55. Dîner de fous
Eh bien... aujourd'hui, petite visite de CHRS... Je n'ai pas croisé Julien ou Albane... Ahah.
Nous sortons d'un musée sur les mines et Lecossais me malmène... Et s'en amuse. Help !
Bonne lecture :)
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Julia
Est-il possible de retomber amoureuse encore et encore de la même personne ? Parce qu’observer Arthur jouer avec son neveu et sa nièce me fait fondre plus que de raison.
Je me souviens de Snow nous surnommant les lapins, il a plutôt raison pour le coup. Cet après-midi, nous avons clairement vécu d’amour et d’eau fraîche. J’ai à nouveau goûté aux joies de l’orgasme au creux de ses bras, encore et encore, au plaisir de ses caresses et de ses baisers, au bonheur de l’entendre me dire qu’il m’aime et que je suis belle, que je lui ai manqué et qu’il est heureux d’être là. Les retrouvailles ont été torrides, aucune gêne, juste du manque et de l’envie, un besoin viscéral de retrouver ce cocon qui nous a tant manqué.
- Julia ? Je te parle, s’esclaffe Sylvia. Si tu pouvais arrêter de regarder mon frère comme si tu allais le dévorer sur place, c’en est presque flippant !
- Pardon, ris-je en me tournant vers elle. Tu disais ?
- Je te demandais ce que tu voulais boire. Mojito ?
- Pourquoi pas oui. Je vais chercher de la menthe alors. Tu en prends un aussi ?
- Evidemment !
Je lui souris et me lève pour gagner le jardin, où Eric et Sylvia ont planté quelques pieds de menthe. Je suis venue plusieurs fois déjà ici, la sœur d’Arthur ayant semble-t-il besoin de tout connaître de nos six mois de mission ensemble. Difficile de lui cacher quelque chose, elle pourrait facilement être flic, elle sait tirer les vers du nez. Moi aussi j’avais, je crois, besoin de retrouver un peu d’Arthur quelque part, et quoi de mieux que de voir sa soeur, de retrouver ces beaux yeux bleus qu’ils ont en commun, ce noir de jais qui capture la lumière et m’hypnotise.
Arthur me sort de mes pensées en riant aux éclats, et j’ai un peu l’impression de retrouver mon Bûcheron en Silvanie, entouré des enfants du camp, jouant avec eux. C’est un peu étrange de l’avoir ici avec moi, sans avoir à se cacher, à faire attention à ce que l’on dit ou fait. Entendons-nous bien, j’adore ça, mais j’ai peur que lui n’apprécie pas la Julia de la vie loin du camp. C’est un peu étrange, mais j’ai l’impression de ne pas être la même personne et je crains qu’il soit moins attiré par la femme ordinaire, sans le grade, sans le pouvoir. C’est sans doute stupide, je doute que ce soit mon grade qui l’ait attiré.
Je rapporte la menthe dans la cuisine pour la laver, et regagne la terrasse où Sylvia rit avec Eric, près du barbecue où les flammes s’élèvent. De mauvais souvenirs tentent de se frayer un chemin dans mon esprit à la vue du feu, mais je me détourne du brasier et regarde Arthur attraper Polly et la chatouiller pour éloigner les horreurs.
- Pas de coup de coude s’il te plaît, ce n’est que moi, me susurre Arthur à l’oreille avant de se presser dans mon dos pendant que je prépare les Mojitos.
Je ris et me love contre lui, profitant de cette nouvelle étreinte, chaste mais tellement agréable. Je sens sa barbe frotter délicieusement contre mon épaule avant que ses lèvres ne viennent caresser la peau de mon cou. Sa main est posée bas sur mon ventre et réveille déjà mes envies. Comment peut-on avoir encore envie de faire l’amour quand on a passé son après-midi au lit ? J’ai l’impression de ne plus penser qu’à ça depuis qu’il est rentré, qu’à fusionner avec lui pour ne faire plus qu’un. Une vraie nympho avide de lui.
- Lâchez-vous deux minutes quand même, sourit Eric en s’installant à table.
- On n’y pense même pas, souligne mon Bûcheron en pressant son érection contre mes fesses. Tu ne peux pas comprendre, toi, tu es soulagé quand tu n’as pas à supporter ma sœur pendant quelques heures.
