais été aussi mal à l’aise de ma vie, alors que tous les regards sont tournés vers moi et que les rires montent dans l’assemblée. Je sens la main d’Arthur presser davantage ma hanche et je ne sais pas si c’est la colère qui gronde sous son masque ou un instinct de protection qui s’exprime, mais je prie pour qu’il ne me laisse pas seule, même une petite seconde durant la soirée.

- Bref, je m’égare. Nous célébrons donc aujourd'hui un duo divertissant, passionné et passionnant, dans leur travail comme dans leur vie privée, qui semble déterminé à aider au mieux nos citoyens. Grâce à l’ONU, à ces soldats qui risquent leur vie pour celle des autres, à ces humanitaires qui quittent leur petite vie tranquille dans leur bureau pour venir aider les nôtres, je dors sur mes deux oreilles, rassuré que nous ne soyons pas laissés à l’abandon. Évidemment, rien n’est gagné, les Rebelles sont aux portes du Palais ou presque, ils cherchent à tout prix à nous faire payer je ne sais quoi, à saccager notre démocratie et anéantir tout ce que nous avons mis des décennies à construire. La Gitane a mis les bouchées doubles ces derniers temps, au grand dam de son fils, notre cher Arthur ici présent, même s’il semble plus occupé à satisfaire sa belle qu’à nous aider à débusquer sa mère. Entendons-nous, quand on voit cette femme au décolleté de rêve, difficile de ne pas avoir envie de l’entendre gémir sous nos coups de boutoir, non ? Je crois que je renierais famille et amis, moi aussi, juste pour le plaisir de me répandre en elle. Bref, je m'égare encore, désolé. Nous aurons l’occasion d’en reparler ensemble lorsqu’elle aura succombé à mes charmes légendaires, malgré ses gardes du corps.

J’ai follement envie de vomir en l’écoutant, et je crois qu’il parvient à mettre les trois-quarts de la salle mal à l’aise avec son discours des plus inappropriés. Arthur ne m’a pas lâchée, et Snow s’est effectivement positionné à mes côtés, il n’a plus rien du gars léger et déconneur de tout à l’heure. Oui, Mathias, bienvenue dans notre vie de ces dernières vingt-quatre heures.

- Bref, sur ces quelques mots qui, je l’avoue, m’ont filé la trique et donné bien des idées pour la fin de la soirée, je vais laisser la parole à notre frère et invité d'honneur, Arthur. Accompagnez-le donc, Julia, rit-il en nous faisant signe d’approcher, vous ne le lâchez pas depuis tout à l’heure.

Arthur et moi nous regardons quelques secondes, et j’hésite à fuir aussi vite que possible plutôt que de me retrouver face à cette assemblée et surtout à côté de ce porc. Nous fendons la foule à contre-coeur et montons sur l’estrade, un sourire factice sur le visage, et certainement bien crispé. Arthur se positionne à côté du Président et je fais mine de ne pas le voir me montrer la place de l’autre côté, ce qui le fait rire alors qu’il se déplace pour se mettre entre Arthur et moi. Je vois que Snow s’est approché de la scène, le regard noir, et entends Arthur se racler la gorge au moment où un frisson d’horreur me traverse le corps. Une fois de plus, Victor Lichtin n’a peur de rien et n’a aucun filtre. Ce pourri, qui m’a affichée devant tout le monde, qui a clairement exprimé son désir de me posséder, que je le veuille ou non, vient de poser sa main sur mes fesses, qu’il malaxe sans gêne.

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