41. Rêveries aériennes
Julia
Je ferme les yeux alors que le Hercules se met en branle et tremble comme une feuille. Est-ce que j’ai dit que je détestais voler ? Surtout dans ces machines. Ça a beau être un avion militaire, un gros engin fiable, vu comme il grince et bouge dans tous les sens, j’ai l’impression que la queue va se désolidariser du cockpit et nous faire faire un plongeon de la mort.
Irrémédiablement, mes pensées m’emmènent à ce matin et ces adieux déchirants. J’ai l’impression de ne pas avoir pu prendre ma dose de tous ces gens, et en particulier de Snow, Lila et Arthur. Arthur… Un sourire se dessine malgré tout sur mes lèvres en pensant à lui, qui a débarqué dans le réfectoire avec Lila alors que je petit-déjeunais avec Mathias. Mon Bûcheron n’avait pas vu le petit mot que je lui avais laissé et a paniqué en pensant que j’étais déjà partie. Trop adorable.
J’avais autant besoin de cette nuit avec lui que de ce dernier moment avec mon ancien sergent. Au final, c’est davantage le soldat qui m’a rassurée qu’inversement, même si je lui ai rappelé toute la confiance que j’ai en lui. Je sais qu’il assurera ici, il a toutes les qualités nécessaires pour gérer des hommes et s’entend bien avec Arthur.
- On verra bien, m’a-t-il dit. Et toi, ça ira aussi, Ju. Juste… Ne t’enferme pas. Le temps te paraîtra plus long si tu te renfermes dans ton appartement tout jaune avec ton chat tout possessif et tes pensées toutes noires.
- Je sais, je vais essayer de faire un effort, mais je n’aurai pas mon partenaire pour ça. Pas facile de se mettre soi-même des coups de pied au derrière.
- J’ai briefé Myriam et Eva. Et je t’appellerai. Je te connais trop bien, Lieutenant, il va falloir te booster. Et si je sens que ça ne va pas, j’appellerai tes frangins sans hésitation.
- Non, non ! C’est bon, je vais me débrouiller. Fais pas ça, Mat’, tu sais qu’ils ne me lâcheront pas si tu les préviens. Ce sera encore pire s’ils sont trop étouffants.
- A toi de ne pas te laisser aller, Ju, sinon je leur donne tous les détails de ce que tu as fait avec ton Bûcheron ! Tous !
- Encore faudrait-il que tu les aies… Tous ! Crois-moi, t’es loin de l’omniscience à ce sujet !
- Ce que je ne sais pas, je l'inventerai, vu ton regard ce matin, la nuit a dû être très chaleureuse !
Il n’avait pas idée… Effectivement, la nuit a été ponctuée de doux et tendres réveils, pour mon esprit et pour mon corps. Je crois que je n’avais jamais autant fait l’amour de ma vie. C’est simple, ce matin, j’étais sur un petit nuage bien haut dans le ciel, et mon corps me rappelle encore maintenant que je n’ai plus vingt ans.
Il va falloir que je garde en tête les menaces de Mathias, parce qu’il en est vraiment capable, cette andouille. Et j’aime mes frangins plus que tout, mais les avoir sur le dos serait insupportable.
Je rouvre les yeux alors que la main de Myriam serre la mienne. Elle me lance un sourire triste qui me broie le cœur. Trop de personnes sont restées là, sous nos pieds. Trop de personnes auxquelles je tiens pour que mon moral reste au top. Ça va être difficile et, à cet instant, je ne suis pas sûre d’avoir les épaules pour tout traverser sans heurts.
- On va se faire des sorties toutes les deux, pendant qu’Eva batifolera avec son homme, t’inquiète. Snow m’a briefée sur le timing. Je sais quand je dois te sortir de ton enfermement, rit-elle.
- Tu sais que généralement on part quelques jours à la mer et on passe nos soirées à boire en tête à tête ? T’es prête à te priver de cul pendant ce temps-là ?
- Si j'ai bien bu, qui te dit que je vais me priver de ton joli cul ma belle ?
- Mon joli cul me le dit, ris-je. Je t’adore, mais je ne suis pas intéressée. Même ivre, même au bord du gouffre. Désolée, mon cœur est pris et mon corps n’en réclame qu’un, et il a d’autres atouts que les tiens !
- Wow ! Tu es vraiment accro, toi. Il a de la chance, le Bûcheron ! Et moi, je survivrai, va. Je penserai à prendre mes petits jouets et, si tu es sage, tu pourras aussi en profiter ! Tu vois les sacrifices que je consens à faire pour toi ? me répond-elle en m'adressant un clin d'œil et en me serrant la main.
- Je vois ça. Le propriétaire de la maison qu’on loue d’habitude est canon, tu pourras peut-être en profiter une fois que je serai tombée comme une masse. Il vit dans la maison d’à-côté et organise des fiestas de folie.
- Ah oui ? Tu l'as déjà essayé ? Mais si je viens, c'est pour toi, tu sais. Je serai là pour le câlin de la nuit si tu es trop triste.
- Si je l’ai déjà essayé ? m’esclaffé-je. Tu n’as pas idée… Rémi est un dieu du sexe, je t’autorise à m’abandonner pour aller prendre ton pied. Et Snow a dormi une fois avec moi, il a fini avec un cocard. Je te le déconseille, le câlin de la nuit.
- Le cocard, c'était avant ou après t'avoir fait grimper aux rideaux, petite coquine ? Vivement que je rencontre ce Rémi en tous cas. J'ai déjà la chatte en feu !