- Ouais, je sais pas comment vous faites. Quelques heures, pourquoi pas, mais trois mois…
- Je ne sais pas non plus, soupire Arthur en m’entraînant sur ses genoux alors qu’il s’assied.
- J’imagine que vous avez tous les deux autre chose à penser quand vous êtes séparés, intervient Sylvia en s’installant face à nous. J’ai vu Julia gérer une vingtaine d’hommes comme si elle faisait son lit. Et puis toi, là-bas, en Silvanie… Alors, comment c’est ?
Je sens Arthur se tendre un peu sous moi. Je sais qu’il n’a pas envie que sa sœur sache tout, mais elle est curieuse, et particulièrement en ce qui concerne la Gitane. Il va falloir qu’il se fasse à l’idée que Sylvia a besoin de réponses et d’assouvir cette curiosité qui la mine plus qu’elle ne veut bien l’admettre.
- C’est comme dans mes souvenirs, un beau pays déchiré par la guerre. C’est fou comme rien n’a changé depuis tout ce temps.
- Je ne m’en souviens pas, moi… Comme je ne me souviens pas de Maman. C’est étrange, presque dérangeant, en fait. J’ai l’impression qu’il me manque une partie de ma vie…
- Maman est morte quand elle nous a abandonnés, Sissi. La femme qui se fait passer pour elle lui ressemble, mais c’est toujours la même folie, la même préférence de sa patrie sur sa famille. Arrête de te miner avec ça.
- Tu ne peux pas comprendre, Arthur… Une fille a besoin d’une figure maternelle, moi j’en ai toujours manqué, je… J’ai bien conscience qu’elle n’est pas parfaite, mais ça reste ma mère.
- Si, je peux comprendre. Moi aussi, j’ai grandi sans mère, soupire-t-il, visiblement très tendu et énervé. J’aurais jamais dû te dire qu’elle était vivante.
- Je ne t’aurais jamais pardonné de me cacher ça, marmonne Sylvia en se levant pour aller dans la cuisine.
- Oui, je sais, Sissi, lui dit-il alors qu’elle s’éloigne, puis se tourne vers moi et me murmure. Comment je gère ses questions ? Je dois tout lui dire ?
- Je suis militaire, pas psychologue, Chouchou. Peut-être que tu devrais être franc avec elle, ou alors elle a besoin de le constater par elle-même. Même si elle est et a été défaillante, Marina reste sa mère. Tu es heureux de l’avoir retrouvée quand même, non ?
- Oui, sans doute, me répond-il alors que Sylvia revient et dépose des plats sur la table avant d’appeler les enfants.
- Je crois que je veux aller en Silvanie, Arthur. Rencontrer Maman, voir notre pays, lâche-t-elle brusquement sous les yeux exorbités de son mari.
- Tu veux faire quoi ? demandent à l’unisson Eric et Arthur.
- Aller en Silvanie. La guerre est finie, non ? J’ai besoin de la voir.
- Jamais de la vie, éclate son mari alors que mon Bûcheron la regarde intensément.
- Tu es sérieuse, Sylvia ? Tu as vraiment envie d’y aller et de la voir ?
- Je suis sérieuse, oui. Je ne sais pas comment ça se passera, mais j’ai besoin de l’écouter me raconter pourquoi elle nous a abandonnés, et je dois lui dire ce que ça m’a fait de grandir sans mère.
- Julia, gronde Eric, fais-lui comprendre que ce n’est pas un endroit pour elle ! Bordel, une femme en Silvanie, tu imagines ?
- C’est quoi le problème à ce qu’une femme aille en Silvanie ? ne puis-je m’empêcher de lui demander, déjà agacée. Tu crois qu’il n’y a que des hommes qui ont survécu à la guerre, peut-être ? Je suis quasi sûre qu’elle pourrait mieux s’en sortir que toi, soit dit en passant. Elle a de la ressource, Sylvia, et Marina la protègera.
- Et je serai là aussi, Eric, ne t’inquiète pas pour sa sécurité. Par contre, Sissi, moi, ce qui me tracasse, c’est que… Elle n’est pas très maternante, Maman. Ne t’attends pas à retrouver une relation mère-fille. C’est une cheffe de guerre sans pitié pour qui la rébellion compte plus que tout. Tu es prête à affronter cette distance psychologique à défaut de distance physique ?
