Ludwig arriva en sueur après une bonne demi-heure de course ; jamais il n'aurait pu le faire dans des conditions normales. Quand les autres le virent ainsi, ils se précipitèrent vers lui, le visage inquiet.

— Ludwig !

Surprenamment, Edward faillit le serrer dans ses bras, visiblement soulagé.

Mais il s'arrêta au dernier moment, avant de reprendre :

— Tu as reçu ce message sur ta sphère ? Qu'est-ce qui s'est passé, et… Merde ! C'est quoi ces brûlures ?

— C'est les Scaravenger, souffla Ludwig, exténué. Ils sont dirigés par Horebea.

Il leur raconta tout ce qui s'était passé, en plus du plan qu'ils devaient appliquer selon les directives de Yannis.

— Et pourquoi on devrait appliquer ce plan ? s'énerva Kara. Ne peut-on pas essayer d'aller chercher directement les autres équipes pour les combattre ?

— Arrête de faire ta sanguine, c'est à cause de tes histoires de cœur qu'on est dans cette galère, lui lança Edward. De plus, le plan est parfait sachant que notre force de frappe est réduite sans Jinn, Solis et Yannis. On sera plus efficaces avec le GPS qu'Ugo a programmé.

Il sortit sa sphère, et afficha la carte holographique : de nouveaux points de couleur différente étaient apparus.

— Ce lâcheur nous est encore d'une grande aide : il a répertorié à l'avance toutes les reliques et shelters de la région, ce qui nous facilite énormément la tâche. On doit juste les trouver, et les petits points seront comme des petits pains.

— Génial ! s'émerveilla Ludwig (il se promit de rendre la pareille à son ami).

Alors ne nous séparons pas, et commençons les recherches !

Ils laissèrent le campement installé, car Hadrian n'était pas encore revenu. Ce qui était génial avec l'application de Ugo, c'est que même les reliques enterrées étaient visibles par repérage en trois dimensions. Ludwig en trouvait des tas et des tas, amassant point par point, pour arriver à un total personnel de 76 au bout d'une quinzaine de minutes. Les autres avoisinaient les 50, mais le compte était là : ils allaient pouvoir éventuellement écraser les autres équipes. Au bout d'une heure, ils avaient chacun accumulé plus de 200 points. C'était largement suffisant.

— Espérons que Yannis remporte au moins un combat, s'inquiéta Pythie en regardant en direction du centre de la vallée, pour qu'on ne termine pas dernier. Après, on profitera du reste du temps imparti pour terminer premier.

— Ouais, ouais… confirma Ludwig, mal à l'aise.

Leur cacher la vérité était assez difficile : gagner ou perdre n'avait aucune importance, c'était juste du pipeau pour éviter les soupçons. D'ailleurs, Ugo devait se dépêcher de trouver un moyen de faire sortir leurs camarades ; Ludwig ressentait une espèce de malaise depuis ce matin, comme si quelque chose de catastrophique allait arriver.

Après quelques minutes à farfouiller le sol, il entendit un bruit dans les broussailles. Surpris, il n'eut pas le temps de se cacher qu'un jeune mage brun sortit des buissons, l'air hagard. Quand ce dernier vit Ludwig sur le quivive, prêt à activer son artefact de combat, il leva les mains et balbutia :

— T...Temps mort ! Je suis pas ton ennemi !

Ludwig remballa son outil magique, mais garda la main sur son épée. Mieux vaut être prudent, c'est peut-être un piège…

— Qu'est-ce que tu me veux ? lui lança-t-il en montrant bien qu'il ne lui faisait pas confiance.

— Euh… Tu fais partie de la Ferroul Squad, c'est ça ?

L'interpellé haussa un sourcil

— Oui… ? Mais ça ne répond pas à ma question !

— Ah ! Désolé, c'est juste que… Je suis pas très à l'aise dans ce genre de situations, hé hé…

Ludwig soupira, mais sentant que ce jeune mage n'était pas dangereux. Il enleva sa main de la garde de son épée et s'assit sur une motte de terre.

— Tu fais partie de l'équipe Blue-Sight ? observa Ludwig. Le jeune mage s'apprêtait à répondre, mais il le devança : C'est quoi ton nom ?

— Euh… Tracer. Maclagger Tracer, enchanté, hmm…

— Lénot Ludwig, répliqua-t-il. Qu'est-ce que tu fais là, Tracer ? Tu m'espionnais ?

— Quoi ? Non ! Je voulais juste savoir comment vous avez, hmm… réussi à gagner l'attention de Monsieur Parmini ?

Ludwig partit dans un fou rire qui effraya le jeune homme. Décidément, les mages c'est quelque chose ! pensa-t-il en s'essuyant le coin de l’œil. Mais à tout bien penser…

— Tu veux mon secret ?

Les yeux du jeune Tracer s'illuminèrent tandis qu'il hochait frénétiquement de la tête, comme un enfant à qui on aurait proposé de faire quelque qu'il aimait par-dessus tout.

— D'accord, d'accord, s'amusa Ludwig. Mais d'abord, je dois savoir… Est-ce que vous avez un lien particulier avec la team Red-Sight ?

On aurait dit que le jeune Tracer s'était transformé en une espèce de groupie. Il commença à parler avec la hâte d'une personne qui présentait son show préféré à un profane.

— Tu les connais !? Moi aussi ! Je les adule depuis ma plus tendre enfance, ce sont les meilleurs mages depuis des générations ! Ils ont réussi moult missions pour l'Académie, alors qu'il n'étaient même pas diplômés ! J'espère qu'un jour, je pourrais devenir comme eux, et… Oh ! Est-ce que tu savais que la plupart des sortilèges que…

— C'est bon, j'ai compris, le coupa Ludwig avec un air déjà épuisé, puis il lui glissa : Et tes amis sont du même avis ?