- Myriam, ris-je. Déjà, j’espère que tu as une petite culotte. Et ensuite, je te rappelle que je n’ai jamais fait quoi que ce soit avec Mat’. Même ivres morts. C’est un ami, rien de plus. Enfin, beaucoup plus qu’un ami mais pas dans ce sens. C’est pas parce que toi tu t’amuses à lui tailler des pipes dans la douche que je fais de même.
La douche… Oh, la douche. Et la pipe… Merde. Je suis sûre que j’ai un sourire niais sur le visage rien qu’en évoquant une pipe et une douche. Il faut dire que ce matin, Arthur s’est glissé dans le bloc sanitaire alors que je me douchais, peu de temps avant de partir. Il s’est d’ailleurs planté de douche et Eva l’a envoyé bouler bien sévère avant de piger qu’elle ne devait pas s’attarder sur les lieux. J’ai savouré mon Bûcheron de bien des façons, tentant d’imprégner dans mon esprit toutes les sensations de son corps contre le mien, de ses mains qui me caressent, de ses lèvres qui prennent possession des miennes. Et de ses râles sexy et affreusement excitants lorsque je l’avais en bouche. J’ai joué avec lui, m’amusant à l’amener au bord de l’orgasme avec mes mains, ma langue, mes lèvres… Sans jamais le délivrer, jusqu’à ce qu’il me soulève et s’enfonce en moi avec une telle force que j’ai manqué de défaillir dans la seconde. Y a pas à dire, le sexe avec Arthur est tellement intense, tellement passionné que je crois que je vais pouvoir jouir rien qu’en pensant à nous deux imbriqués l’un dans l’autre durant les six mois à venir.
- Arrête avec ton air niais. La douche te fait rêver, on dirait, me dit mon amie en souriant. Je pense qu'au niveau dieu du sexe, tu as ce qu'il te faut !
- Je confirme… Le sexe avec Arthur, c’est juste indescriptible. Je te jure, je vais pas juste avoir un air niais, je suis totalement niaise, mais la symbiose est folle. Mon corps appelle le sien et inversement. Même un petit coup vite fait avant de dormir, c’est juste… terrible.
- Vivement que vous puissiez vous retrouver alors.
Oh oui, vivement ! Vivement que je puisse à nouveau me lover dans ses bras, et sans voir la tristesse dans ses beaux yeux, comme ce matin, quand il m’a serrée contre lui devant le PVP, quelques minutes avant que je parte. Lila était agrippée à ma jambe et je n’ai pu retenir mes larmes en voyant les siennes.
- Oh Jolie Lila, ne pleure pas voyons, ai-je murmuré en la prenant dans mes bras avant de retrouver l’étreinte ferme et chaude de mon Bûcheron. Je te promets qu’on se reverra, ma Puce.
- J’aime pas quand tu pars, Julia. Je vais encore rester toute seule.
- Toute seule ? Mais non, tu as vu tout ce monde ? Et puis, Arthur est là, Lorena, et même Mathias. Je suis sûre que si tu as besoin d’un câlin, chacun d’eux te le fera avec plaisir.
- Oui, mais toi, les câlins, tu les fais mieux. Reste, s’il te plaît, Julia. Arthur aussi, il veut ça. Il me l’a dit ce matin.
- Je ne peux pas rester ma Puce. Je dois rentrer en France, j’ai du travail là-bas. Et puis, qui sait… Peut-être que la prochaine fois que nous nous reverrons, c’est toi qui viendras chez moi. Je suis sûre que Joker, mon chat, t’adorerait. Lui, c’est le roi du câlin !
- Promis ? Je pourrai venir ?
- Bien sûr. Tu viendras avec Arthur, n’est-ce pas, Beau Bûcheron ?
- Bien sûr. Dès que je peux, je pars en permission. Et j’essaie de t’emmener, jolie Lila. On ira tous les trois chez Julia et on s’amusera à embêter son chat.
- Pauvre Joker ! J’ai hâte que vous veniez. On fera plein de choses tous les trois, et je te promets plein de câlins. Je t’aime, jolie Lila, et je te promets qu’on va se revoir. Alors sèche-moi ces larmes, parce qu’il va falloir que tu t’occupes d’Arthur, d’accord ? Je ne veux pas que vous soyez tristes, tous les deux, j’ai besoin de toi pour ça.
- Tristes, c’est normal qu’on le soit un peu, ma Julia, tu vas vraiment nous manquer. Parce qu’honnêtement, se disputer avec Snow, ça n’a pas le même attrait, a répondu mon Bûcheron qui tentait de nous faire sourire. Mais on va surtout garder le contact. J’ai fait acheter à mon ONG un système de communication cryptée, on n’aura pas à déranger Snow pour se parler. Et dès que je peux, je reviens te voir en France. Promis.
- Voilà, comme ça, on pourra se parler souvent. Tu pourras me dire tout ce que font Arthur et Mathias sur le camp, et me montrer comment tu travailles bien le français, les maths et tout ce que tu fais avec Lorena. On fait comme ça, Jolie Lila ?
- Oui, Julia. Je te ferai des dessins aussi.
Je sursaute en sentant le Hercules amorcer sa descente bruyamment. Je n’ai pas vu le vol passer, trop plongée dans mes souvenirs. Ça aura au moins eu un avantage. Et j’ai tout le temps de penser encore et encore à ces six derniers mois, en attendant de retrouver mon Bûcheron pour me perdre à nouveau dans ses beaux yeux et dans nos intenses étreintes. En espérant que d’ici là, il ne tombe pas dans les griffes de Nathalie, ou ne se rende pas compte que, finalement, je ne suis pas si importante que ça à ses yeux.
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