- J’ai besoin de le vivre, je crois, soupire Sylvia en jetant un œil à son mari, mal à l’aise.
- Tu es décidée ou vous avez besoin d’en parler à deux ? demande mon beau brun alors qu’il me caresse le bras, ce qui a au moins l’effet positif de le détendre.
- On va en discuter, mais… Tu penses que c’est possible ? Enfin… Niveau sécurité, tout ça…
- Oui, c’est possible, la sécurité est assurée par l’armée, tout va bien. Avec Snow qui a été formé par Julia, aucun risque. Et c’est plutôt calme, en ce moment, en effet.
- Alors je veux y aller, oui. Je sais que tu ne me mettrais pas en danger, frangin, alors j’ai confiance. Tu pourras voir avec ce Snow ? Enfin, Snow, c’est le Mathias beau gosse dont tu me parlais, Julia ?
Le regard jaloux que me décoche Arthur vaut tout l’or du monde. J’adore quand il fait cette tête-là car je sens alors tout son amour et j’éclate de rire avant de l’embrasser tendrement.
- Je vois mieux de quoi tu me parlais, Julia, rit Sylvia. Je ne te savais pas si jaloux, grand-frère !
- Moi ? Jaloux ? répond-il en nous regardant l’une après l’autre. Mais, c’est que vous jouez avec moi ! Vous vous moquez de moi ! C’est honteux, ce stratagème ! s’exclame-t-il faussement outré.
- Mais non, voyons, Chéri, ris-je en m’installant finalement sur la chaise à ses côtés. Enfin… Peut-être un peu, mais rien qu’un peu ! Ta sœur avait du mal à me croire, lorsque je lui parlais de tes petites crises adorables dès qu’il s’agit de Mat’.
- Ah oui, c’est fou ! J’adore ! Et frérot, t’as jamais été aussi amoureux, s’amuse sa sœur, hilare avant de reprendre un peu son sérieux. Tu as fait ces crises aussi devant Maman ? Elle t’a dit quoi, Julia ? Tu as eu l’impression que c’était une belle-mère ?
- Honnêtement, je ne sais pas trop… J’ai plus eu l’impression qu’elle cherchait à jauger la cheffe plus que la femme, et… Parfois elle jouait la bonne copine qui met mal à l’aise plutôt qu’autre chose.
- J’ai tellement envie de la rencontrer. Pour essayer de la comprendre. Je n’arrive pas à me l’imaginer. C’est fou.
Elle enchaîne comme ça des petites réflexions qu’elle a l’air de se faire à elle-même alors que nous la regardons tous, chacun à notre manière. Son mari a l’air courroucé et énervé de sa décision qui a l’air très soudaine. Arthur est, lui, pensif et intrigué par sa sœur qu’il a l’air de découvrir. Et moi, je suis un peu jalouse car moi aussi, j’ai envie de retourner en Silvanie, même si ça ne m’est pas du tout possible.
- Si tu penses en avoir besoin, je crois qu’il faut que tu te lances, Sylvia. Mais attends-toi à un sacré personnage… Elle n’a rien ou presque d’une mère, tu sais, poursuit Arthur. Enfin, de ce que j’en ai vu, tout du moins…
- Tu crois que je pourrais retourner en Silvanie avec toi ? demande-t-elle timidement. Ça me rassurerait tellement.
- Tu serais prête à partir si vite ?
- Je n’ai plus envie d’attendre. Ça fait plus de vingt ans que ça dure, frérot. S’il te plaît, dis-oui.
- Il faut que tu en discutes avec Eric, il va me tuer si j’accepte avant ça. Mais si vous vous mettez d’accord, on voit pour s’organiser pour rentrer ensemble, oui.
Sylvia jette un œil à son mari qui hausse les épaules, puis sourit à Arthur. Elle semble rassérénée rien qu’à l’idée de partir et cela fait plaisir à voir. Bien sûr, j’aimerais être moi aussi de la partie. Y a pas photo, entre entraîner les petites recrues et retourner en Silvanie retrouver Snow, Lila et rester auprès d’Arthur, mon choix serait vite fait. Mais je suis contente qu’elle fasse cette démarche, elle en a grandement besoin, je crois. Arthur, lui, semble moins sûr de la chose, mais il respecte le choix de sa sœur. Espérons que le pays soit encore calme et que tout se passe au mieux lorsqu’elle sera là-bas.
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