67. Une brioche avant le départ ?
Julia
- Je ne comprends pas que vous ayez demandé à ce que le Sergent Morin vous accompagne, Lieutenant.
Un Général dans mon petit bureau, par surprise ? Je me doutais que ça sentait mauvais, mais je ne pensais pas que le sujet de conversation serait Morin. J’imaginais davantage sa femme lui avoir dit que si je voulais retourner en Silvanie, c’était parce que l’homme que j’aime s’y trouvait. Avec un tel aveu de la part de sa femme, il aurait débarqué ici ivre de rage, me questionnant sur l’objectivité de ma demande de renforts, de mon envie d’y retourner. Je crois que je préfère qu’il s’agisse du sujet Morin.
- J’ai une totale confiance en le Sergent Morin, Général. Je sais qu’il a fauté, mais qui ne l’aurait pas fait dans un tel contexte ? Ses compétences sont essentielles pour la mission.
- Fauté ? Il vous a trahis ! Il a trahi son pays !
Et lui a accepté d’envoyer de nouvelles troupes en Silvanie pour de la brioche, bordel. Mais où va le monde ? Je ne m’en plains pas, évidemment, puisque je pars dans quelques heures pour retrouver Arthur, cependant, tout ceci est questionnable, non ?
- Je vous vois venir, avec vos pensées, Lieutenant Vidal. Vous croyez que je n’ai pas lu les rapports ? Même sans la brioche de votre mère, délicieuse soit dit en passant, après avoir lu les dossiers, j’aurais demandé l’envoi de nouvelles troupes.
- Je n’en doute pas, Général, mais sans la brioche de ma mère, auriez-vous seulement lu les rapports ?
- Attention à ce que vous dites, jeune femme.
- Vous avez raison, je vous prie de m’excuser, Général. Le stress du départ, j’imagine.
- Donc, ce Morin, là, qui vous dit qu’il ne craquera pas encore ?
- Je le dis, Général. J’ai confiance en lui, il a tiré les leçons nécessaires, et nous avons beaucoup échangé. La confiance est mutuelle. S’il devait une nouvelle fois être mis dans cette position, il ne craquerait pas.
- Je pense qu’elle a raison, Général, intervient le Capitaine Torchet en entrant dans mon bureau.
Réunion des gradés, comme si je n’avais que ça à faire à quelques heures du départ. Collins bougonne encore de repartir, Myriam m’a engueulée parce que je n’ai pas demandé à ce que son unité soit du voyage, et Eva n’est même pas venue hier soir, pour la soirée avant déploiement. Je n’ai pas baisé comme il est de coutume de le faire la veille, puisque j’attends de retrouver mon mec, autant dire que tout ne se goupille pas au mieux, avant ce départ en OPEX.
- Très bien, soupire le Général. De toute façon, il est déjà prêt à partir, j’imagine.
- Effectivement, il n’attend que ça pour prouver sa loyauté, Général.
- Je vous préviens, Lieutenant, le moindre souci avec Morin, vous pouvez dire adieu à votre carrière dans l'armée ! C'est clair pour vous ?
- Très clair, Général. Je me consolerai avec les brioches de ma Maman, le cas échéant. Elle m’en a préparé une d’ailleurs, vous en voulez un morceau ? Capitaine, vous devez absolument goûter aux brioches de ma mère !
- Attention, Lieutenant, ce n'est pas parce qu'on a bu le thé ensemble que vous pouvez vous permettre d'être impertinente !
- Je ne me permettrais pas, Général, vous avez tout mon respect et mon admiration, et je ne vous remercierai jamais assez d’avoir accepté que nous échangions sur la situation en Silvanie.
- Oui, oui, je vois, répond-il, flatté par mes propos. Torchet, je vous les conseille, les brioches, un vrai régal !
Je souris en sortant le petit sachet que ma mère a préparé avec plusieurs brioches individuelles. J’espère qu’il en restera quand même quelques-unes pour Lila, mais elles me permettent de repartir, alors ça vaut bien le sacrifice. Jérémy me regarde sans vraiment comprendre ce qu’il se passe, mais se sert dans le paquet après que le Général en a pris une sans aucune hésitation.
- Je suis désolée, je n’ai pas de thé pour accompagner, mais cela n’enlève rien au goût. Il y en a au citron, elles sont juste succulentes, mes préférées d’ailleurs, souris-je en piochant à mon tour dans le paquet.
- Ch'est mieux que la Chuiche, marmonne le Général, la bouche pleine en me laissant seule avec le Capitaine.
- Ne cherche pas à comprendre, soupiré-je avant de mordre dans ma brioche en rangeant le paquet dans mon sac à dos.
- Tu es vraiment sûre pour Morin ? Tu sais que je tiens à toi, énonce-t-il en s'approchant de moi. Ça me ferait vraiment pas plaisir de ne plus pouvoir travailler avec toi.
- Mange ta brioche, ça terminera de te convaincre. J’ai confiance en Morin, et je lui botterai le cul moi-même s’il merde.
- A ton retour de mission, j'espère que tu auras réfléchi un peu à nous deux. Tu es vraiment une femme formidable et je suis là pour toi, si besoin.
Nous deux ? Oulah, je crois qu’il se fait des films, le petit père. Il n’y a plus de nous deux depuis bien longtemps, d’où peut-il bien penser que je changerai d’avis d’ici là ?
- Jérémy, soupiré-je, je te remercie pour le compliment, et pour la proposition aussi, mais je te l’ai déjà dit, je ne suis pas intéressée. J’adore bosser avec toi, mais ça en restera là.