— Bien sûr ! Chacun d'entre nous a juré de rendre honneur à Red-Sight ! Tsedeq ner Lowt !

Ludwig se dit que c'était le cri de guerre de leur équipe. Brusquement, une idée folle, abusive et complètement géniale germa dans son esprit.

— Dis-moi… Est-ce que tu aiderais des amis de M. Parmini ?

— Bien sûr que oui ! déclara le groupie avec conviction. Et je suis sûr que les autres seraient du même avis !

Ludwig sourit ; il avait manifestement trouvé le moyen de ne pas perdre sans gagner.

— J'imagine que vous voulez gagner le Tournoi, comme vos prédécesseurs ?

— Oui, et… (Tracer prit une mine déconfite) On va devoir se combattre, n'est-ce pas ?

— Pas forcément, suggéra Ludwig.

Il commença à lui exposer son plan.

* * *

Edward dénichait une relique sous un caillou quand il vit Ludwig, accompagné d'autres personnes, arriver. À en juger par leur odeur, ça n'était pas des ennemis. Il se leva, épousseta son pantalon avant de s'avancer vers le petit groupe hétéroclite.

— Alors on se fait de nouveaux amis ? ironisa Edward. Tu me les présentes, ou bien ?

— Voici Tracer, commença Ludwig en montrant de la main un jeune mage brun aux yeux bleus. Spencer, Lilia, Kattrek, Malia et Soma leur chef, qui est parti pour l'arène. Ils sont tous de la Blue-Sight, et ils souhaitent nous aider en échange de notre victoire.

Edward se demandait bien comment son ami caucasien avait pu les convaincre d'échanger quelque chose d’hypothétique contre un quelconque service ? Mais il fallait bien reconnaître les faits : il avait réussi.

—Et quel genre d'aide peuvent-ils nous prodiguer ?

— Je parlerais au nom de l'équipe, s'avança Tracer. Ça vous va ?

Ses coéquipiers avaient l'air d'accord, et le porte-parole commença :

—Votre ami Ludwig ci-présent nous a proposé le marché suivant : en échange de votre victoire, vous vous engagez à nous faire gagner le Tournoi coûte que coûte. Ainsi, après avoir gagné la coupe et le passeport, nous vous donnerons ce dernier et nous engagerons à vous aider à retrouver votre foyer, comme la Red-Sight l'aurait fait, elle. Seul rendre honneur à cette glorieuse équipe nous intéresse, et aussi… Et bien… (Tracer se frotta les mains, visiblement gêné) Nous aimerions avoir une audience avec M. Parmini… Si ce n'est pas trop demander !

Décidément, Edward était vraiment heureux de compter Ludwig parmi ses amis. Néanmoins ça ne donnait pas la garantie que cette équipe tiendrait parole…

— Aucun problème, on vous arrangera ça, conclut le skaldnjol en tendant sa main ouverte. Deal ?

Tracer, un peu confus par ce geste, serra néanmoins la main du blafard.

— D...Deal !

En cas de trahison, le skaldnjol leur arracherait la carte de leur cadavre. Edward sourit, puis se tourna vers Ludwig.

— Reste à prévenir Yannis de ce plan, pour pas qu'il le fasse foirer. On peut toujours le joindre ?

— Un instant, le prévint Ludwig en sortant sa Sphère.

Il sélectionna le profil de leur ami et appela. Quelques secondes plus tard, Yannis décrocha.

— « Allô ? » cria une voix brouillée par des parasites.

— Ouais, c'est Ludwig. On a un nouveau plan.

— « Ok… Dis m'en plus ! »

Il lui énonça les informations une à une, afin que Yannis n'en rate pas une goutte. Ce dernier, après avoir tout entendu, déclara simplement :

— « Alors tout baigne ! Apparemment, j'affronterais ce Soma en premier Round, et je ne pense pas qu'Horebea puisse vaincre le chef des M.A.C.H.T toute seule. Ainsi, je combattrais Horebea sans gêner Soma dans son ascension pour la victoire ! »

— C'est super, mais… comment crois-tu que Soma puisse gagner contre le chef des M.A.C.H.T ?

— « J'attendais que tu me le dises ! Tu te souviens quand on est arrivé sur Mourn, et que la brume autour de la clairière s'était dissipée ? »

— Euh… Ouais ?

— « C'était moi ! J'ai retiré un sorte de catalyseur dans un menhir, et ça a nullifié le sortilège de la brume et des portails ! Et je pense que cet objet permet à son utilisateur d'amplifier sa capacité magique ! Avec ça, Soma pourra même Déphaser et utiliser son pouvoir pendant tout le combat, et surpasser tous les obstacles ! »

— J'y crois pas… souffla Ludwig.

Edward sentit un vent d'espoir gonfler les voiles de son cœur. Le monde lui-même leur prêtait assez d'attention pour leur permettre de déjouer les manigances du destin. Il était tellement sûr de leur victoire qu'il intervint dans leur conversation :

— Tu peux quand même mettre une bonne tannée à cette mégère de Scaravenger ! Donne tout ce que t'as, frère !

— « Frère ? C'est bien la première fois que tu m'appelles comme ça… J'aime bien ! T'inquiète ! Je vais montrer à tous qu'il ne faut pas déconner avec Yannis le Mage-Terrien ! »

C'est sur cette dernière phrase que Edward comprit que leur ami avait enfin saisi qui il pourrait devenir. Il va gagner sans gagner, et perdre sans perdre.