- Tant que tu n'auras pas la bague au doigt et quatre mioches dans les pattes, je continuerai à espérer, Julia. Te voir là, fière et décidée, me fait vraiment comprendre ce que j'ai perdu. Une mission peut tout changer, on le sait bien tous les deux, laisse moi donc espérer. Et si tu reviens toujours amoureuse de ton humanitaire, sache que je serai là pour vous féliciter ! Je te dis juste que je reste une option pour toi si ça tourne comme ça.
Quatre mioches dans les pattes ? Il est fou, lui ! Ce n’est pas demain la veille que ça m’arrivera. D’ailleurs faudrait-il que j’aie déjà envie d’en avoir un, ce qui n’est pas vraiment le cas pour le moment. J’aime mon boulot, j’aime partir en OPEX, et je ne pense pas que cela soit compatible avec une vie de famille classique. Non, sérieusement, partir six mois et retrouver mes gosses avec quelques centimètres et kilos de plus ? Rater Noël, leur anniversaire ? Laisser Arthur tout gérer ? Arthur… Merde, voilà que je me projette bien loin avec mon Bûcheron, alors que nous ne sommes ensemble que depuis quelques mois. Il faut dire aussi qu’il m’a vendu du rêve avec cette idée de se mettre en ménage tous les deux, avec Lila. Jamais je ne m’étais projetée vivre avec un homme, former un vrai couple. J’aime mon indépendance, j’aime mon petit appartement, j’aime ma vie telle qu’elle est. Enfin, j’avoue que je l’aimais telle qu’elle était. Maintenant que les Zrinkak font partie de mon univers, difficile de m’imaginer sans eux, et ça inclut la petite Lila qui pourrait me faire décrocher la Lune rien qu’avec son sourire, un bisou ou un câlin.
Je me secoue pour reprendre pied avec la réalité et observe Jérémy. J’étais bien avec lui, pour le peu que nous avons été ensemble. Il faut croire que j’apprécie les relations qui doivent rester discrètes, étant donné que je faisais tout, à l’époque déjà, pour que personne ne soit au courant.
- J’aurais sans doute replongé les deux pieds dedans si tu m’avais fait cette proposition avant mon départ précédent, ris-je nerveusement, mais tu arrives trop tard, Capitaine. Trouve-toi une jolie nana qui n’ait rien à voir avec l’armée et profite de la vie.
- Oui, et toi, fais attention à toi ! Reviens-nous en un morceau ! Si seulement des brioches pouvaient me permettre de retourner sur le terrain… Satanée blessure !
- Tu te fais trop vieux pour le terrain, de toute façon, ris-je avant de l’embrasser sur la joue. Et je préfère te savoir là à malmener les recrues.
- Je les forme pour que tu aies des troupes qui tiennent la route en OPEX ! Ce n'est pas les malmener, ça !
- Les deux vont ensemble. Et je ne doute pas que tu les formes très bien, je te connais suffisamment pour ça.
- Sois prudente, Julia.
- Je le suis toujours ou presque, Jérémy. Tu me connais, tant que mes hommes ne sont pas en danger, tout est carré.
- Oui, mais là, ça sent la mission pourrie où il y aura du danger, justement. Fais gaffe à tes fesses ! Ce serait malheureux de les abîmer !
- Je vais essayer de ne pas me faire tirer dans le derrière, promis, ris-je. Snow n’avait pas apprécié, je doute que ce soit très agréable à vivre. Bon, c’est pas que tu me déranges, Capitaine, mais j’ai encore quelques trucs à préparer avant le départ. On se voit sur le tarmac ?
- Bien sûr ! Pour le bisou de départ ! Je n’attends que ça ! me répond-il en me faisant un clin d'œil.
Je lève les yeux au ciel et lui souris avant qu’il ne tourne les talons et quitte mon bureau. Il faut que je me concentre avant de quitter mon petit QG pour aller superviser le chargement de matériel. Je sais que Collins doit gérer ça, mais je connais le loustic et je préférerais encore que ce soit mon Bûcheron, en mode rêveur, qui gère. Peut-être qu’il manquerait des choses, mais ça ne m’agacerait pas autant que si c’est Collins qui s’en occupe.
Avant de quitter mon bureau, j’envoie un dernier message à mes proches pour les avertir que tout est en ordre, et que je pense à eux. Il va être temps d’oublier tout le reste pour me concentrer sur mon retour en Silvanie. Et quand bien même je le fais pour m’assurer au maximum qu’Arthur et Lila sont en sécurité, ma mission principale est et restera de protéger les civils tout en m’assurant que nous n’avons pas de pertes du côté de l’armée. Encore beaucoup de responsabilités, mais j’aime ça. Oui, j’aime mon boulot, vraiment. Les enfants, on verra ça plus tard.
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Salut la compagnie !
Lecossais me fait mentir quand je dis qu'il est un auteur cruel :
En effet, il propose que l'on publie deux chapitres par jour jusqu'à la fin de l'histoire. Concrètement, vous avez le choix, à vos votes, et pas d'appel à un ami !
Préférez-vous garder le suspens plus longtemps et conserver un chapitre par jour (exception faite du dimanche) ?
OU
Souhaitez-vous que nous soyons bons avec vous en vous proposant deux chapitres par jour tous les jours jusqu'à la fin du récit ?
Il reste une vingtaine de chapitres, pour info :)
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